A propos de l’histoire du jazz…
Le jazz ce n’est pas seulement une musique. Comme le blues, il est aussi art-de-vivre. Plus que d’autres formes artistiques, il suppose d’appréhender le substrat social qui a rendu cette naissance possible, la formation sociale américaine.
Il est loisible de raconter l’histoire du jazz de plusieurs manières. Poétique, historique ou comparative, elles ont toutes leur intérêt. Mais il en est une qui hérisse le poil. Faire semblant de le comprendre en le prenant par le petit bout de la lorgnette, des historiettes qui, souvent, ont plus à voir avec la légende qu’avec la réalité. C’est le cas pour ce « beau » livre des éditions Larousse, « La légende du jazz ». Roy Carr – un Anglais1 -, l’auteur, s’inscrivant dans le rejet actuel du marxisme oublie totalement le contexte social, l’esclavage en particulier, à l’origine de cette musique-art-de-vivre et donc art de révolte. Ce n’est pas par hasard que le jazz a été représenté comme l’anti-art par excellence, signifiant par-là sa corrélation avec la vie par l’intermédiaire des « growls » et autres bruits de la ville. La Ville, élément essentiel du jazz. Les Africains-Américains, esclaves du Sud, montent, en hommes libres, vers le Nord pour se faire surexploiter dans l’industrie qui a besoin de bras et constituer les ghettos dans toutes les grandes villes.2 Le jazz est né là, de cette confrontation entre toutes les cultures européennes et toutes les cultures africaines mâtiné des cultures amérindiennes – les « Natives Lands » comme on dit, justement, aujourd’hui – et de la jungle des Villes. Le jazz surtout est fondamentalement urbain, comme le roman noir auquel il est très souvent associé. Chaque Ville devait posséder « son » jazz » et son « blues ». Contrairement à une idée un peu trop répandu, le blues ne précède pas le jazz. Ils sont des expressions différentes d’une même réalité sociale, les conséquences de l’esclavage et de l’apartheid.3 Ils s’influenceront réciproquement partant d’une même matrice. Le Blues restera plus lié à la communauté africaine-américaine, à ses racines. Une partie des « classes moyennes » noires le refusera pour nier leur passé d’esclaves. On sait que du passé, il est impossible de faire table rase.4 Ce seront donc les « petits blancs » et anglais de surcroît qui lui donneront une nouvelle actualité, dans les années 60. Continuer la lecture