Un retour.
L’article ci-après date de 1995. La finance change de visage, elle connaît des mutations importantes. L’intérêt ici est de rappeler des définitions qui servent encore dans l’analyse des conditions actuelles. L’affaire Leeson notamment est complétement oubliée…
La faillite de la banque anglaise « Bahrings » vient une fois encore illustrer les risques de la spéculation sans frein sur les marchés à terme, dits aussi dérivés. 7 milliards et demi de francs de pertes, soit plus que la totalité de ses fonds propres, ont conduit cette vieille banque coloniale à se faire racheter par une compagnie néerlandaise, ING. Quel déshonneur pour la Reine d’Angleterre qui possédait un compte… La direction de la banque a fait retomber la responsabilité de toutes les erreurs sur son « trader » de 28 ans, Nicholas Leeson que le « Time » – l’hebdomadaire américain – présente comme égocentrique et dilapideur. Or il s’avère qu’une partie de la direction était au courant des opérations menées par le courtier. Elles portaient sur le marché à terme de Singapour, le « Simex », sur des contrats indexés sur l’indice Nikkei 225, un des indices de la bourse de Tokyo. Le pari n’était pas idiot. La Bourse de Tokyo avait beaucoup baissé depuis la crise immobilière des années 1990. Il était donc légitime de penser qu’elle pouvait remonter. Mais il n’avait pas prévu le tremblement de terre de Kobé et la montée impétueuse du cours du Yen qui a fortement déstabilisé les cours de la Bourse…
Avant même cette faillite – que la Banque d’Angleterre a laissé faire pour donner une « leçon » aux opérateurs, et appeler à la vigilance les pouvoirs publics – les pages économiques des journaux bruissaient des pertes enregistrées par des entreprises de toutes nationalités sur ces marchés. La perte la plus importante qui a eu des répercussions sur la Bourse de New York, est celle du Comté d’Orange, une localité proche de Los Angeles, plus de 2 milliards de dollars – soit prés de 11 milliards de francs. Il s’est déclaré en faillite. Les responsables du Comté, après la démission du trésorier, ont mis en cause la firme de courtage – la première mondiale – Merryl Lynch. Une enquête de la SEC, Security and Exchange Commission, l’équivalent de la COB française, Commission des Opérations de Bourse, chargée de « moraliser » les marchés financiers, est ouverte. D’autres Comtés connaissent les mêmes mésaventures, comme l’État de Floride – 175 millions de dollars de pertes – ou des firmes allemandes – Mettallgesellschaft, plus de 1 milliard de dollars, en spéculant sur le marché à terme des produits pétroliers – ou américaines – Procter and Gamble, « seulement » 130 millions de dollars – ou encore japonaises (Japan Air Lines, Tokyo Securities, Kashima Oil, » en sérieuses difficultés « 1 . Sans parler du financier Soros, qui avait gagné beaucoup d’argent en spéculant contre le Franc, a lui aussi perdu 600, puis 400 millions de dollars » sur » le Yen… Les « fonds de pension » – liés à des compagnies d’assurance – interviennent énormément sur ces marchés. Les « investment bank », les banques d’affaires américaines2, annoncent des diminutions de profits liées à des opérations sur ces marchés, et donc se restructurent en supprimant des emplois. Continuer la lecture