Du jazz en livres…

Comment devient-on un génie ?

John Coltrane, saxophoniste ténor et soprano, a révolutionné les mondes du jazz et au-delà. C’est le dernier génie en date du jazz. Il représente la quintessence de ces années 60, années de révolte, de colère, de barbarie et d’espoirs. Il fait entendre dans son jeu incandescent, dans le « son » qu’il réussit à trouver à force de travail, cet ensemble. Qu’il sait aussi dépasser pour rester notre contemporain. Toutes ses interrogations restent les nôtres.
Jusqu’à présent, aucun livre n’avait su lui rendre toutes ses dimensions. A la fois musicales, spirituelles, humaines et biographiques tout en insistant sur l’essentiel qui se dérobe, le génie. Lewis Porter l’a fait et Vincent Cotro l’a traduit tout en apportant sa propre touche à ce portrait d’un homme dans son temps projeté hors du temps, construisant un espace temps singulier en voulant se perdre dans la musique sans jamais vraiment y réussir. Il dira, je sais toujours où je vais. L’auditeur arrive à en douter quelque fois, tellement il est pris dans ce tourbillon. Il doute de ce qu’il entend. L’intérêt de ce livre est là aussi. Mettre sur le papier la musique de Coltrane. Tout le monde ne lit pas la musique, je le sais bien mais la reproduction de ces partitions permet de comprendre la méthode mise en œuvre. Car méthode il y a. Continuer la lecture

polar. Afrique du Sud et Australie

Les racines de l’Afrique du Sud

Deon Meyer officiellement auteur de polar est, en fait, le chroniqueur politique, social et culturel de ce pays étrange qui a vu un ancien détenu devenir président, Nelson Mandela. « La proie », avant dernier opus, racontait sans vraiment de filtres, la présidence de Jacob Zuma, un brûlot politique qu’il faut lire pour comprendre la situation actuelle. Bien avant Trump, Zuma savait réécrire la réalité à sa convenance. Continuer la lecture

Les luttes féministes nécessaires pour construire une société plus juste

La Corée du Sud comme il faut la voir grâce à ce faux vrai roman « Kim Jiyoung, née en 1982 » de Cho Nam-joo, une autrice à découvrir .
Dans un article qui date – le début des années 1980 -, le PDG de Sony, avouait que son arme économique secrète – secret economic weapon – était la surexploitation des femmes. Le Japon, disait-il, ne bénéficie pas de migrants, comme les anciens colonisateurs ou les États-Unis que l’on peut presser comme des citrons mais des femmes. Le Japon se trouvait au dernier rang de l’égalité salariale, la différence moyenne entre le salaire d’un homme et d’une femme était de 50%. En France, elle est autour de 27%… Aucun pays ne réalise l’égalité salariale.
La Corée du Sud se trouve dans la même fourchette avec des conditions de travail iniques. La journée de travail, comme en Chine, s’allonge démesurément, jusqu’à minuit pour rentrer chez soi par le dernier métro, lorsqu’on habite Séoul. Travail le dimanche, aucun jour de repos. Les femmes, serrées dans les traditions ancestrales – dont se sert le capitalisme -, travaillent autant que les hommes sans reconnaissances ni salariales ni de compétences sans parler de qualification et se chargent des tâches domestiques diverses tant à la maison que dans l’entreprise. Sans oublier le harcèlement, les mains baladeuses dans les transports surpeuplés et tellement d’autres choses indiquant l’asservissement des hommes incapables de vivre leur sexualité. Continuer la lecture

A une femme libre : la baronne Nica de Koenigswarter

Pour le jazz

Le jazz a son aristocratie construite sur le sol mouvant des reconnaissances collectives. Un Comte (Basie), un Duc (Ellington), une Impératrice (Bessie Smith), une Reine (Dinah Washington), un Président (Lester Young), une Lady (Billie Holiday et même un génie tutélaire, Louis Armstrong pour former une sorte de firmament étoilé, une succession de constellations, une tempête de sang bleu. Mais pas de Baronne – même s’il y a un Baron autoproclamé, Charles Mingus – du jazz. Non, la Baronne est une vraie, du monde « réel », loin des légendes apparemment, venue d’Europe, née Rothschild qui plus est, devenue par le mariage avec un Jules – c’est son prénom – de Koenigswarter. Rien ne la prédestinait à rencontrer sauf le jazz, sauf son amour de l’aventure, de la liberté et la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.
Pour le monde du jazz, elle sera Nica ou Pannonica et pour l’éternité. Un film de Charlotte Zwerin, « Straight No Chaser », permettait de la voir aux côtés de Thelonious Monk. Sa petite fille, Nadine, avait contribué à la sortie d’un recueil étrange, « Les trois vœux des musiciens de jazz » (Buchet-Chastel) composé de photographies prises au Polaroid par Nica, assorties d’interviews de musiciens, les fameux trois vœux, qui permettaient d’éclairer des personnalités et de découvrir des musiciens oubliés. Continuer la lecture

Une histoire de l’art

Bonne année 2018 : encore des cadeaux à (se) faire

L’art a-t-il une histoire ? On sait que le progrès en art est une invention calamiteuse de certains théoriciens en mal d’idéologie, mais la succession des Écoles a-t-elle encore un sens ? Et l’art lui-même quel « sens » prend-il dans notre époque de remise en cause profonde de toutes les idéologies ? Florence de Mèredieu, qui ne craint pas de porter un prénom plutôt féminin et un nom qui fleure son origine chrétienne, répond à toutes ces questions par la négative. Dans cette somme dont la première édition remonte à 1994, « Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain » – une édition revue, corrigée, augmentée pour cette parution de 2017-, il passe en revue 150 ans de créations artistiques. Moderne ? L’époque commence en 1874 par les Impressionnistes, premières réflexions sur la matière – nom générique, le matériau n’étant qu’une de ses manifestations -, la lumière, la photographie et se continue par le « contemporain » soit, pour lui, tout ce qui se fait aujourd’hui sans échelle de valeurs a priori, sans idéologie dit-il. Tout au long de ses descriptions, de ses analyses, on se demandera si cette absence est possible. Continuer la lecture

Quelques réflexions sur la question culturelle

« Le souffle de la révolte » veut appréhender le jazz et le contexte de 1917 et la suite…

En finissant mon prochain livre sur le jazz, « Le souffle de la révolte », à paraître chez C&F éditions (comme les deux précédents), me sont venues quelques réflexions qui ne pouvaient tenir dans le livre que je vous livre ci-après.
En même temps, il peut s’agir d’une introduction pour deux cours d’économie l’an prochain qui porteront sur l’économie de la culture – un oxymore…
Deux cours en lien avec le Panta théâtre pour le 30e anniversaire de la décentralisation culturelle, qui n’a rien à voir avec la décentralisation qui se met en place dans le milieu des années 1980 et qui va voir la création de nouvelles entités administratives.
La décentralisation culturelle avait le but de fournir à toute le pays, la possibilité d’avoir des spectacles.
Une bonne idée.
Dans les lignes qui suivent, il s’agit d’abord de comprendre le lien entre tradition et rupture, entre le passé et le futur pour construire un présent. Réflexions liées aux thèses de Walter Benjamin – un auteur de moins en moins oublié, le travail de Daniel Bensaïd a été bénéfique – et à celle de Adorno.
Deux parties, « Révolution » ? et une réflexion sur « la modernité ».
Ce sont des essais qu’il faut contester pour continuer l’élaboration.
Nicolas Béniès. Continuer la lecture

Le futurisme mode d’emploi

Art Total et d’Avant-Garde : le futurisme

Qu'est ce que le futurisme ?Les débuts du 20e siècle pour le calendrier représentent plus justement les derniers feux d’un 19e siècle qui finira en 1914 avec l’ouverture de la Première Guerre mondiale. Ce sont des années de transition d’un monde qui cherche de nouveaux repères, de nouvelles balises. L’art, dans toutes ses dimensions exprimera un des possibles mondes à venir.
Le « Futurisme » naîtra en Italie, à Milan, dans cette Italie du Nord plus prospère, plus industrielle, plus « moderne » que celle du Sud, par l’intermédiaire de l’écrivain Marinetti qui en publiera le premier manifeste sous forme de tract. Les orientations sont claires. Inscrire le développement humain dans la confrontation avec la machine pour faire surgir une nouvelle définition de l’Art en prise avec la modernité. La respiration de l’Histoire semble s’accélérer pendant cette période. La vitesse donne une nouvelle dimension au temps. La barbarie est inscrite dans cette ère du machinisme. Les ouvrages de science-fiction en témoignent.
Les futuristes proposent de transformer tous les aspects de la vie et pas seulement de la culture. Nouvelle cuisine, nouvelle architecture tout autant que la musique, le cinéma et le reste. Rien de ce qui est humain de leur est étranger. Continuer la lecture

Le temps de lire, la sélection livres de Nicolas BENIES

Un polar israélien.

une proie trop facileLa littérature israélienne forcément contestataire des pouvoirs, surtout ceux de « Bibi », le premier ministre de droite qui est obnubilé par la guerre pour faire passer sa politique antisociale. Lui aussi a déclaré la guerre et d’abord aux Palestiniens pour leur refuser leurs droits… Le « terrorisme » – un terme à la mode qui permet de couvrir toutes les atteintes aux droits démocratiques – sert de paravent.
Yishaï Sarid s’est fait connaître en France grâce à ce merveilleux roman « Le poète de Gaza » (Actes Noirs) paru en français en 2011. Actes Sud récidive, toujours dans sa collection Actes Noirs, en publiant son premier roman, « Une proie trop facile » qui joue sur les apparences pour décrire un Israël de l’an 2000. Les références datent un peu mais l’écriture recouvre le tout. Une écriture simple, descriptive qui cache l’essentiel, les non-dits sur les quels repose cette société israélienne enfermée dans la guerre qui arrive mal à cacher ses divisions.
« Moi, je milite pour une cuisine simple » fait-il dire à un des personnages. Une cuisine simple est difficile. Il faut choisir avec soin les ingrédients sinon elle est banale et c’est raté. Une bonne définition de cette écriture. Simple et peu banale.
« Une proie trop facile », Yishaï Sarid, Actes Noirs/Actes Sud, 341 p., 22,50 euros Continuer la lecture

Appréhender le jazz ? Est-ce possible ?

Une vague moderne et solidaire pour la créativité individuelle.

Il est des anniversaires qu’il faut savoir fêter surtout lorsqu’il s’agit d’un jubilé. L’AACM, Association for the Advancement of Creative Musicians, est née à Chicago en 1965 sous la férule du pianiste Muhal Richard Abrams qui avait, déjà, une carrière derrière lui. 1965, il faut s’en souvenir, c’est aussi une sorte d’apogée du « Black Power » via toutes les associations et organisations qui gravitaient autour de cette revendication, en particulier Malcom X et les « Black Panthers ». La répression, l’oubli est aussi tombé sur cette donnée, a été sanglante. Les forces de police n’ont pas fait dans la dentelle et ont tué ou emprisonné une grande partie de ces militants.
Cette association se proposait d’offrir aux musicien-nes-s des rencontres, des discussions pour leur permettre de trouver leur propre voi(e)x. De « faire » communauté, collectif tout en préservant le champ des possibles de l’individu. Une sorte d’anarchisme mariant la fraternité et des formes de société secrète. La plupart des musicien-ne-s de jazz d’aujourd’hui sont passé(e)s par cette école ouverte et sans structure. A commencer par Anthony Braxton mais aussi la flûtiste Nicole Mitchell qui fut la dernière présidente en date de cette association. Continuer la lecture

Télémaque

Une poésie sans mots.

Télémaque catalogueTélémaque, peintre français né à Haïti en 1937, fait l’objet d’une exposition au Centre Pompidou et d’un livre proposant une monographie de ses œuvres couvrant les années 1958 à 2014. 250 reproductions pour faire connaissance avec cet artiste jouant avec ses souvenirs, objets du quotidien qui servent de points de repères, pour les noyer dans la mémoire de notre temps. Il aime la concurrence avec la poésie, déniant aux mots leur capacité de prendre la place de la peinture. Les explications des auteurs permettent d’interroger les œuvres pour pénétrer dans un univers étrange qui oblige à voir autrement.
NB
« Télémaque », Gérard Durozoi, David M Lemaire, Alexia Guggémos, Henri Griffon, Flammarion, exposition jusqu’au 30 avril.