Le Moyen-Age revisité.
Publié en 1820 un roman intitulé « Romance » – une expression idiomatique donc intraduisible -, « Ivanhoé » était une gageure. Le 12e siècle n’était pas très couru. Les Normands venaient d’envahir les îles britanniques et les Saxons tentaient tant bien que mal de résister au « joug normand ». Guillaume était passé par là en 1066, paraît-il.
Le travail historique de Walter Scott fut souvent remis en cause mais il est, d’après le présentateur de cette édition, Henri Suhamy – aussi traducteur -, conforme aux études de ce temps. Au-delà, ce livre inspirera les « romantiques » et, en premier lieu Alexandre Dumas qui ne craindra pas de signer de son nom sa traduction. Le « roman de cape et d’épée » comme on dira en français aura une longue tradition. Elle est reprise aujourd’hui par le polar qui a envahi l’Histoire.
Chez Scott, les vaincus ne sont pas oubliés. Ils représentent même les figures les plus travaillées et les plus valeureuses. Les amours de Wilfried et Rebecca sont tragiques parce qu’impossible. Un chevalier et une juive ne pouvaient vivre cette relation. Elle devait rester secrète. La conscience de cette impossibilité est visible chez Rebecca tandis que le chevalier brise son cœur en silence en osant à peine se l’avouer.
Ce roman souffre des diverses adaptations cinématographiques, ces images qui nous empêchent de goûter à cette prose voyageuse dans le temps. Il faut (re)lire « Ivanhoé » comme si c’était la première fois pour y découvrir les trésors cachés. Au-delà du suspense, des trouvailles de rebondissements il faut aussi y voir un hymne à la justice, à la reconnaissance de l’Autre, de sa culture, de sa participation nécessaire à notre commune humanité. En ce sens, le personnage principal n’est ni Ivanhoé, ni Richard Cœur de Lion – emprisonné au début de ce roman – mais bien Rebecca qui condense le message humaniste de l’auteur.
Ajoutons le plaisir d’une nouvelle traduction, d’une introduction qui situe Walter Scott, la Grande-Bretagne de ce 19e siècle et le roman. Tout l’appareillage de notes permet une lecture renouvelée de ce chef d’œuvre.
Nicolas Béniès.
« Ivanhoé », Walter Scott, traduction et édition de Henri Suhamy, Folio/Classique, Gallimard.