Un art qui se perd…
Cet album tient un titre, « Art of Conversation », et il le tient bien. Kenny Barron, pianiste, né à Philadelphie le 9 juin 1943, sait tout du jazz. Dave Holland, britannique de départ devenu totalement jazz, a baladé sa contrebasse dans tous les groupes pour finir par diriger le sien où il a permis la découverte de nouveaux talents. Les réunir ne venait pas tout de suite à l’esprit.
Une bonne idée pourtant à les entendre dialoguer. Un échange, une interaction sans jamais hausser le ton. Les aspérités de la conversation n’apparaissent qu’au bout d’une écoute attentive. Chacun se raconte tout en se gardant d’imposer son histoire. Bud Powell accompagné de Monk, « In Walked Bud », est invoqué par Kenny – Bud fut son voisin -, Kenny Wheeler, trompettiste et compositeur qui nous a récemment quittés, « Waltz for K.W. » par Dave Holland – ils avaient joué ensemble aux côtés de Anthony Braxton pour des albums qui restent, de référence – ou encore Billy Strayhorn, Charlie Parker… musiciens qui font aussi partie de notre mémoire, de notre histoire.
Si cette conversation est aussi affûtée, c’est qu’elle est le résultat d’une tournée effectuée pendant l’année 2012. Contrairement à une tradition récente, cet enregistrement en studio ne précède pas la tournée mais la conclut. Le CD, souvent, sert de carte de visite pour obtenir des engagements alors qu’il devrait être la synthèse des apparitions en public.
Kenny Barron et Dave Holland continue de se produire. En septembre on a pu les entendre à La Villette en septembre et, plus récemment, au New Morning… Ne les rater pas…
C’est aussi, cette première rencontre entre les deux hommes, la renaissance d’un label mythique, « Impulse ! ».
Deux réussites. Retrouver un label disparu qui fut celui de Coltrane – Bob Thiele en fut le producteur – et une conversation qui vous suivra tard dans la nuit autour de ce cognac que ces deux là ont dû se partager…
Nicolas Béniès.
« The Art of Conversation », Kenny Barron/Dave Holland, Impulse distribué par Universal.