Mémoire de 1999

Du côté de Cuba

Cuba est à la mode bien avant le film de Wim Wenders, Buena Vista Social Club. Le cinéaste fait faire ressentir la profonde décrépitude de La Havane comme la force de la musique. Pour être complet il aurait dû faire appel – cette critique s’adresse surtout à Ry Cooder – aux musiciens d’aujourd’hui, en même temps que les ancêtres, pour indiquer les différences et les convergences de racines et de points de vue.
Quelques parutions récentes permettent de jeter d’autres lumières sur cette culture, sur cette musique-art-de-vivre résultat de la confrontation entre des cultures africaines et européennes, une fusion différente de celle se produisant sur le continent nord-américain, provenant de la même nécessité des colons – ici espagnols – d’exploiter leurs immenses propriétés par la mise en esclavage d’Africains1. Frémeaux et associés (distribué par Night & Day) publie une « Rétrospective officielle des musiques cubaines », réalisée par le centre de développement et de recherche des archives de la musique cubaine, un coffret de 4 CD, avec un livret fort bien documenté qui met l’accent sur l’influence Yorubas comme élément déterminant dans cette alchimie, dans le son notamment. La place essentielle du vaudou est mise en évidence, non pas seulement comme religion mais comme mode de synthèse des différentes cultures africaines pour construire une culture spécifique. De quoi devenir incollable sur la musique afrocubaine, la rumba, le Guaracha, le punto cubain, le cancion et, évidemment, le son. Continuer la lecture

A propos de la musique et de la littérature cubaines.

 

Révolte et création.

Je dédie cet article à Billy Higgins, batteur caméléon, dont le rire continuel illumine aujourd’hui encore les nuits plus belles que les jours. Mort le 3 mai 2001, il avait battu les sons, le rythme derrière tout ce que le jazz compte de créateurs, à commencer par Ornette Coleman.

La littérature cubaine et les musiques issues de cette tradition sont à la mode. Leur vitalité provient du sentiment d’urgence qu’elles diffusent. En même temps, elles sont populaires de par leur thème, leurs rythmes et savantes par la recherche de nouveaux moyens d’expressions, de nouvelles façons d’écrire, de jouer. Ecrire comme danser ou jouer se hisse au rang de nécessité dans ce Cuba de début de millénaire. La chute du Mur de Berlin (le 9 novembre 1989) a pris là-bas des allures de catastrophe. L’URSS disparue, l’offensive des États-Unis pouvait se déployer. Le blocus est venu s’ajouter aux difficultés économiques dues à cette métamorphose du monde. Le dollar est devenu roi. La bureaucratie ne s’est pas évanouie pour autant. La Havane – comme le montre le film de Wim Wenders, « Buena Vista Social Club » – est laissée à l’abandon. La crasse s’installe. La révolte partagée oblige à l’écriture, à la création. Au mépris des risques… Ou peut-être à cause des risques… Continuer la lecture