Deux voi(e)x
Virginie Teychené s’était faite remarquer par un premier album, « Portraits » (2007) puis « I Feel So Good » (2010) et « Bright and Sweet », tous les trois salués par la critique. Une voix flexible, des influences revendiquées prises dans les grandes chanteuses de cette musique et un répertoire bien choisi expliquent cette unanimité.
Il lui était difficile de se renouveler. Ce quatrième album, « Encore », sans ponctuation – un clin d’œil – tourne autour de la mémoire transportée par des chansons de toujours dont celle qui ouvre l’album « Jolie Môme », un tour de force il faut bien le reconnaître. Reprendre les paroles et changer insensiblement la musique pour faire surgir d’autres réminiscences. Chansons aussi de Teychené qu’elle propose ou d’autres venant de pays qui sont presque les nôtres comme celles du Brésil ou de Brubeck revu par Nougaro et transformé par le quartet, Gérard Maurin, contrebasse et guitares, Stéphane Bernard, piano, Jean-Pierre Arnaud, batterie et Olivier Ker-Ourio, harmonica.
Le décalage est trop grand entre les compositions personnelles et ces chansons qui ont façonné une partie de notre vie. Un écart ressenti par le jeu même de la superposition de passés et de présents. Difficile d’éviter l’effet souvenir.
Il manque un petit je-ne-sais-quoi, peut-être la révolte, la volonté de renverser la table avec tout ce qu’il y a dessus… Mais, en public, il n’est pas impossible que d’un seul coup ce quelque chose apparaisse comme par magie. Alors ne la manquez pas.
Nicolas Béniès
« Encore », Virginie Teychené, Jazz Village, Harmonia Mundi. Elle est en tournée. Le 5 novembre à Valognes, le 13 et le 14 à Béziers, et le 27 à Cannes…
Anne Carleton est autant musicienne que plasticienne, peintre. Avec « So High » elle a voulu tutoyer l’immensité du ciel, suivre les traces d’Icare même si cette expérience s’est mal terminée. Elle s’oriente résolument vers le rêve pour bousculer les possibles, en faire surgir d’autres, éviter de se retirer en soi-même en faisant partager des expériences, de sons, de couleurs. Elle a voulu s’entourer d’autres voix. Celle d’Edgar Morin mais aussi celle de l’environnement carcéral (pour le dernier thème, « Le miracle », un titre caché).
Eric Moulineuf, piano, Olivier Moret, contrebasse, Emma Piettre, violoncelle, Doo, sound design l’entourent pour servir son projet. Ils y arrivent de temps en temps. L’émotion envahit la pièce, semble ne pas pouvoir y tenir. Pour d’autres, l’ennui. Qu’elle me pardonne mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée la voix de Morin. Elle ne se fait pas comprendre…
Une volonté de partir ailleurs, de trouver de nouveaux sons, de nouvelles possibilités qu’il faut saluer mais en restant sur les mêmes tonalités, sur ce murmure il manque la force qui est celle du jazz, la révolte ouverte, revendiquée. Ce n’est pas qu’elle est absente mais elle ne s’incarne pas dans une pulsation.
Nicolas Béniès.
« So High », Anne Carleton, Quart de Lune/Rue Stendhal