Rêves de souvenirs
« Viper’s Dream » et le titre dévoile le récit qui baigne dans cette fumée qui envahit souvent les loges des musicien.ne.s, un rêve qui repose sur des histoires racontées par les fantômes qui s’agitent à New York, ville qui sait habilement mêler le passé, le présent et l’avenir dans ces fumées sortant de terre. Les légendes, les faits se sont tellement pénétrés qu’il est difficile et même inutile de les démêler. Jake Lamar, né dans le Bronx mais vivant en France depuis 1993 raconte l’arrivée de son Alabama natal d’un apprenti trompettiste qui, dans les années 1930, voudrait devenir musicien à Harlem. Faute de talent minimum, il devient homme de main d’un trafiquant de marijuana juif et devient un des caïds de Harlem.
Des flashs successifs nous baladent jusqu’aux aux débuts des années 1960 en mettant en scène, dans sa résidence appelée « Cathouse » – pour les chats, une centaine recensée et les « cats », les types à la coule -, la baronne Nica – Pannonica – de Koenigswarter et ses invités permanents ou occasionnels.
Jake Lamar reprend toutes les histoires du jazz, de ses clubs passant de Harlem à la 52e rue, de la drogue mortelle, l’héroïne, des déchéances, des meurtres, de la gloire éphémère et de l’amour qui, dit-on, peut seul sauver ce monde pourri. La baronne, superbe, surplombe cette société raciste. Un des fils d’Ariane de ce roman baignant dans la nostalgie, est la demande de la baronne qu’elle fit aux musicien-ne.s de jazz de formuler trois vœux – le livre avec ses photos a été traduit aux éditions Buchet Chastel – et, dans le roman, elle le demande aussi à Clyde Morton et ses réponses proviennent directement des blues.
Une habile présentation de l’arrière plan de la vie du jazz dans ces années là.
Nicolas Béniès
« Viper’s Dream », Jake Lamar, traduit par Catherine Richard-Mas, Rivages/Noir
Si l’on veut faire connaissance avec la baronne, entendre sa voix et les compositions hommages autour de son prénom, il faut écouter l’album Cristal Recors « A Tribute to Pannonica ».