Entretien avec Henri Renaud

SOUVENIRS, SOUVENIRS

Les commémorations liées à la fin de la seconde guerre mondiale se poursuivent. Elles obligent à un retour en arrière sur les années de la guerre et de l’après-guerre. Concernant le domaine du jazz, beaucoup d’erreurs ont été commises. Sous prétexte que les Nazis considéraient cette musique comme « décadente », beaucoup d’auteurs en ont conclu qu’elle avait disparu, et qu’il faudra attendre le débarquement pour la voir réapparaître. Vision fausse. A l’inverse de la réalité. Le jazz n’avait jamais eu autant droit de cité que dans ces années de guerre et d’occupation. Il retrouvait là, dans ce contexte particulier, sa nature. Il exprimait la révolte et la revendication fondamentale de liberté, de dignité. A interroger Christian Bellest – trompettiste à l’époque dans « Le Jazz de Paris » -, il apparaît évident que les concerts de jazz réunissaient plus de monde qu’avant la guerre, et qu’après la guerre. Les « jam-sessions » continuaient, avec des risques. Il fallait éviter les patrouilles pour rentrer chez soi au matin, à cause du couvre feu et de l’absence de laissez-passer, se réfugier sous les porches et compter sur la chance. Cette chance l’a protégée. D’aucuns, dans l’orchestre, étaient engagés dans la Résistance, d’autres non. Mais tous exprimaient leur révolte en jouant cette musique « de sauvages ». Il était souvent en compagnie de Django Reinhardt qui continuait à se produire, protégée par sa réputation et par les amateurs de jazz qui existaient aussi dans l’armée allemande. Par contre, se rappelle encore Bellest, il était interdit de danser. Charles Delaunay qui dirigeait la firme « Swing » semble avoir précédé les désirs des occupants en « francisant » les titres des chansons américaines.1Une façon, sans doute, de se moquer du nazisme…

Le témoignage d’Henri Renaud, que nous publions ci-dessous, montre que les disques américains arrivaient en France, avec une étiquette blanche, et qu’ils étaient reproduits. Personne, par contre, même pas les Américains, ne savait qu’une révolution se préparait, celle du Be Bop, celle de Charlie Parker et de Dizzy Gillespie, à cause du « Pétrillo ban », la grève des enregistrements qui dura de 1942 à 1944. Le choc fut d’importance… Continuer la lecture

A PROPOS DU LIVRE DE JEAN PIERRE DURAND : « LA SOCIOLOGIE DE MARX », collection Repères, aux éditions La Découverte,

DISCUSSION SUR DEUX CONCEPTS CLEFS DE L’ANALYSE MARXISTE, LES CLASSES SOCIALES ET L’ÉTAT.

Soulignons dés l’abord que les éditions La Découverte ne craignent pas de se trouver en dehors de la mode. Publier successivement une « Introduction à l’économie de Marx », de Pierre Salama et Tran Hai Hac, « La philosophie de Marx », d’Étienne Balibar et enfin « La sociologie de Marx », relève du domaine de l’art, si tant est qu’on puisse l’opposer à celui de la marchandise. Difficile d’écrire sur Marx, difficile de parler d’un théoricien aussi décrié, tout en étant l’un des plus actuel, du moins pour sa méthode et ses catégories essentielles.

Le découpage proposé, au-delà de son enjeu commercial, pose un problème de « lecture » de Marx. Il n’était ni philosophe, ni économiste, ni sociologie mais critique de l’économie politique, signifiant par là qu’il se voulait scientifique et militant, homme libre pour qui « rien de ce qui est humain n’est étranger ».1 Continuer la lecture