Jazz, Hugo Corbin

Rêves de jazz, brumes de musique

Hugo Corbin, guitariste et compositeur, a décidé, dans « Inner Roads », d’explorer ces voies sans entrées que sont les routes internes, celles fréquentées les jours et nuits où dominent le sentiment d’un voyage dans un espace temps indéterminé, un voyage souvent périlleux dont les bornes n’existent pas.
Il est en bonne compagnie. Marc Buronfosse, bassiste, tresse l’assise rythmique pour permettre aux trois autres de contempler les images d’un temple dévasté tout en se faisant entendre, en solo, un son plein et rond. Adrien Sanchez, saxophone ténor, évoque à la fois Coltrane – bien sur – tout autant que Jan Garbarek pour donner la réplique à la guitare et lui permettre de restituer des images venant d’autres lieus. Enfin Srdjan Ivanovic, percussionniste plus que batteur, apporte le complément qui fait la différence pour inviter l’auditeur aux rêves, à imaginer des images issues de l’esthétique ECM – revendiquée par le compositeur – tout autant que des musiques qui agitent le cinéma pour faire vivre, dans une autre dimension, les vues sur l’écran.
Le quartet sait que l’équation à réaliser se traduit par 4=1=2=3, et il est proche de la réaliser. Juste une remarque. En construisant l’album, il faudrait prévoir des surprises. Un thème qui rompt brutalement avec le précédent par exemple, pour éviter la sensation d’atmosphères apparemment trop semblables.
A découvrir.
Nicolas Béniès.
« Inner Roads », Hugo Corbin, Absilone/Cool Label, rens : www.lecoolectif.org

Jazz, Julian Lage

Retour vers le futur.

Le climat actuel, centenaire du premier disque de jazz oblige peut-on croire, est fait d’un retour vers les origines, le moment où rien n’est codifié, où tous les alliages, les collages sont possibles et ressentis comme nécessaires. Une sauvagerie que Darius Milhaud voulait retrouver. La sauvagerie de la création est une des manières de lutter contre la violence du monde. Manière de faire se rencontrer les révolutions du jazz, celle des premiers temps, de ces années 20 rugissantes, avec celle de ces années 60 appelée « Free Jazz », une sorte de libération profonde à la fois des codes, de tous les codes y compris ceux de la musique et du corps.
Julian Lage, guitariste découvert pour nous aux côtés de Gary Burton, ouvre ses compositions en emmêlant, avec une joie communicative façon de renouer avec la danse, les danses, à tous les vents des grands espaces de ces Etats-Unis d’Amérique qui semblent avoir perdu le goût de la liberté. La « country » prend toute sa place sans oublier les jazz, tous les jazz. Une sorte de souffle bleu qui emporte tout sur son passage. Au-dessus de tout, la guitare capable de tous les sauts, de toutes les acrobaties pour faire sentir la musique autrement. Le trio, habituel de Lage, Scott Colley à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie (et un peu au vibraphone) habitent les compositions de Lage.
Le titre même de l’album, « Modern Lore », est à lui seul un programme. En forme d’oxymore : moderne s’applique aux connaissances traditionnelles et c’est bien cette réflexion qui est au centre de cette musique.
Nicolas Béniès.
« Modern Lore », Julian Lage, Mack Avenue distribution PIAS