Jazz. Un train endormi charrie les mémoires de l’oubli.

Voyager de nuit

Un train file. Vers quelle destination ? Aucun voyageur ne le sait. Ils partent. Le reste fait partie des rêves éveillés. Les arrêts, les gares sont diverses comme les multitudes cultures du monde, de ces musiques aux racines spécifiques qui arrivent quelque fois au statut de standard pour un ou plusieurs paysages. Elles dessinent un univers d’espoirs, de luttes, de combats, d’émotions souvent et toujours la mémoire pour faire pousser une nouvelle semence, en les bousculant, en leur faisant rencontrer d’autres univers. Continuer la lecture

Polar historique

Londres 1381.

Paul Doherty, avec comme détective frère Athelstan, poursuit sa chronique de Londres qui a vu la révolte prendre possession de ses rues. Les séquelles sont encore présentes, les braises peuvent redonner naissance aux feux de l’émeute face à la pauvreté et à la misère augmentée d’un hiver rigoureux. Dans ce contexte, une double affaire occupe le moine, responsable de la paroisse de St Erconwald, une série de meurtres de prostituées dépouillées de leur peau qui donne son titre à ces enquêtes, « L’Écorcheur de Londres », référence à Jack l’éventreur, et des assassinats de moines à l’Abbaye de Westminster liés à des questions de géopolitiques comme on dirait aujourd’hui. Là ce sont les promesses du roi d’Angleterre vis-à-vis de l’Écosse qui sont en jeu. Continuer la lecture

Un thriller sur la part noire de soi-même

Tout savoir du somnambulisme.
Un thriller est une mécanique. « Les yeux fermés » – c’est curieux la référence à Kubrick qui se retrouve, « Eyes Wide Shut » est un film qui a marqué beaucoup d’auteurs – permet à Chris Bohjalian d’attirer l’attention sur le somnambulisme et la manière d’être mort-vivant, loup-garou. Le rêve et la réalité s’entremêlent. Certains n’en ont pas souvenir, tandis que d’autres conservent une vague sensation de ce qui s’est passé.

Il pose le problème dans un cadre réduit, ici une famille de quatre personnes, le père, la mère et deux filles – 21 et 12 ans, l’aînée est la narratrice – dans un petit village où les maisons sont espacées pour éviter toutes les interférences. La clé se trouve donc dans la famille elle-même. La mère, somnambule, a disparu. Que s’est-il passé ? Le mari était absent : il participait à un congrès, il n’est pas coupable et la narratrice dormait. L’enquête semble piétiner d’autant que l’enquêteur – lui aussi atteint de somnambulisme, décidément – tombe amoureux de la jeune femme et réciproquement. Continuer la lecture

Jazz. Une chanteuse de jazz

Samara Joy, un nom prédestiné ?

Samara Joy, 21 ans au moment des faits, octobre 2020, a gagné la compétition de chant qui porte le nom de la plus grande des grandes vocalistes de jazz, Sarah Vaughan International Jazz Vocal. La victoire s’est traduite par l’enregistrement de ce premier album qui porte, en toute modestie, son nom, « Samara Joy », une joie sans contestation possible.
Samara prétend avoir découvert Sarah Vaughan tardivement en étant totalement troublé par l’interprétation d’icelle sur « Lover Man », qu’elle reprend sur cet album en lui donnant une sorte de naïveté que ce thème avait perdu. Sur cette lancée, elle a construit un album tout en mémoires non seulement de Sarah mais aussi de Billie ou de Nat « King » Cole. Mémoires qu’elle triture de sa voix d’une limpidité qui sonne étrangement en redonnant à ces « standards » une jeunesse, une promesse toujours réalisée. Continuer la lecture

Jazz. Un BBB, Big Band Britannique.


Un Big Band joue la carte Jacquard

Fallait-il être grand-breton pour avoir l’idée de consacrer une suite à la carte Jacquard ? Sans doute. La Grande-Bretagne est le berceau de la révolution industrielle et la carte Jacquard est la première forme d’automatisation du métier à tisser, une carte perforée.
Julian Siegel, saxophoniste, clarinettiste basse et compositeur, a été inspiré par les informations nombreuses, étranges et imaginatives qu’elle contient. Commissionné par le Derby, un festival de jazz, il a réuni quasiment toute la fine fleur du jazz britannique pour former un grand orchestre et perpétrer son forfait, une longue suite en trois parties donnée en 2017 – enregistrée pour l’album – « Tales from Jacquard », des contes issus du Jacquard, un titre qui décrit la musique concrète qu’il a voulue. La pochette même de l’album vient à l’appui en dessinant le titre avec les perforations de la carte. La première partie commence par évoquer le bruit du métier à tisser dans ces usines du 19e siècle. Une idée originale bien servie par l’ensemble. Continuer la lecture

Jazz. Michel Portal dansant, Jean-Pierre Jullian gréant

Musique de la vie et de joie de jouer ensemble.

Michel Portal, 85 ans au moment des faits, affirme l’âge d’artères qui se refusent au vieillissement, « MP85 » a été le titre évident de cet album plein de sève. Dans les notes de pochette, il dit s’être précipité dans le studio lors, sans doute, du premier déconfinement. Si l’on ose s’en souvenir, le premier confinement nous a enfermés dans un « chez nous » devenu comme une prison. La libération est venue de la musique et de la formation de son groupe qui réunit plusieurs générations pour une musique qui puise dans toutes les musiques populaires dansantes, à commencer – c’est pourtant le dernier thème – par un chant basque, « Euskal Kantua », un duo.
Bojan Z, au piano et claviers, m’avait raconté que Portal lui avait fait découvrir les mélodies serbo-croates, de son père, qu’il avait oubliées dans le rock et le jazz. Ensemble, ils les évoquent tout en faisant la part belle à d’autres cultures pour danser sous la lune, pour faire la nique au virus, pour démontrer que la vie ni simple ni tranquille mais là simplement. Continuer la lecture

Videz vos poches

Polars historiques
Aix, 1659-1660
Le jeune Louis XIV ne gouverne pas encore. Le cardinal Mazarin dirige le pays. Dans ce contexte Jean d’Aillon jette son détective privé, le notaire Louis Fronsac, fidèle partisan de son Éminence. Dans les deux enquêtes proposées sous le titre générique « L’enlèvement de Louis XIV », seule la deuxième met en scène le notaire devenu marquis par la grâce de la résolution de ses enquêtes. Toutes les deux se passent à Aix. La description de la Ville est un élément central des intrigues. Continuer la lecture

Vider vos poches. Polar

États de polar
La Louisiane au cinéma
« New Iberia Blues » est une nouvelle plongée de James Lee Burke, par l’intermédiaire de Dave Robicheaux, dans le monde du cinéma. Alafair, la fille de Dave, se fait embaucher par son ami d’enfance Desmond. Un croyant du Tarot les poursuit au milieu d’histoires de famille. A ne pas rater
Rivages/Noir, traduit par Christophe Mercier Continuer la lecture

Jazz. Les nouveautés du confinement au dé et au re ?

Vivre le confinement à trois

1. Se nourrir du temps

Mauro Gargano, contrebassiste, a composé les thèmes de « Feed » – nourriture – pendant cette entre tout que fut l’année 2020. Éloignés les unes des autres, il fallait trouver en nous-mêmes les nourritures spirituelles pour résister à ces barrières qui se disaient sociales et n’étaient rien de moins qu’une négation de la fraternité et des mémoires, du passé comme celles de l’avenir. Un air de désagrégation. Il fallait trouver de quoi alimenter l’outre pandémie en se référant au passé sans le copier avec le risque de répéter la nouveauté.
Le trio que Gargano a forgé, Alessandro Sgobbio, pianiste qui sait investir en les digérant les compositions du bassiste et Christophe Marguet, batteur attentif et compréhensif savent croquer à belles dents la musique pour lui donner la vie en prenant appui sur le présent pour s’élancer vers le futur.
Nicolas Béniès
« Feed », Mauro Gargano, Absilone

2. Traverser le temps

Jéricho, pianiste, Pascal Vigier, batteur et Frédérick Lemarchand, bassiste, se sont attablés, plusieurs jours de suite pas seulement pour boire mais, surtout pour exprimer l’envie d’être ensemble et faire de la musique. « Carnet de confinement » est un titre trop concis qui ne dit pas la chaleur ressentie à l’écoute de cet album. Un trio qui roule et s’enroule autour de thèmes connus – d’autres moins tout en étant aussi marqués par le swing et les mémoires de tous les trios, de Bill Evans à Herbie Hancock en passant par Wynton Kelly – pour combattre la pesanteur du confinement et exprimer une joie de vivre nécessaire, comme un fluide vital qu’il faut entendre et suivre.
N.B.
« Carnet de confinement », Jéricho/Vigier/Lemarchand, contact Jéricho 0762264904 Continuer la lecture

Jazz (suite) Des influences dominantes

Minimalisme et musique presque mécanique dans le jazz

Voyages

Simon Denizart, pianiste et compositeur, se veut citoyen du monde. Il a recueilli au cours de sa vie de « Nomad » – titre de son album qui peut aussi se lire No Mad », pas fou – a croisé des cultures dont il a recueilli les échos. A notre tour nous voyageons avec lui pour découvrir des paysages étranges faits de morceaux d’un puzzle qui ne sait pas que ses pièces éparses pourraient s’emboîter. Dans quel sens faut-il lire les étapes diverses qu’il propose en compagnie – une idée originale – de Elli Miller Maboungou à la calebasse, un instrument de percussion venu du flamenco. Peut-être le sens n’existe pas que ces étapes ne sont que le fil d’Ariane d’un musicien qui cherche ses racines, sa voie. Il se sert des structures du minimalisme qu’il enferre dans d’autres boucles, d’autres références. Lorsque le duo y arrive, le transport de l’énergie opère mais lorsqu’il se laisse envahir par ces cellules musicales, il perd le contrôle et l’ennui gagne. Continuer la lecture