Oiseau pour qui chantes-tu ?
Hermeto Pascoal, brûleur de chandelles par tous les bouts s’il en fut, musicien hors norme né au Brésil concepteur de collages culturels les plus divers, free-jazzman à ses heures, patriarche d’une famille de musiciens venants d’horizons différents laisse un patrimoine en forme de montagne, un héritage qui attendait Didier Labbé et cet album « o grito de passarinho » pour revivre vivifié par les compositions du quartet.
Leur musique fait écho à celle de Hermeto comme à d’autres pour danser et faire bouger au son des saxophones, de la flûte de Didier Labbé, de l’accordéon de Grégory Daltin – qui s’est saisi de l’âme de cet art de vivre -, du tuba de Laurent Guitton – d’une légèreté étrange pour cet instrument à la lourdeur volontaire, habitué des graves, servant aussi de basse – et de la batterie, qui se transforme parfois en percussions de Alain Laspeyres. Danser, respirer dans la transe qui est la marque de cette création. Il faut faire exploser tous les codes pour aller au-delà de toute bienséance, retrouver le chant des oiseaux. La mémoire du jazz reste présente. Le batteur ne craint pas d’évoquer les grands orchestres. Il retrouve des rythmes des orchestres swing en les intégrant à la couleur de notre présent.
On se souvient de ces paroles de Johnny Mercer dans « Too Marvelous for Words » qui veut emprunter le chant des oiseaux pour dire son amour à cette aimée trop merveilleuse pour répondre à la définition des mots ou de Alice au pays de ses merveilles qui fraternise avec les animaux lorsqu’il n’ont pas de nom, un chemin qui se retrouve ici : les oiseaux sont sollicités pour dire la joie d’être ensemble, la fraternité retrouvée. La flûte de Didier Labbé dans « Passejada » l’exprime en emmêlant les références pour affirmer la possibilité d’unir toutes les influences au lieu qu’elles se fassent la guerre.
Nicolas Béniès.
« O grito passarinho », Didier Labbé quartet, Klarthe Records distribué par Harmonia Mundi.