Brighton microcosme de la Grande-Bretagne.
Peter Guttridge fut d’abord critique de « littérature policière » pour se transformer en écrivain de cette littérature souvent présentée comme « de gare ». Rien de plus faux. Cette littérature est vivante. Elle phagocyte toute la littérature, imposant ses règles. Une victoire à la Pyrrhus qui la fait disparaître comme genre.
Dans cette trilogie, « Promenade du crime », « Le dernier roi de Brighton » et « Abandonnés de Dieu qui vient de paraître, Guttridge en administre la preuve une fois encore. Les intrigues permettent de renouer les fils de la mémoire, de l’Histoire de ce pays qui fortement tendance à les oublier pour construire une histoire mythique. Des réécritures multiples.
Pour ce faire, l’auteur avait besoin d’une unité de lieu. Ce sera Brighton. Une station balnéaire du Sud de la Grande-Bretagne présentée comme un haut lieu des mafias et du grand banditisme. S’y affrontent les prétendants à la « royauté » de la truanderie. Les familles locales sont concurrencées par les mafias de l’Europe de l’Est. Le combat est forcément sanglant… Brighton se trouve ainsi promu au rang de microcosme de ce Royaume-Uni soumis à « Tina », un acronyme bien connu de Thatcher. Cette société fonctionne suivant les « lois », les dogmes, du libéralisme le plus forcené.
En bon scénariste, il pose dans « Promenade du crime » les questions dont les réponses se trouvent dans ce dernier opus, « Abandonnés de Dieu », des réponses sur un double terrain. Celui de l’actualité : Robert Watts, chef de la police en juillet 2009, se trouve piégé par on ne sait qui dans l’assaut d’une maison où devait se trouver les criminels. Patatras, ils ne sont pas là, Un carnage a lieu et des émeutes suivent. Il est obligé de démissionner. Sa partenaire, l’inspectrice Sarah Gilchrist est entraînée dans le scandale. Elle garde son poste mais se trouve en butte à l’hostilité de ses collègues. Aucun flic ne voudra témoigner. La corruption bat son plein, le pendant du libéralisme.
En même temps resurgit un crime du passé. En 1934, un tronc de femme avait été retrouvé dans une malle. Qui est-elle ? Pourquoi a-t-elle été assassinée ? Les interrogations du présent et du passé se rejoignent dans la recherche de Bob Watts de son identité.
Surgit une image de la Grande-Bretagne façonnée par la première boucherie mondiale. Les soldats engagés en resteront traumatisés. Les « Bobbies » comme les autres. Je ne sais si c’est un effet des commémorations de cette guerre mais les polars se succèdent sur cette période. Ces chocs expliqueront la place spécifique des groupes fascistes en Angleterre qui auront pignon sur rue.
Guttridge se sert des manuscrits du père de Watts qui se fait appeler Victor Tempest pour son œuvre littéraire du côté polar bien entendu, pour les retours en arrière. Tous – presque tous – les mystères trouvent une solution. Une « conclusion » qui oblige à relire les deux tomes précédents pour y trouver les indices.
Une sorte de synthèse du polar d’aujourd’hui.
Nicolas Béniès.
« « Abandonnés de Dieu », Peter Guttridge, traduit par Jean-René Dastugue, Rouergue Noir. Les deux précédents volumes, « Promenade du crime » et « Le dernier roi de Brighton » ont paru dans la même collection.