Jazz « Supersonic » Thomas de Pourquery

Vues de l’espace

Que faire lorsqu’un premier album devient « Meilleur Album de l’Année » aux Victoires du Jazz 2014 ? Dissoudre le groupe et aller voir ailleurs si la musique est plus étrange est une des solutions possible. Thomas de Pourquery y a songé pour son groupe « Supersonic » qui avait repris des compositions de Sun Ra dans le bien nommé « Play Sun Ra ». En réaliser un deuxième était un rêve de producteur mais pas celui du saxophoniste alto/chanteur qui voulait vivre de nouvelles aventures. Continuer la lecture

Jazz et pas Jazz : Ripcord

Accords communs

« The Volunteered Slaves » est le nom du groupe qui a maintenant 15 ans d’âge – comme le temps passe… Il vient de commettre un nouvel album qui veut faire éclater toutes les frontières, toutes les identités et convaincre des générations successives qu’il est possible de construire des références communes, des accords fraternels à travers toutes les musiques. Pour ce faire, Olivier Témine au saxophone ténor et soprano, Emmanuel Dupré au piano, claviers et programmation, Akim Bournane à la contrebasse et à la basse, Julien Charlet à la batterie et Arnold Moueza aux percussions se sont adjoint un slammeur de Chicago Allonymous, Mafé, Rapahaëla Cupidin, Indy Eka et Kiala Ogawa au chant sans compter les invités Emmanuel Bex à l’orgue, Hervé Samb aux guitares, Géraud Portal à la contrebasse et Stephan Moutot au saxophone ténor pour « The Gambler » qui ouvre cet album « Ripcord ».
Pour l’essentiel des compostions originales sauf trois « reprises » pour constituer des paysages qui se veulent de notre temps sans oublier le passé, la mémoire du jazz en particulier Roland Kirk qui ne s’écoute plus suffisamment ces temps-ci. Les environnements sont mouvants pour faire bouger les corps tout en interrogeant l’air du temps. Continuer la lecture

Jazz Manouche autour de la « Selmer #607 »

Du côté de chez Django…

Django Reinhardt ne peut pas mourir. Un film vient rappeler à la fois le guitariste et la déportation des Tsiganes dans les camps de concentration pour remettre dans l’actualité son héritage. Au festival de jazz de Coutances, un hommage lui a été rendu avec tout ce qu’il faut de vitesse d’exécution et de cœur par une partie de ceux qui sont réunis sur cet album.
Pour ce groupe, « Selmer # 607 » – le nom de la guitare fabriquée il y a tout juste 70 ans -, un groupe à géométrie variable, le répertoire varie en allant de Michel Fugain à Sonny Rollins en passant par Henri Salvador, mais le style général reste attaché bien évidemment à Django Reinhardt, au jazz dit Manouche.
Pour ce volume III, « Anniversary Songs », Adrien Moignard, Sébastien Giniaux, Rocky Gresset, Noé Reinhardt cède un peu de place au nouveau venu Antoine Boyer qui ne dépare pas, pour se partager la fameuse guitare au fil des plages.
Dans ce genre un peu trop sollicité ces derniers temps, un album fait la preuve qu’il est possible de convaincre de sa sincérité.
Nicolas Béniès.
« Anniversary Songs », Selmer # 607, Cristal Records distribué par Harmonia Mundi.

Jazz, pianiste et chanteuse Tamara Mozes

La Hongrie du jazz.

Le jazz parle-t-il hongrois ? Une langue philosophique prétend Imre Kertesz que le hongrois. Peut-il se transformer en un rythme ? La réponse de la chanteuse/pianiste et compositeure Tamara Mozes, pour son premier album, « Moozing », se résout souvent dans le scat avec des onomatopées empruntées aux sons de sa langue natale.
La difficulté de cette langue tient à sa faible diffusion. Il fallait bien se faire reconnaître et connaître et, de ce point de vue, composer avec l’anglais est nécessaire. Composer est à prendre dans tous les sens…
Elle nous parle de beauté, une beauté qui se forge, qui s’impose, de ritournelle de l’amour en passant par la marche du travail à la manière des 7 petits nains de Blanche-Neige façon Walt Disney et le « ping pong »… Un voyage qu’elle offre, qu’elle nous offre sans apprêts et sans artifices.
Il est toujours possible de trouver des références dans les voix féminines – elle cite Patricia Barber, Shirley Horn notamment – mais il vaudrait mieux évoquer un collage des voix « classiques » et des voix du jazz, de la pop et du rock. Il lui manque un peu de la décontraction lié au swing face à son éducation classique.
Un premier album qui se conjugue au présent et ouvre un champ futur ouvert vers des chemins différents. A écouter et à voir.
Nicolas Béniès.
« Moozing », Tamara Mozes, Yolk Music, distribué par l’Autre distribution.

La France à un goût de rock

Le rock américain débarque… à l’Olympia forcément.

Octobre 1958. La guerre d’Algérie provoque des traumatismes durables dans une grande partie de cette jeunesse partie combattre pour conserver une colonie sous la direction de généraux et de colonels qui ont perdu le sens de l’honneur. Le Général de Gaulle arrive comme le Sauveur. Il est présenté ainsi par le Président René Coty qui ne nomme, après un coup d’État – au moins un ! – Président du Conseil. Début octobre, un référendum constitutionnel permet l’avènement de la Ve République. La guerre se poursuit et le Général dira, en une formule ambiguë : « Je vous ai compris ». Il n’avait pourtant pas compris les aspirations d’une jeunesse en train de trouver un langage commun, une musique générationnelle de tous ces ados, ces « teens » comme on disait de l’autre côté de l’Atlantique, le « rock and roll » déjà bien installé aux Etats-Unis avec Elvis Presley, Gene Vincent et beaucoup d’autres.
En France cette musique était dénigrée par les amateurs de jazz dont Boris Vian et Henri Salvador qui avaient fait des tubes de rock « comiques » à leur grand étonnement. Continuer la lecture

La virtuosité humaniste d’Oscar Peterson.

La geste du piano

Oscar Peterson, le piano dans toute sa plénitude, dans toute sa rigueur qui sait parcourir les 88 touches à la vitesse d’un champion olympique de 100 mètres. Oscar, un « Dieu » bis. « Dieu » premier – pour le piano -, Art Tatum, fut ainsi qualifié par « Fats » Waller un soir où Tatum entrait dans un club où officiait Fats. Une anecdote peut-être apocryphe qui dit bien le respect et plus encore de tous ces grands artistes envers la virtuosité tatumienne. Même le plus grand ne pouvait rivaliser. Continuer la lecture

Verlaine et Rimbaud, un concert révolutionnaire.

Esprit de corps

Mon premier était né à Metz, mon second à Charleville (Ardennes), leurs pères étaient capitaines – pour l’un dans le Génie, pour l’autre dans l’infanterie, Verlaine était mauvais élève, attiré par d’autres plaisirs et sensations, Rimbaud un élève surdoué remarqué par ses enseignants. Leur attirance venait d’abord de la poésie avec comme référence commune Charles Baudelaire, révolutionnaire endurci de la langue française et des formes du poème, rejeté par tous les biens-pensants – pansants.
Arthur Rimbe, Ribaude suivant les temps de Paul, reçut comme un don de la terre la poésie de Paul qui l’incita à se lancer dans l’aventure. Une aventure pas seulement intellectuelle. Le besoin de révolution ne s’agite pas seulement en une seule dimension, il est en 3D au moins. Continuer la lecture

Le centenaire du premier disque de jazz, 1917 une année clé dans l’histoire du monde et du jazz.

Rendez-vous à Coutances le jeudi 25 mai, aux Unelles, 18h30

Bonjour,

Cette année, l’horaire n’est pas au top – comme on dit à la télé, je sais il ne faudrait pas l’utiliser – et le jour non plus même s’il s’agit d’Ascension. Une ascension vers la mémoire du jazz, la mémoire du 20e siècle. Le jazz s’inscrit dans l’histoire du 20e, il en rythme les ruptures.
Il s’inscrit aussi dans la naissance du 20e siècle. La guerre, la Première Grande Boucherie Mondiale, marque la fin du 19e siècle qui avait duré de 1750 à 1914, un long 19e de naissance et de développement du capitalisme industriel. La première révolution industrielle, la machine à vapeur, avait révolutionné le travail et les emplois. Le partage du monde entre les grandes puissances industrielles, la Grande-Bretagne d’abord, la France ensuite, via le colonialisme allait dessiner une nouvelle planète et construire de nouvelles idéologies, la Nation lié à un récit linéaire de l’Histoire et le racisme comme l’antisémitisme. Continuer la lecture

Jazz pour rigoler

Expérimentations

Henri Salvador, invité de Daniel Filipacchi dans l’émission « Pour ceux qui aiment le jazz » entre janvier et juin 1958 – le temps était aux coups d’État -, s’était livré à quelques « challenges » proposés par le meneur de jeu. Mettre des paroles françaises sur « Little Darling » ou improvisé sur une contravention de Filipacchi ou un article de journal… « Mes inédits » – ceux de Salvador bien sur – n’est pas un témoignage impérissable mais un sourire que nous adresse le Henri des familles d’outre tombe. De quoi vous faire sourire pour vous conduire à lire sur un air de blues les journaux ou prendre à la rigolade les petits travers, les petits malheurs dont notre vie est souvent faits pour les dépasser et revenir au rire, le propre de Henri Salvador.
Nicolas Béniès
« Mes inédits », Henri Salvador, « La collection des grands concerts parisiens »/Frémeaux et associés.

Jazz pas forcément d’hier…

Retours en avant

Le nom de cet orchestre dévoile son projet, « Vintage orchestra ». Le premier album était u hommage à Thad Jones. Un hommage bienvenu. Thad n’était pas seulement un grand trompettiste, un des plus fins et intelligents de son temps – la notoriété de Miles Davis a laissé l’ombre s’écraser sur lui – mais aussi un compositeur et un arrangeur de talent. Le « Vintage » nous a laissés sans nouvelles depuis 8 ans. Diable ! Ce deuxième opus se veut rappeler la capacité de Thad à arranger pour Joe Williams d’un côté et de Ruth Jones de l’autre, respectivement en 1966 et 1968. D’où le titre et le sous titre : « Smack Dab in the Middle, the vocal side of Thad Jones ». Continuer la lecture