Revoilà Mosley
Walter Mosley a quitté Watts, le ghetto noir de Los Angeles, pour aménager à New York. Dans la ville-monde, l’environnement est différent. Harlem a vu sa définition comme ghetto s’évanouir. Aujourd’hui, les rues ont été nettoyées, les immeubles refaits et la police, invisible pourtant, est, aux dires des habitant(e)s, omniprésente. Le quartier est devenu un des plus tranquille de la Ville. Étonnant bouleversement.
Mosley ne pouvait donc mettre son détective privé dans l’ambiance de Harlem. Il fallait le définir autrement que Easy Rawlins – le personnage principal de la saga de Watts de la fin de la seconde guerre aux grands mouvements pour les droits civiques des années 60. Il a donc construit une sorte de clone de Rawlins en plus vieux – il tourne du côté de la cinquantaine même s’il fait de la boxe et ne répugne pas au coup de poing. Leonid T. McGill est son nouveau nom. Un vrai détective privé avec une licence même si son passé – du passé on ne peut faire table rase – de voyou lui donne des remords. Le souvenir qu’il a de son père, un militant communiste parti lorsqu’il était très jeune et la mort de sa mère qui s’en est ensuivi, le poursuit continuellement. Il parle avec ce fantôme qui se singularise dans le contexte actuel fait d’un mélange de libéralisme et de volonté d’être riche – une fin qui justifie tous les moyens, même ceux illégaux – par son désir fou de refaire ce monde. Un fantôme aussi commun de père absent. L’imagination des enfants suppléent à ce manque…
Mosley a pris des risques – calculés ? – dans ce deuxième opus des aventures de Leonid. « Les Griffes du passé » – un titre bien trouvé par Oristelle Bonis qui a assuré la traduction. Il se débat McGill. Il essaie de s’en sortir, lui, sa femme, son aimée et ses enfants. Quel travail ! A côté Hercule fait pâle figure. Tel Sisyphe, il remonte la pente pour en redescendre aussitôt. Le rocher est trop lourd, celui de la mémoire, des souvenirs qui viennent,nous rappeler notre condition humaine.
L’enquête est presque subsidiaire. Elle met en scène la folie du pouvoir et de l’argent. Une sorte de conte d’un temps – le nôtre – où tout semble permis, où la morale, l’éthique a disparu, où la barbarie triomphe.
Le style n’est pas à la hauteur de ces ambitions. Il s’étire un peu trop. Un peu paresseux. Il faut dire que Mosley est un auteur reconnu… Malgré cette restriction, il faut le lire. Il raconte notre histoire via celle de « Big Apple ».
Nicolas Béniès.
« Les griffes du passé. La deuxième enquête de Leonid McGill », Walter Mosley, traduit par Oristelle Bonis, Babel Noir/Actes Sud, parution originelle Jacqueline Chambon.