Images complexes
Antonio Sanchez, batteur et compositeur, sort d’une nouvelle expérience. Il a composé la musique du film « Birdman », la dérive de Michael Keaton dans Broadway, et a voulu se servir de cette vision pour construire, avec son groupe « Migration » – une déclaration politique par les temps qui courent -, un film imaginaire sous la forme de méridiens qui s’entrecroisent. Seamus Blake, saxophone ténor et EWI, un instrument électronique utilisé d’abord par Michael Brecker, John Escreet, piano et Fender Rhodes, Matt Brewer, contrebasse et basse électrique participent pleinement à cette construction comme les invité(e)s, Thana Alexa, vocaliste et Adam Rogers, guitariste. Il faut ajouter les sons électroniques voulus par le compositeur pour construire une musique de nos temps modernes et barbares. Une musique en phase à la fois avec les jazz et les musiques actuelles. Il n’en faudrait pas plus pour faire de cet album, celui d’une génération…
« The Meridian suite » mêle le rythme, l’harmonie et la mélodie en un enchevêtrement qui doit beaucoup à Ornette Coleman tout en maintenant une lisibilité étrange grâce à l’énergie déployée par tous les membres du groupe. Sans oublier évidemment les influences du rock et de la pop music pour dessiner un monde étrange, le nôtre, à la réalité mouvante et changeante. Il reste aussi le rêve d’un autre monde, de celui qui verra, sur les décombres de l’ancien, renaître la fraternité. La musique sans nom qu’est le jazz dans toutes ses composantes permet d’inviter au rêve.
Le batteur se trouve libéré par le compositeur et ne craint pas de déployer les sons d’un instrument qui a encore des capacités inexplorées. L’album le plus abouti – en attendant le prochain – de Antonio Sanchez qui réussit à nous perdre dans ces mélanges de méridiens indiquant, dans le même temps, la complexité d’un monde en forme de labyrinthe.
Nicolas Béniès.
« The Meridian Suite », Antonio Sanchez & Migration, CamJazz distribué par Harmonia Mundi.