Polar et grande littérature.

Le cas James Lee Burke

Où classer James Lee Burke ? Dans les auteurs de polars avec un héros récurrent, Dave Robicheaux, avec comme toile de fonds l’histoire au présent de la Nouvelle-Orléans et de la Louisiane ? Ou dans cette littérature américaine du Sud des États-Unis qui prend sa source dans Faulkner et un peu dans Hemingway ? Dans les deux vraisemblablement tellement le polar est devenu une des sources principales de la dite grande littérature, plus encore aux États-Unis qu’en France.
Il faut reconnaître que Dave Robicheaux au fil des temps est devenu une des figures de l’auteur. James Lee pourrait tout aussi bien changer de nom. Ce n’est pas son seul double, il en est d’autres pour raconter d’autres contrées, le Texas par exemple. Mais il n’est jamais plus à l’aise que dans ce coin du Mississippi où Trenet voyait les enfants « faire pipi », pour une rime riche même si elle est facile.
Il en est, comme Laurent Chalumeau, tout à sa défense de Elmore Leonard – qui situe ses intrigues à Detroit, une autre ville du jazz, dont il fait aussi la chronique -, qui prétende que James Lee a pris la grosse tête et qu’il n’est guère capable de se renouveler. Une critique supplémentaire pourrait lui être faite, Dave Robicheaux n’arrive pas à vieillir malgré le temps qui passe, malgré sa fille qui grandit et veut devenir une écrivaine. Il n’empêche, le pays qu’il décrit est un condensé de violences, d’injustices, d’inégalités, de corruptions qui structurent ces USA, pour parler comme là-bas. James Lee n’est, sans doute, pas étonné que la police blanche tire sur des jeunes noirs sans armes. Le racisme est installé dans cette société même si les changements sont perceptibles (voir ma chronique de la thèse de Sylvain Cypel) et commencent par les femmes comme souvent. Elles sont la plaque sensible qui permet de situer les évolutions structurelles. Il sait se faire le porte-parole de cette ville, du jazz et du blues, soumise au réchauffement climatique via ces tsunamis – Katrina a été le plus ravageur, en 2005 – réguliers, à l’image d’un monde en continuelle révolution.
Les ombres du passé ne savent pas disparaître. La mémoire, patrimoine essentiel, doit faire l’objet d’un travail permanent. Dans tous ses livres, le passé fait partie intégrante du présent.
Dans le dernier opus publié en poche – Rivages/Noir -, « L’arc-en-ciel de verre », un titre en forme de slogan pour cette ville sinistrée, il met en scène une vieille famille de ce Sud profond qui a participé à tous les trafics, fasciste et raciste, accusé de meurtres de jeunes femmes. Alafair, la fille adoptée de Robicheaux, est cette fois actrice directe. Le conflit de générations semble véritablement vécue. Continuer la lecture