Modèle de destruction

Une histoire américaine

« The Carpenters », Karen et Richard frère et sœur, représente le groupe phare des années Nixon, le moment où les populations veulent oublier la guerre du Viêt-Nam et même leur président. Une musique sirupeuse sauvée par la voix étrange de Karen. Un peu grosse, elle erre de régime amaigrissant en régime amaigrissant. Anorexique, elle mourra à 33 ans d’un arrêt cardiaque ouvrant la porte à la dévotion des fans. Clovis Goux évoque cette Amérique étrange qui connaîtra la vague hippie à la fin des années 60. « La disparition de Karen Carpenter » raconte la descente aux enfers d’une jeune femme trop de son temps et en acceptant toutes les figures de la publicité. Une écriture qui tient à distance son sujet tout en faisant preuve de délicatesse, de pudeur. Ce critique de rock devrait faire romancier.
N. B.
« La disparition de Karen Carpenter », C. Goux, Actes Sud/Rocks

« Sunny » Murray, batteur.

Mort d’un révolutionnaire

Qui aurait pu penser à le voir – une tête à la « Sonny » Liston – dans les années 1960, aux côtés de Albert Ayler, qu’il vivrait jusqu’à cet âge de 81 ans ? Certain-e-s donnent l’impression d’être éternel-le-s, lui non. Le battement sauvage de la batterie donnait l’impression de courir entre les premiers temps du jazz où cette révolte s’exprimait et la modernité d’un temps qui appelait la révolution, le changement brutal. Le tout s’exprimait dans cet instrument créé par le jazz et pour le jazz, un instrument révélateur de toutes les transformations de cette musique à travers le siècle. Des premiers temps où le jazz ne s’appelait pas encore jazz mais ragtime, jusqu’à la révolution totale, puissante du Free-Jazz, la batterie s’est métamorphosée. Continuer la lecture

U.P. JAZZ du 20 décembre

C’est le moment. On fait les bagages. Il faut se préparer à quitter la Côte Ouest, cette Californie gorgée de soleil qui se refuse à la pluie, en ce moment, pour de gigantesques incendies. Le réchauffement climatique est passé. le jazz aussi, peut-être.
Un jazz curieusement appelé « Cool », frais, pour résister à la chaleur sans doute.
Depuis l’an dernier – l’année scolaire bien sur – nous avons visité Los Angeles d’abord. La Cité des Anges transporte les noms mythiques, Hollywood, Silicon Valley deux manières de marier imagination et bizness, art et marchandise.
Le jazz « West Coast » est intimement marié avec les années 1950, sa date de naissance. Le lieu est plus contesté. Miles Davis signe un de ses certificats de baptême à New York en 1948, en créant un Nonet qui n’a aucun succès. Le disque – le 33 tours 25 cm en l’occurrence – s’en emparera, aux débuts des années cinquante, sous le nom « Birth of The Cool », une trouvaille.
En cette fin d’année 2017, début d’une nouvelle année scolaire, nous sommes passés à San Francisco – Frisco pour les intimes – avec son golden bridge, son quartier mal famé, ‘Barbary Coast », don blues et son jazz.
Aujourd’hui, je ne vous propose pas un bilan mais des raisons de regretter de quitter ce côté ensoleillé des Etats-Unis, The Sunny Side of the USA, en écoutant ceux et celles considérées comme des représentants de ce jazz.
A mercredi.

Que les « fêtes » deviennent vos fêtes, de celles qui mêlent plaisirs, rires et tout ce reste qui fait de nous des êtres humains, une qualité très contestée dans nos temps troublés.
A vous voir.

Nicolas.

L’imagination au pouvoir

Renouer avec les utopies.

Naomi Klein, dans « Dire non ne suffit plus » sous titré « contre la stratégie du choc de Trump », dresse un réquisitoire contre la politique qu’il met en œuvre ou qu’il voudrait mettre en œuvre. Une politique faite de défense des intérêts des nouveaux milliardaires et des sociétés multinationales installées dans le court terme sans projet d’avenir et, souvent, sans comprendre le passé. Contre tous les biens communs, toutes les solidarités collectives, pour la défense des super marques devenues humaines comme Trump lui-même, le néo libéralisme mâtiné désormais de revendications identitaires broie toutes les oppositions et bafoue la démocratie à coup de « fake news » pour organiser une société uniquement répressive, en s’appuyant sur des groupes fascistes et suprématiste blanc.
Pour lutter contre cette politique globale, il faut, dit-elle, « oser rêver », renouer avec le utopies pour démontrer que « le temps est venu de bondir ». Son argumentation s’appuie sur une analyse sous-jacente de la crise systémique du capitalisme qui rend crédible toutes ces visions pour forger un avenir commun, collectif d’abord contre les mutations climatiques, la crise écologique pour édifier un autre monde qu’elle voudrait « solidaire et bienveillant ».
Isabelle Delannoy, ingénieure agronome, se pose des questions similaires. Elle y répond en proposant des techniques qui permettent à la fois d’économiser de l’énergie, de lutter contre les crises écologiques et de développer la production. Elle passe en revue la permaculture, un procédé qui respecte la terre considérée comme un bien gratuit, l’économie circulaire et beaucoup d’autres procédés absolument nécessaire. Elle nomme cet ensemble qui veut « faire vivre en harmonie les êtres humains et les écosystèmes », « L’économie symbiotique » avec un sous titre qui manque singulièrement de modestie : « Régénérer la planète, l’économie et la société ». Il manque pourtant une ambition, comprendre le fonctionnement du capitalisme, déterminer les forces sociales – comme le fait Klein – opposées à cet avenir. Appréhender le passé est vital pour définir une autre société qui fonctionne sur d’autres critères. Les êtres humains sont insérés dans des enjeux qui les dépassent, ils font leur propre histoire dans des conditions qu’ils n’ont pas librement déterminées.
Dans la construction d’ « utopies réelles » – pour reprendre le titre de Erik Olin Wright, La Découverte – les réponses nécessaires aux crises, aux inégalités croissantes sont des points de départ pour synthétiser toutes les solutions partielles.
Nicolas Béniès.
« Dire non ne suffit plus », Naomi Klein, Actes Sud ; « L’économie symbiotique », Isabelle Delannoy, Actes Sud/Colibri.

UP Jazz du 13 décembre 2017

Bonjour,

Comme annoncé, pour cette dernière de l’année civile, l’année scolaire elle continue et nous avons rendez-vous en 2018, nous ferons la part belle à deux natifs de San Francisco, Dave Brubeck – en fait né à Concord le 6 décembre 1920 – et Paul Desmond. Le premier, pianiste, a étudié avec Darius Milhaud – il a prénommé un de ses fils Darius, devenu lui aussi musiciens de jazz – et quelques autres. Il a été » souvent dénigré par la critique de jazz française qui le trouvait trop « raide » pour dire qu’il ne swinguait pas, qu’il n’avait pas le « feeling » du jazz, trop marqué par sa formation. Critiques qui ne savaient pas que Darius Milhaud avait été fortement influencé par le jazz, celui du début des années 1920, que Darius voulait réaliser une musique sauvage, dans l’air de ce temps de révolte.
Paul Desmond – né Breitenfeld, le 25 novembre 1924 – est associé à Dave. Il disait que le mec accoudé au piano de Brubeck, c’était lui. Nonchalance affectée, le son de son saxophone alto doit autant à Johnny Hodges – le saxophoniste alto de l’orchestre de Duke Ellington, un des inventeurs de l’alto avec Benny Carter, Willie Smith – qu’à Charlie Parker dont il fallait se séparer pour exister. Un son moelleux non dépourvu d’aspérités qui détonne sur des métriques étranges pour le jazz.
Ensemble, ils feront leurs premiers pas à San Francisco – nous en avons déjà parlé et écouté – pour s’émanciper à New York. Ils enregistrent pour Columbia en 1959, pour le même studio, une ancienne Église, qui accueille Miles Davis pour cet album mythique « Kind of Blue ». Pour Dave et Paul, ce sera « Time Out » lequel commence pat « Blue Rondo A La Turk » – tout est dans le titre, même le blues que Paul joue comme personne – et « Take Five », un composition qui rendra riche Paul Desmond. Comme le « Blue rondo » l’indique c’est la multiplication des métrique, 5/4, 4/4, 7/4 qui fait l’originalité de ces compositions. Difficile à jouer pour tous et toutes les musiciens-ne-s de 1959. Le travail est immense. Cet album est pourtant un succès. Paul surtout réussit à faire passer toutes ces découvertes comme évidentes. La décontraction apparente, qu’il tient de Lester Young la grande influence de tous les saxophonistes de la Côte Ouest, arrive à convaincre le public.
C’est un grand succès de cette année 1959 (voir « Le souffle bleu », C&F éditions).

L’un des grands succès du « crooner ».

Le building de la firme Capitol surnommé le building construit par Nat « King » Cole

Pour les « fêtes », pour qu’elles soient vraiment une fête, nous terminerons avec un chanteur qui redevient à la mode via Gregory Porter qui lui rend hommage, Nat « King » Cole.
A vous voir.
Nicolas Béniès.

Une froide chaleur

Le festival PAN une réussite.
Le trio O.R.B.I.T.

Ce soir, 8 décembre 2017, « La fermeture éclair » a connu un moment de grâce. C’est rare. Le trio O.R.B.I.T. était sur scène. Tom Rainey est un batteur qui sait remplir nos rêves de rythmes brisés alliés à une pulsation qui assure la continuité du propos. Le voir est un spectacle réjouissant. Les batteurs ne sont pas morts, tués par les percussions. Au plaisir des yeux qu’il ne faut pas bouder s’ajoute celui de l’oreille. Il sait se faire soliste tout en laissant croire qu’il accompagne.
Sébastien Boisseau, comme ses illustres prédécesseurs – ce soir, il m’a fait penser à Eddie Gomez et à quelques autres contrebassistes plus ou moins connus qui ont su se faire les hérauts d’un jazz qui s’est appelé libre – sait faire chanter la contrebasse ou la transformer en instrument rythmique capable de rivaliser avec la batterie tout en la faisant pleurer ou rire et même crier.
Stephan Oliva, le denier à se mettre en orbite, allie colère et émotions rentrées en une élégance du toucher qui donne à cet instrument la capacité de se transformer. C’est le troisième instrument percussif de ce trio pour permettre à chacun de s’envoler vers d’autres cieux. L’art de Stéphane tient dans l’éventail des possibilités qu’il laisse entrevoir pour en choisir une à un moment donné. Tous les styles sont convoqués à cette table où il ned manque aucun ingrédient. Intégrer Bill Evans, Cecil Taylor, Don Pullen, toutes celles, tous ceux qui ne viennent pas à l’esprit est un petit miracle.
Comment croire que ces trois là ne se voient pratiquement pas. Le batteur est à New York, le bassiste à Nantes et le pianiste à Montpellier… Ils donnent l’impression de se connaître de toute éternité, comme si le jazz venait juste d’abolir les distances.
Dans cet endroit voué à être détruit en 2018, le froid s’appliquait à se montrer envahissant. On pourrait même parler de harcèlement. Pourtant la chaleur de la musique envahissait les esprits ce pendant que les corps restaient quasi sans vie. Cet engourdissement a-t-il favorisé la réception d’une musicale original faite de composition de Stéphan ou de Sébastien dans des arrangements nouveaux dus à la plume de Stéphan.
CE concert, même dans le froid, avait le goût des grands étés, des grandes chaleurs sympathiques qui obligent le corps comme à l’esprit à devenir un peu liquides pour trouver de nouvelles portes d’entrée face à un monde qui semble ne connaître que la guerre pour régler ses problèmes.
Cette musique ne donne pas de leçons, elle ouvre le cœur et l’esprit. Une fois entendue, elle ne laisse provisoirement plus de place à d’autres.
Que le dernier groupe trouve aussi mes excuses. Je ne voulais pas rompre le charme. Ce charme là est devenu tellement rare que j’ai voulu le garder le plus longtemps possible.
Pour l’instant ce trio ne trouve pas de producteur…

Nicolas Béniès.

Festival PAN, le 8 décembre 2017

Un festival détonnant

Le festival PAN aura lieu en partenariat avec « La fermeture éclair », lieu où se produira le festival, quoi François Mitterrand, à Caen.
Il annonce ci-après les changements dans sa présentation. Avant, tous les mois, il proposait un groupe ou deux, désormais il se transforme en un festival d’un jour et ce, tus les trimestres.
Je suppose que les contraintes budgétaires ne sont pas étrangères à ces changements.
La programmation est alléchante. Le travail de programmation est bien fait. Trois groupes se partagent l’affiche

« Ciel mes bijoux » à 19 heures, un groupe à découvrir que j’avoue ne pas connaître…

Le clou, à mon avis, le trio O.R.B.I.T. à 20h30 avec le pianiste Stephan Oliva, dans la lignée de Bill Evans mais aussi influencé par Cecil Taylor, une sorte de synthèse de tous ces jazz conduite par une sensibilité à fleur de peau. Il fait passer un frisson par un jeu de piano fait de ruptures, de surprises dans une sorte de continuité étrange.
Si vous ne connaissez pas ce pianiste, il faut vous presser à la Fermeture éclair pour une mise en orbite garantie.

La soirée se terminera avec « April Fisches », prévu à 21h30

N’hésitez pas.

Nicolas BENIES

Le communiqué de PAN :

La saison du Collectif PAN change de formule !

Pour cette saison 17/18 la programmation sera trimestriel, pour chaque saison nous vous préparons une grosse soirée pour découvrir la variété du jazz; une en hiver, une au printemps et une en été. La première aura lieu le 8 décembre prochain avec au programme :

Ciel! Mes Bijoux! à 19h

Trio O.R.B.I.T à 20h30

April Fishes à 21h30

En Partenariat avec :

TARIFS :
10 € plein
7€ réduit
gratuit moins de 12 ans