D’un tueur, cas de psychanalyste, à l’histoire sociale, deux formes du polar

La solitude du tueur de fond.
« L’agent seventeen », un titre qui ne laisse pas planer de doute sur le héros, ou plus exactement sur le personnage central qui ne nous laissera rien ignorer de ses doutes, de ses questionnements divers concernant tous les aspects de sa vie qu’elle soit professionnelle ou privée. A proprement parler, il envahit toutes les pages. Le thème est connu depuis Freud : tuer le père pour exister. Ici, 17 doit tuer 16 sur ordre de son supérieur à la CIA. Pourquoi ce meurtre ? Le tueur à gage s’interroge, nous pas tellement. On voit venir le coup. Pourtant là n’est pas l’intérêt de cette chronique violente. Il se trouve dans les glissements, dans les clins d’œil, dans les fausses références mais aussi dans les héros des films et romans d’espionnage, à commencer par Jason Bourne citée par l’auteur plus que James Bond.
John Brownlow fait du second degré – au moins – un mode d’écriture et de narration. Le plus curieux, le lecteur marche, il court même et tourne les pages, intrigué pour savoir comment l’auteur va se sortir de ses histoires y compris d’amour qui s’égarent dans des contrées étranges, surtout celles de la psychologie un peu sociale. Sans compter la fin, prévue mais pas l’environnement dans lequel elle se déroule. Les aventures futures de Jones, le nom du 17, seront sans doute plus épurées mais celle là est assez ébouriffante.
Nicolas Béniès
« L’agent seventeen », John Brownlow, traduit par Laurent Bosc, Série Noire/Gallimard

Un polar féru d’histoire
Anne Villemin-Sicherman, après les aventures en 1792 de son vétérinaire Augustin Duroch permettant de tracer la vie quotidienne dans la Révolution française et ses soubresauts, ses combats, nous fait vivre les temps du Premier Consul lors de l’hiver 1803 à Metz. La nouvelle héroïne, Victoire Montfort est sage femme et son mari, commissaire de Police, police qui commence à être reconnue mais dépendante du Préfet, acquis au Consulat et au ministre Fouché, spécialiste des coups qu’il faut bien appeler tordus. « La nuit de la sage-femme » décrit la venue de Madame de Staël, alors en froid avec le Premier Consul suscitant l’émoi du Préfet partagé entre le respect pour la dame et pour Bonaparte mais est surtout consacré à l’Histoire de la reconnaissance des sage-femmes et de leur formation. Les écoles se formeront dans cette période pour permettre de lutter contre la mortalité infantile.
Pour ce rappel, souvent oublié, ce polar est nécessaire. L’intrigue, sans être inintéressante – un mort qui renaît – n’est visiblement pas l’essentiel. Se cache pourtant derrière la dénonciation du féminicide.
Bien écrit, il fait passer l’information en douceur. A faire lire dans toutes les écoles.
Nicolas Béniès
« 1803, La nuit de la sage-femme », Anne Villemin-Sicherman, 10/18