Jazz, Toku, trompettiste et vocaliste

Un japonais à Paris

Toku, trompettiste et vocaliste, fait partie intégrante de la scène japonaise du jazz. Et, désormais de la scène française. Il s’était découvert en France par l’intermédiaire d’un album de Sarah Lancman, emportant l’adhésion du public. « Toku in Paris », titre de son album français, lui permet de faire la preuve de l’étendue de ses talents. Il se fait entendre à la tête d’un ensemble composé de Pierrick Pedron, énergie vitale du saxophoniste alto, de André Ceccarelli à la batterie remplacé par Lukmil Pérez pour certaines plages, de Thomas Bramerie à la contrebasse remplacé par Laurent Vernerey et de Giovanni Mirabassi au piano. Des musiciens qui ne s’en laissent pas conter lui offrant la répartie dont il a besoin. Ils sont aussi autant de cerises sur un gâteau qui arrive à les mettre en valeur. La dernière cerise n’est pas la moindre : Sarah Lancman qui rend la pareille à Toku.
Le trompettiste doit beaucoup à Miles Davis dans sa façon d’aborder l’instrument mais aussi à Art Farmer si l’on voulait d’autres références et le chanteur fait penser… à Grégory Porte ; voix puissante, plongeant dans les graves pour faire frémir les mânes de tous les ancêtres et pour notre plus grande joie..
Le tout est mâtiné de quelques influences japonaises sensibles dans les compositions de Toku et un peu moins dans les standards, pour construire un album qui se laisse écouter avec plaisir.
Nicolas Béniès
« Toku in Paris », Toku, Jazz Eleven.

JAZZ ( ?), de l’inattendu

Le jazz européen existe-t-il ?

Le magazine « Jazz thing », une revue allemande de jazz, avait lancé, pour son Centième numéro, en septembre 2013, une série « European Jazz Legends » qui a couvert 11 numéros. Pour donner corps à ces portraits, pour montrer la réalité d’un jazz européen aux côtés d’un jazz américain aux influences réciproques, la revue a organisé avec la ville de Gütersloh (dans le Land de Rhénanie du Nord) une série de concert.
Celui d’Enrico Pieranunzi – avec Jasper Somsen à la basse, musicien hollandais et André Ceccarelli, batteur – est le troisième de la série enregistrée en août 2015. Un choix d’évidence. Le pianiste a accompagné, dialogué avec la plupart des musicien(ne)s de notre temps – du sien, il est né en 1949 à Rome – tout en développant un style original qui doit beaucoup, mais aussi le cas de Chick Corea et de beaucoup d’autres des deux côtés de l’Atlantique, à Bill Evans comme à Thelonious Monk.
« Tales from unexpected », contes de l’inattendu soit des histoires venues d’ailleurs pour faire rêver les adultes en construisant des mondes différents par des réponses surprenantes. Une sorte de règle du jeu de sa musique : la surprise comme moyen d’aborder sur des rives inconnues. Pour la découverte.
Il propose une sorte de suite, en 4 parties, « Improbable », pour signifier à la fois ce qu’il veut faire de sa musique et avertir sur notre présent.
Enrico fait, à l’évidence, partie des créateurs. Qu’il faut écouter avec attention.
Cet album, qui se termine par l’interview du pianiste, en anglais comme il se doit et en public.
Il n’épuise pas un débat aux multiples facettes : existe-t-il un « jazz européen » qui transcenderait les frontières actuelles ? Quels sont les liens avec le jazz américain dans ce contexte de mouvement de mondialisation ? Et, au-delà de ces différences étranges, de quoi parle-t-on lorsque s’utilise la catégorie « Jazz » ? Le jazz sera-t-il la musique du 21e siècle ? Tout est en transition dans ce monde dominé par l’incertitude.
Nicolas Béniès.
« Tales from the unexpected. Live at the Theater Gütersloh », Enrico Pieranunzi, Intuition distribué en France par Socadisc.