Mémoire de 1999 (suite)

Le Duke, centième ! Action !

Edward Kennedy Ellington dit le Duke pour ses habits bien coupés aurait eu 100 ans le 29 avril. Il a été fêté aux États-Unis. C’est une reconnaissance. DownBeat, la première revue de jazz américaine lui a consacré sa couverture. C’est logique. Il avait construit un univers prenant place dans cette mosaïque appelée jazz. Le mystère Ellington demeure 25 ans après sa mort, en 1974 donc. Il avait réussi à marier des sons pour rendre des couleurs inédites et qui le sont restées. Wynton Marsalis, à la tête de l’orchestre du Lincoln Jazz Center – les albums sont disponibles chez Columbia, distribué par Sony Music – a beau multiplier les hommages et à jouer les partitions comme le Duke – et Billy Strayhorn son alter ego, qu’il ne faut jamais oublier – les avait écrites, il y manque ce quelque chose, ce je-ne-sais-quoi – pour citer Jankélévitch – qui fait l’essentiel. Boris Vian en était un des visiteurs de ce monde merveilleux. Dans « l’Écume des Jours », Chloé – le personnage – provient directement de l’univers ellingtonien et des grandes compositions des années 40. Ces jours de juin se fêtera le 40éme anniversaire de sa mort. Fayard en profit pour rééditer/éditer ses œuvres complètes. Trois volumes parus à ce jour, dont Les chroniques de jazz… Continuer la lecture

Mémoire de 1999

Du côté de Cuba

Cuba est à la mode bien avant le film de Wim Wenders, Buena Vista Social Club. Le cinéaste fait faire ressentir la profonde décrépitude de La Havane comme la force de la musique. Pour être complet il aurait dû faire appel – cette critique s’adresse surtout à Ry Cooder – aux musiciens d’aujourd’hui, en même temps que les ancêtres, pour indiquer les différences et les convergences de racines et de points de vue.
Quelques parutions récentes permettent de jeter d’autres lumières sur cette culture, sur cette musique-art-de-vivre résultat de la confrontation entre des cultures africaines et européennes, une fusion différente de celle se produisant sur le continent nord-américain, provenant de la même nécessité des colons – ici espagnols – d’exploiter leurs immenses propriétés par la mise en esclavage d’Africains1. Frémeaux et associés (distribué par Night & Day) publie une « Rétrospective officielle des musiques cubaines », réalisée par le centre de développement et de recherche des archives de la musique cubaine, un coffret de 4 CD, avec un livret fort bien documenté qui met l’accent sur l’influence Yorubas comme élément déterminant dans cette alchimie, dans le son notamment. La place essentielle du vaudou est mise en évidence, non pas seulement comme religion mais comme mode de synthèse des différentes cultures africaines pour construire une culture spécifique. De quoi devenir incollable sur la musique afrocubaine, la rumba, le Guaracha, le punto cubain, le cancion et, évidemment, le son. Continuer la lecture

Un essai de Joana Desplat-Roger,  « Le jazz en respect. Essai sur une déroute philosophique ».

Le jazz et la philosophie, le jazz comme question jamais traitée
Le jazz est une musique ni sérieuse ni légère, ni savante ni populaire. Elle se refuse à toute caractérisation facile. La philosophie et le jazz sont restés étranger l’une à l’autre. Peut-on, dans la littérature existante, trouver des soubassements théoriques qui permettent d’appréhender le jazz ? Joana Desplat-Roger s’y essaie dans ce condensé de sa thèse qu’elle a intitulée « Le jazz en respect. Essai sur une déroute philosophique ». Un titre qu’elle explique : le jazz tient en respect la philosophie. La philosophie, les philosophes se sont tenus loin du jazz, ne sachant comment l’aborder. Sartre et sa métaphore de la banane, Derrida et son refus de considérer le jazz tout en l’aimant… bref le jazz organise une sortie de route, un empêchement faute de trouver les concepts adéquats pour le définir et le situer dans une théorie de l’esthétique. Continuer la lecture

Du jazz en livres…

Comment devient-on un génie ?

John Coltrane, saxophoniste ténor et soprano, a révolutionné les mondes du jazz et au-delà. C’est le dernier génie en date du jazz. Il représente la quintessence de ces années 60, années de révolte, de colère, de barbarie et d’espoirs. Il fait entendre dans son jeu incandescent, dans le « son » qu’il réussit à trouver à force de travail, cet ensemble. Qu’il sait aussi dépasser pour rester notre contemporain. Toutes ses interrogations restent les nôtres.
Jusqu’à présent, aucun livre n’avait su lui rendre toutes ses dimensions. A la fois musicales, spirituelles, humaines et biographiques tout en insistant sur l’essentiel qui se dérobe, le génie. Lewis Porter l’a fait et Vincent Cotro l’a traduit tout en apportant sa propre touche à ce portrait d’un homme dans son temps projeté hors du temps, construisant un espace temps singulier en voulant se perdre dans la musique sans jamais vraiment y réussir. Il dira, je sais toujours où je vais. L’auditeur arrive à en douter quelque fois, tellement il est pris dans ce tourbillon. Il doute de ce qu’il entend. L’intérêt de ce livre est là aussi. Mettre sur le papier la musique de Coltrane. Tout le monde ne lit pas la musique, je le sais bien mais la reproduction de ces partitions permet de comprendre la méthode mise en œuvre. Car méthode il y a. Continuer la lecture

Histoire et culture des États-Unis.

Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture

Coup de colère

La culture c’est comme quoi ?

La culture, un sujet tellement brûlant que personne n’en parle. Les ministres de la culture, au cours du temps, n’ont pas fait beaucoup de bruit. La pandémie a permis de dévoiler le pot aux roses, la culture est devenue marchandise. Les plaintes diverses, des musées comme des discothèques, portaient sur l’absence de recettes sinon de profit. Le festival de Cannes a entendu les gémissements d’une profession sur la désaffection du public qui ne fréquenterait plus les salles pour se réfugier chez eux devant leur série préférée. Heureusement, certains s’interrogent comme les signataires d’un texte publié dans Le Monde du 18 mai 2022 : « Les choix politiques de nos institutions fragilisent gravement le cinéma », le titre résumant l’essentiel de la contribution. Le cinéma est appelé à se transformer, à se refonder pour trouver une nouvelle place. Continuer la lecture

Startijenn (plein d’énergie)

Un folklore breton ouvert sur le monde.

Comment faire vivre la tradition ? Le groupe Startijenn revendique haut et fort ses racines bretonnes en reprenant les musiques populaires et collectives des danses de fêtes, de réunions pour faire exploser le joug quotidien et retrouver la liberté du corps, des corps qui s’entremêlent heureux. Pour que cette musique vive, il est nécessaire de la bousculer, de lui faire goûter à d’autres folklores, à d’autres cultures par glissements successifs vers d’autres rencontres, des nouvelles générations.
Une musique pour danser que ce « Talmur galon – le battement du cœur, une sorte de définition du rythme de notre commune humanité – et une manière de construire une nouvelle culture.
N.B.
« Talm ur galon », Startijenn, production Paker Prod/Coop Breiz Diffusion. Voir pour la tournée www.startijenn.bzh concert de sortie le 20 mai à Plœmeur (56)

PS Si, comme moi, vous n’êtes pas bretonnant, il faut lire les traductions, notamment su poème qui sert de titre à l’album. Résonances avec le son du monde en guerre.

Des cadeaux, encore pour soi, pour d’autres, pour le don et son plaisir

Noël, une histoire de dingues », Mark Forsyth (traduit par Thierry Beauchamp, aux éditions du Sonneur), donne le la des fêtes et des commémorations diverses. La naissance de l’enfant Jésus le 25 décembre est un long processus qui s’appuie plus sur les évangiles officieuses que les officielles. Il faut participer de cette élaboration des « fêtes » pour rire des présentations de ce qui est aujourd’hui considérées comme des dogmes qu’il est impossible de contester. L’auteur, érudit, fait partager sa contestation des réalités, résultat souvent d’un enchevêtrement de strates civilisationnelles occultées pour figer le temps. Une leçon d’histoire des mythes, de leur maturation mais aussi des erreurs d’interprétation qui fait de Coca Cola, par exemple, dans sa campagne de pub de 1929, le créateur du costume du Père Noël.
Des histoires à partager en famille et pour briller dans les diner de fêtes ou non. Pour rire et apprendre.
Une bonne introduction à cette époque de cadeaux à ne pas hésiter à (se) faire. Continuer la lecture

Cadeaux, cadeaux quand tu nous tiens…

Pourquoi se faire des cadeaux ? pourquoi répondre à cette coutume ? La réponse tient en une sensation : le plaisir. Pas seulement aussi le don. Pour échapper un tant soit peu à la fournaise de la marchandisation. Bien sur les achats dits de Noël peuvent être considérés comme une corvée. Aujourd’hui pourtant la pandémie devrait nous obliger à penser différemment, à chercher des voies de sortie de cette société gangrenée par la nécessité de faire du profit.
Ne boudons pas le plaisir de donner et de recevoir. Pas forcément à Noël! Les propositions qui suivent acceptent d’être offertes à tout moment.
Bonnes fêtes – pas forcément non plus Noël ou le Jour de l’an mais d’autres à construire – contre la pandémie, contre ce monde tel qu’il ne va pas.
Je vous souhaite un lot de petits bonheurs pour cette années 2022 qui se présente pas sous les meilleurs auspices. Continuer la lecture

Les mots de la musique, les sons des mots

Le Mot et le Reste, un éditeur étrange

Le Mot et le Reste s’est donné pour objectif de faire aimer, connaître, comprendre les musiques de notre temps. Il s’est fait une spécialité – tout en ayant d’autres cordes à son violoncelle – de mettre en mots les musiques de notre temps, soit par le biais de biographies, comme celle de Sinatra (voir la recension sur ce même site), soit par des présentations de grands courants musicaux contemporains et populaires, comme le blues à travers des albums significatifs. Pour « le reste » des publications, il vous faudra consulter son site…
Fin 2020, il avait proposé de redécouvrir Jimi Hendrix et de nous faire connaître ou reconnaître le « soft rock » et les producteurs des musiques de ces 25 dernières années soit un voyage dans notre paysage sonore, une histoire de nos émotions. Continuer la lecture