A propos Nicolas Beniès

Nicolas Beniès est économiste de formation. Il est tombé dans la grande marmite du jazz dans son adolescence, une énorme potion magique qui rend la vie différente. Il est devenu naturellement critique de jazz. Il a collaboré un peu à Jazz Hot, à Jazz Magazine. Il a également écrit dans Rouge, Contretemps), la Revue de l’École Émancipée, Le Monde Diplomatique et l’US Magazine. Il a longtemps - 20 ans - proposée, préparée et animée des émissions de jazz sur une radio associative. Il reprendra bientôt cette activité. Conférencier sur le jazz et l'économie, il est l'auteur du Souffle bleu - C&F éditions -, un essai sur le basculement du jazz en 1959 qui a donné son titre au blog/site, et de plusieurs ouvrages sur l'économie dont "Petit manuel de la crise financière et des autres" (Syllepse éditions). Il prépare deux nouveaux ouvrages. Un sur le jazz, "Tout autour du jazz", l'autre sur l'économie "Le basculement d'un monde".

Le trumpisme en action

Les enjeux de la contre révolution trumpienne

La plupart des commentateurs insistent sur l’aspect économique de la politique mise en œuvre par Trump depuis son arrivée à la Maison blanche. Il est effectivement en train de détruire le libre échange mise en place à partir des années 1980 connu sus le nom pour le moins étrange de « mondialisation heureuse » et représenté par l’Organisation Mondiale du Commerce, aujourd’hui moribonde. Il poursuit en l’approfondissant un travail de sape commencé sous Obama et poursuivit par Biden. La pandémie a révélé l’hypermondialisation et la place de la Chine comme filiale d’atelier pour les formes transnationales. Le thème de la souveraineté nationale a occupé le devant de la scène passant par la nécessité de réindustrialiser. Les États-Unis de Biden ont compris le message. Les investissements aux États-Unis ont été conséquence financés en partie par les subventions de l’État fédéral , comme en Chine. Pendant ce même temps l’économie allemande subissait une crise industrielle de première importance se traduisant par deux ans de récession – en 2023 et 2024 – avec une prévision de croissance zéro pour 2025. Son client le plus important, la Chine, s’est fortement industrialisé et n’a plus besoin des productions allemandes. Le nouveau gouvernement de coalition Droite et SPD (parti socialiste) ont décidé d’augmenter leur endettement pour financer les dépenses militaires et, ainsi, restructurer de fond en comble leur industrie obsolète. L’Europe, logiquement, devrait suivre et réfléchir au besoin de protéger des industries naissantes face au marché mondial. La réindustrialisation actuelle n’a pas grand-chose à voir avec une relocalisation, il faut imaginer une nouvelle industrialisation dans un contexte marqué par la guerre en Europe. Continuer la lecture

La guerre de 100 ans en direct, via Conan Doyle

Paris, 1427

La guerre de 100ans aux prismes des aventures de Holmes
Jean d’Aillon trouve dans la guerre dite de 100 ans qui opposa le royaume de France en formation au royaume d’Angleterre via les Armagnacs et les Bourguignons, le contexte historique pour projeter Conan Doyle dans un passé inconnu de lui. Au moment où nous surprend l’auteur, nous nous trouvons projeté à Paris sous la régence du duc de Bedfort sous domination anglaise donc. Paris est enveloppé par un terrible hiver puis un printemps de pluies diluviennes qui laissa les Parisiens non seulement transi de froid mais aussi souffrant de disette et de hausse des prix.
La guerre reculait un peu devant la violence des éléments « naturels ». Les descriptions du Paris de cette année valent la peine d’être lues, une autre manière de faire de l’Histoire au plus prés des populations. L’enquête que mène Holmes – Edward ici » en compagnie bien sur de Watson – Gower – est multiple : un éventreur, une prophétesse qui se cache, ‘ »La prophétesse voilée » est le titre de cet opus, recherchée par deux individus commandités par des maîtres différents et pour des raisons sans commune raison, des complots à n’en plus finir, la prison insalubre du Châtelet… pour des tiroirs qui s’ouvrent les uns sur les autres, pour arriver à une fin qui arrange tout le monde.
Le plaisir est quasiment toujours au rendez-vous de l’Histoire – la Pucelle d’Orléans, Jeanne, n’est pas loin – et des histoires. Les références à l’œuvre de Conan Doyle sont présentes mais noyées dans le flot de cette guerre interminable.
Nicolas Béniès
« La prophétesse voilée. Les chroniques d’Edward Holmes et Gower Watson », Jean d’Aillon, 10/18

Surveillance réciproque, drôle de société !

Un western nordique et moderne

La trame est vieille comme le premier western : le Mal d’un côté, ici Kim Sleizner, chef de la police criminelle de Copenhague, corrompu, violeur – le shériff -, de l’autre le Bien, l’ex inspectrice de la police danoise, Dunja Hougaard qui veut faire tomber le système tout entier qui mêle milliardaire, politiciens, juges et policiers. Un affrontement de Titans où, je vous rassure, là aucun suspense, le Bien gagnera mais le plus difficilement possible. Seul l’amour résiste, bien sur.
« Coup de grâce », de Stefan Ahnhem raconte cette histoire. Il l’emmêle avec la mort d’un ado dont le père, lui-même inspecteur mais de la police suédoise, trouve suspecte. Les fils de ces intriguent se nouent autour de la figure du Mal.
L’auteur sème les composants de la modernisation de son western. Les technologies numériques, mouchards, surveillances réciproques, tortures, un peu d’intelligence artificielle, une secte de gens bien placés da ns la société qui se livrent à des jeux sexuels interdits et pas seulement par la morale. Un aléa, la mort du chef des services secrets, déclenchera toute la mécanique. La conscience professionnelle d’un inspecteur qui doit pourtant sa carrière à Sleizner permettra à l’enquête de suivre son cours en un parcours bien sur escarpé.
Les descriptions des villes, des quartiers, des familles viennent donner un semblant de crédibilité pour obliger à rester dans ce monde étrange et qui devrait nous être étranger. Ce n’est pas le cas et le talent de l’auteur y est pour beaucoup. Non seulement on y croit mais on marche, on veut savoir à quel moment et dans quelles conditions le coup de grâce sera donné. Et personne ne sera déçu.
Nicolas Béniès
« Le coup de grâce », Stefan Ahnhem traduit du suédois par Caroline Berg, Albin Michel

Le masculiniste en action

Portrait d’un prédateur sexuel

Kate Foster, pour son premier roman « Le Baiser de la Demoiselle, histoire d’une femme décapitée », réussit le tour de force, en suivant le raisonnement de Christian, une jeune femme de la petite noblesse écossaise, d’obliger le lecteur à comprendre la toile d’araignée tissée par un prédateur sexuel pour annihiler la volonté de la proie en « lavant » son cerveau. Le laird – traduction écossaise de lord – James Forrester, son oncle, l’avait séduite tout en ayant des relations sexuelles avec ses domestiques et une prostituée installée à demeure.
Une coalition féminine et féministe aura raison de la suffisance et bonne conscience du laird assassiné à l’arme blanche. Lady Christian a été condamnée à la peine capitale et attend dans sa cellule de la prison de Tolbooth à Edimbourg le moment de l’exécution. L’Ecosse possède la « Demoiselle », une machine qui a servi de modèle à la guillotine française, pour les crimes commis par les nobles. Le tribunal n’a pas envisager les crimes du laird évidemment. Nous sommes en 1679 et la notion du consentement mettra encore quelques temps à exister
Un découpage fait de retours en arrière, d’un récit à deux voix, celle de Christian bien sur qui n’a pas confiance en elle, ne comprend pas les motivations ni les signaux d’alerte de son entourage et celle de Violet, la prostituée -seul moyen de sortir de la misère -, cynique, volontaire qui joue avec la vanité du laird. Elle s’en sortira grâce à la mère maquerelle qui connaît toutes les tares de la « bonne » société, du shérif notamment.
Un roman plus vrai que vrai.
Nicolas Béniès
« Le baiser de la Demoiselle. Histoire d’une femme décapitée », Kate Foster, traduit par Christel Gaillard-Paris, Éditions Phébus

Portraits d’émigrants, de lieux disparus pour une histoire et une littérature trop longtemps oubliées

Littérature Yiddish oubliée et… retrouvée

« Les Juifs de Belleville » s’impose comme une référence à plus d’un titre. D’abord par la langue, le Yiddish. Isaac Basileis Singer en est le représentant le plus connu. On a oublié, qu’à Paris, les émigrés juifs d’Europe de l’Est avaient exporté leurs traditions et publiaient journaux et livres et s’étaient réfugiés à Belleville. Benjamin Schlevin -né Szejnman en 1913 en Biélorussie – a publié 17 ouvrages en yiddish qui en fait un auteur inconnu de tous les publics.
Un Paris disparu revit, ce Paris des ateliers de confection où la main d’œuvre est surexploitée pour vendre à bas prix. Une saga historique et social qui donne à voir le quotidien de cette population en train d’essayer de survivre. Deux figures serviront de fil conducteur, deux amis au point de départ arrivés comme tous les autres « gar di nor » et qui suivront deux trajectoires opposées. L‘un, Béni veut « arriver » en amassant pour accumuler, l’autre, Jacquou, défend les opprimés et crée des structures culturelles ou d’assistance dans le contexte de la crise des années 30. La Shoah marquera la fin de cette histoire. Jacquou survivra pour témoigner. Un grand livre à découvrir.
Nicolas Béniès
« Les Juifs de Belleville », Benjamin Schlevin, traduit par Batia Baum et Joseph Strasburger, postface et appareil critique de Denis Eckert, L’Échappée, collection « Paris perdu »

Dreyfus, une expo à voir, un catalogue pour mémoire

Un livre essentiel d’Histoire et de mémoire

Le Juif responsable de la défaite ? Assurément. Espion, sans nul doute./ Pas besoin d’enquête.«  Alfred Dreyfus, Vérité et justice », thème de l’exposition au musée d’art et d’histoire du judaïsme -mahJ – démontre tous les rouages de l’affaire et montre le contexte à l’aide de documents notamment les caricatures qui donnent à voir l’esprit des temps. Le catalogue, sous la direction d’Isabelle Cahn et Philippe Oriol, commissaires de l’expo, brosse le tableau de la période. Auteurs et autrices ouvrent des portes et nous projettent dans le monde d’alors sans omettre le portrait de Julie Dreyfus, l’épouse du capitaine au rôle oublié ni les suites notamment la loi de 1905 et la lutte pour les droits humains.. Un livre nécessaire, actuel.
Nicolas Béniès
« Alfred Dreyfus, Vérité et Justice, catalogue coédité par Gallimard/mahJ

Au printemps, le jazz refleurit

Le jazz bourgeonne à Coutances (Manche)

Le jazz, le printemps, l’Ascension, trois ingrédients qui font du Festival de Jazz Sous les Pommiers un événement original et pas seulement pour la Région Normandie. Paradoxalement, en fonction de la politique trumpienne, les relations avec les États-Unis reprennent. Donny McCaslin, saxophoniste sera l’un des invités et Gonzalo Rubalcaba sera entouré par Chris Potter, Larry Grenadier, Eric Harland sans compter la présence d’une légende : le batteur/percussionniste Kahil El Zabar comme manifestations de ce retour.
Les deux événements centraux tourneront autour de deux cérations des artistes en résidence : le tromboniste Robinson Khoury et la vocaliste Marion Rampal qui rendra hommage à Abbey Lincoln, grande dame du jazz dont la présence, une année, avait illuminé la ville.
Les spectacles de rue permettent aux petits et grands d’assister à des représentations subtiles, drôles et intéressantes et la scène aux amateurs donnent à voir et à entendre des groupes formés par les écoles ou des orchestres d’amateurs qui essaient de répéter pendant l’année. Le plaisir est souvent au rendez-vous. La cathédrale est aussi un lieu de visite et de concert. Il faut aller respirer les parfumes du jazz au printemps.
Nicolas Béniès
Jazz sous les Pommiers, Coutances, du 24 au 31 mai, jsp@jjazzsouslespommiers.com

Sur radio-toucaen.fr, J’ai consacré une émission de deux heures et demie à la présentation du festival, racontant quelques souvenirs.

Martial Solal pianiste de jazz (Alger 23/08/1927 – Chatou 12/12/2024)

L’improvisation comme méthode de création

Comment devient-on musicien de jazz ? Par colère sans doute. C’est elle qui est la meilleure conseillère lorsqu’elle se transforme en brûlure de la révolte. L’adolescent Martial Solal à Alger subit les conséquences des lois antisémites du régime du Maréchal Pétain : l’entrée de son lycée lui est refusée. Un monde se ferme. Il est seul et se sent seul. La violence de ce rejet – même s’il en parle très peu – restera comme une marque indélébile. Peut-être est-ce dans cet événement de la grande histoire qu’il faut chercher les ressorts d’une volonté inaltérable de devenir un pianiste hors-norme. Pour obliger les autres à le regarder, le considérer. Le personnage pourrait, en d’autres circonstances plus terribles encore, être dessiné par Jiri Weil qui dans « Vivre avec une étoile » (10/18) décrit l’abandon de soi et la lente prise de conscience de la lutte collective pour redevenir soi-même d’un Juif à Prague pendant cette même période. Lueurs d’un avenir commun pour refuser la loi des nazis, l’avilissement. Continuer la lecture

Trump, image de la contre révolution mondiale

Révolution(s) et contre révolution(s)

Les sociétés capitalistes développées bouillonnent. L’inédit devient habituel. Ce qui signifie que le monde est en train de changer, de se révolutionner. Un monde devrait disparaître, son modèle d’accumulation est obsolète. Les crises capitalistes indiquent la nécessité d’une révolution interne au système pour faire naître un nouveau régime d’accumulation, de nouvelles modalités de création des richesses, ce qui suppose de rompre avec celui né dans les années 1980 appelé régime d’accumulation à dominante financière. Des forces sociales réactionnaires, les privilégiés – les ultra riches – de cette société qui a vu les inégalités s’approfondir, s’opposent à tout changement fondamental, prenant le risque, par cette mentalité de colons, d’explosions sociales et sociétales. Dans leur recherche de légitimation des pouvoirs en place, ils ne craignent pas de faire appel aux dogmes religieux les plus éculés. Continuer la lecture

BD documentaire

Une histoire comme il faut les aimer

Fred Leclerc décide, alors qu’il est au chômage, de suivre les traces de Samuel Paty : devenir prof pour apporter la connaissance aux enfants. Il décide de postuler au poste de prof d’arts plastiques dans les écoles primaires parisiennes – un poste qui n’existe nul part ailleurs. Sans aucune formation, il est jeté devant des élèves qui ne savent pas se discipliner. Les bulles donnent à voir le désarroi, les nuits sans sommeil, la dépression… dus à la décomposition du rêve mais aussi des réactions sympathiques de ces jeunes élèves qui ne comprennent pas pourquoi le prof démissionne. Continuer la lecture