Un Roman ?
Maurice Ravel, compositeur français (1875-1937), est un mystère. Les biographes savent peu de chose sur sa vie hormis sa manière de composer, ses dépressions et sa joie de créer. Sur sa vie sexuelle, le vide complet. On a dit beaucoup de choses, qu’il était « gay », sans qu’aucune preuve ne soit apportée.
En 2006, Jean Echenoz lui avait consacré un « roman » dont le titre brillait par sa brièveté « Ravel » (Éditions de Minuit). Il y racontait les 10 dernières années de la vie du compositeur qui meurt au moment même de l’Exposition universelle et de la création des disques Swing par Charles Delaunay, lui qui aimait se perdre dans les boîtes de jazz. Il a influencé de grands musiciens de jazz comme Bill Evans. Après s’être abreuvé de cette musique sans nom que l’on «écoute très tôt dans ce Paris ouvert à toutes les cultures, à toutes les révolutions. Comme Darius Milhaud, même si, du côté de Ravel c’est dans une moindre mesure, il a reconnu la place fondamentale de cette nouvelle musique. A Gershwin qui venait le voir pour apprendre de lui, il avait répondu « Combien gagnez-vous ? » et la réponse astronomique de l’autre lui avait fait répondre : « C’est à vous de me donner des leçons » !
Fallait-il, pour autant, un autre « roman » pour raconter quasiment la même histoire ? Michel Bernard a répondu positivement. « Les forêts de Ravel » sont une sorte de promenade dans la vie et l’œuvre du compositeur et pianiste virtuose.
Il a voulu partir à la guerre de 14-18. Son faible poids, sa petite taille mais aussi son âge, sa notoriété et sa manière de s’habiller l’ont fait rejeter. Il s’est prévalu de son poids plume pour devenir aviateur… Refus encore. Il deviendra conducteur de camion et, à la fin d’une camionnette. Comme Echenoz, Michel Bernard suit les pérégrinations du conducteur Ravel traversant les forêts et les lignes de front. Le tout avec une légèreté de l’écriture qui semble vouloir répondre à la légèreté apparente du moins des compositions raveliennes.
Pourquoi Michel Bernard a-t-il voulu une fois encore revenir sur ce parcours ? Pour faire partager son amour de quelques compositions de Ravel ? Pour le faire, une fois encore redécouvrir, Pour souligner sa modernité ? Je ne sais.
Étrangement pourtant, le lecteur se laisse envahir par cette vie étrange, un peu fantomatique. Le roman donne l’impression de fréquenter un pur esprit capable non pas de vivre mais de composer. Seulement de composer. Une fois le livre renfermé, on s’interroge. Ravel n’a-t-il pas ici disparu au profit de sa musique ? Le personnage s’est évanoui, l’homme n’existe plus…
C’est peut-être là que gît la volonté de l’auteur. Où est la vie ? Dans la forêt ? Dans la solitude ? Pour créer faut-il être associable ?
La lecture est un plaisir pervers. Plus encore pour ce livre…
Nicolas Béniès.
« Les forêts de Ravel », Michel Bernard, La Table Ronde.