Bousculer la tradition pour la conserver

Un traditionnel moderne
Denez, on le sait depuis son premier album, s’inscrit dans la tradition bretonne pour s’élancer vers d’autres espaces en utilisant tous les outils des musiques d’aujourd’hui, électroniques compris, et les instruments des autres cultures de ce monde de plus en plus ouvert à toutes les influences. L’utilisation de la langue bretonne est une façon paradoxale de se réclamer de la modernité qui inclut la reconnaissance des langues oubliées par la centralisation napoléonienne.
La rencontre que signe ce onzième album avec Yann Tiersen est logique avec la trajectoire de ces deux musiciens. Bandonéon, trompette à quatre tons – celle de Amin Maalouf créée par son père et son oncle – duduk arménien, violon, piano, accordéons, guitares, basse, farandoles de références s’inscrivant dans le gwerz, le chant venu du fond des temps, signe de la fusion, d’après les légendes, de traditions des bardes gallois et ceux de l’Armorique. Comme si, en creusant le temps, surgissait la nouveauté, le présent, comme si le rêve des passés alimentait les songes d’un présent tourmenté. Rappeur et chanteuses, Oxmo Puccino, Aziliz Manrow et Émilie Quinquis, viennent apporter un vent différent pour orienter le bateau.
Le titre de l’album, « Stur an Avel », Le Gouvernail du Vent, indique le rapport aux forces de la nature, le vent, l’eau, la terre, les divinités suprêmes de toutes les religions, mis à part celles du capitalisme qui considère toute chose sous l’angle de sa valeur marchande et de sa capacité à générer du profit. Références aussi aux légendes de celles qui se racontent au coin de ce feu sans cesse renouvelé pour combattre les froids de l’âme, pour trouver la fraternité.
Il reste à suivre le flot, parfois emporté, parfois plus calme apparemment, des paroles et de la musique tout en se servant du livret pour saisir le sens des mots tout en se laissant emporter par la danse.
Nicolas Béniès
« Stur an Avel, le gouvernail du vent », Denez, Coop Breizh Musik, distribué par Idol et Coop Breizh Diffusion.

Polar taïwanais


Vu de Taïwan (Taipei)

Chang Kuo-Li se lance dans le polar après avoir écrit une trentaine de livres. Comme une nouvelle naissance. « Le sniper, son wok et son fusil » indique que la cuisine sera aussi de l’intrigue. Alex, surnom venant de la légion étrangère, Ai Li pour l’état civil, participe d’une confrérie qui, comme les Yakusa, rassemble ses « fidèles », tatoués, par un contrat de confiance et une solidarité qui se veut à toute «épreuve. Ils et elles obéissent à celui qui les a formé.e.s et les a conduits au sens le plus fort, dans leur carrière et dans leur vie. A Rome, Alex doit assassiner un conseiller du président taïwanais. Pourquoi ? Alex sera obligé de se poser cette question, pourchassé qu’il est par des forces anonymes qui le traquent. La réponse est un gage de survie. Il est « aidé par l’inspecteur WU en fin de carrière qui cherche aussi le pourquoi de l’assassinat et n’accepte pas, malgré son départ à la retraite, de renoncer. Continuer la lecture

Littérature de l’extrême

Jusqu’au bout de la vie
Comment survivre dans un environnement de froid extrême, celui des confins de la Sibérie en l’occurrence ? Sous la forme d’un carnet de voyage de Anna, une journaliste engagée bénévole dans une opération d’une ONG voulant rendre compte de la réalité de virus millénaires mis à jour par la fonte des glaces, Patrice Gain raconte ce voyage dans lequel se mêlent les passions cruelles des hommes, les trésors cachés du fond des Âges, l’exploitation des enfants, la pédophilie, les viols et même les assassinats dans un contexte de contrôles bureaucratiques du port russe de Tiksi. L’équipe de scientifiques qui découvre des virus dangereux est vue comme un microcosme de la société, renforcée par la coexistence de tous ces personnages sur un voilier, un des moyens ,de transport pour rejoindre ces contrées restées sauvages, l’autre étant l’avion. Continuer la lecture

polar. Afrique du Sud et Australie

Les racines de l’Afrique du Sud

Deon Meyer officiellement auteur de polar est, en fait, le chroniqueur politique, social et culturel de ce pays étrange qui a vu un ancien détenu devenir président, Nelson Mandela. « La proie », avant dernier opus, racontait sans vraiment de filtres, la présidence de Jacob Zuma, un brûlot politique qu’il faut lire pour comprendre la situation actuelle. Bien avant Trump, Zuma savait réécrire la réalité à sa convenance. Continuer la lecture

Jazz. Respirations d’un moment irrespirable

Pressé de prendre l’air

La pandémie a, parfois, des effets positifs. Simon Moullier, vibraphoniste virtuose et ses deux compagnons de joie, Luca Alemanno, bassiste, Jongkuk Kim, batteur ont voulu, après leur premier album « Spirit Song » – avec des invités prestigieux comme Dayna Stephens -, rendre vivantes leurs influences. Acoustiquement votre, le trio a d’abord interrogé Coltrane, celui de « Giant Steps » qui sonnait la fin de la progression en accords, avec « Countdown », sorte de compte à rebours vers l’abîme ou le paradis. Ce thème de Coltrane qui ouvre l’album lui donnera son titre. Parmi les compositeurs réunis par le trio, se trouvent Monk en bonne position, Charles Mingus et Lester Young – « Good Bye Pork Pie Hat » est une évocation du saxophoniste -, Tadd Dameron, Bill Evans. Les thèmes sont revisités tout en dessinant une sorte de carte d’influences qui permet de suivre les différentes directions du trio.
Un voyage dans les mémoires du jazz pour envisager un futur possible. Un voyage quelque fois éprouvant mais la légèreté aérienne des arrangements du trio brûlent les étapes d’un feu qui laissent espérer des braises réjouissantes d’un avenir post Covid.
Nicolas Béniès
« Countdown », Simon Moullier trio, Fresh Sound New Talent Continuer la lecture

Jazz. Concerts chez soi à partager. Mulligan et Hodges, spécial saxophones

Retirez vos masques, rangez votre pass sanitaire, en route pour deux ou trois concerts.
Gerry Mulligan, en 1960, avait constitué un grand petit groupe éphémère qu’il avait appelé le « Concert Jazz Band », un de ces orchestres aérien et léger capables de semer le vent pour faire ressentir la liberté du jazz. En novembre 1960, lors d’un passage à Paris, il fut enregistré et respirer son air frais reste un des grands moments de rencontre avec le jazz. Continuer la lecture