La guerre de 100 ans en direct, via Conan Doyle

Paris, 1427

La guerre de 100ans aux prismes des aventures de Holmes
Jean d’Aillon trouve dans la guerre dite de 100 ans qui opposa le royaume de France en formation au royaume d’Angleterre via les Armagnacs et les Bourguignons, le contexte historique pour projeter Conan Doyle dans un passé inconnu de lui. Au moment où nous surprend l’auteur, nous nous trouvons projeté à Paris sous la régence du duc de Bedfort sous domination anglaise donc. Paris est enveloppé par un terrible hiver puis un printemps de pluies diluviennes qui laissa les Parisiens non seulement transi de froid mais aussi souffrant de disette et de hausse des prix.
La guerre reculait un peu devant la violence des éléments « naturels ». Les descriptions du Paris de cette année valent la peine d’être lues, une autre manière de faire de l’Histoire au plus prés des populations. L’enquête que mène Holmes – Edward ici » en compagnie bien sur de Watson – Gower – est multiple : un éventreur, une prophétesse qui se cache, ‘ »La prophétesse voilée » est le titre de cet opus, recherchée par deux individus commandités par des maîtres différents et pour des raisons sans commune raison, des complots à n’en plus finir, la prison insalubre du Châtelet… pour des tiroirs qui s’ouvrent les uns sur les autres, pour arriver à une fin qui arrange tout le monde.
Le plaisir est quasiment toujours au rendez-vous de l’Histoire – la Pucelle d’Orléans, Jeanne, n’est pas loin – et des histoires. Les références à l’œuvre de Conan Doyle sont présentes mais noyées dans le flot de cette guerre interminable.
Nicolas Béniès
« La prophétesse voilée. Les chroniques d’Edward Holmes et Gower Watson », Jean d’Aillon, 10/18

Surveillance réciproque, drôle de société !

Un western nordique et moderne

La trame est vieille comme le premier western : le Mal d’un côté, ici Kim Sleizner, chef de la police criminelle de Copenhague, corrompu, violeur – le shériff -, de l’autre le Bien, l’ex inspectrice de la police danoise, Dunja Hougaard qui veut faire tomber le système tout entier qui mêle milliardaire, politiciens, juges et policiers. Un affrontement de Titans où, je vous rassure, là aucun suspense, le Bien gagnera mais le plus difficilement possible. Seul l’amour résiste, bien sur.
« Coup de grâce », de Stefan Ahnhem raconte cette histoire. Il l’emmêle avec la mort d’un ado dont le père, lui-même inspecteur mais de la police suédoise, trouve suspecte. Les fils de ces intriguent se nouent autour de la figure du Mal.
L’auteur sème les composants de la modernisation de son western. Les technologies numériques, mouchards, surveillances réciproques, tortures, un peu d’intelligence artificielle, une secte de gens bien placés da ns la société qui se livrent à des jeux sexuels interdits et pas seulement par la morale. Un aléa, la mort du chef des services secrets, déclenchera toute la mécanique. La conscience professionnelle d’un inspecteur qui doit pourtant sa carrière à Sleizner permettra à l’enquête de suivre son cours en un parcours bien sur escarpé.
Les descriptions des villes, des quartiers, des familles viennent donner un semblant de crédibilité pour obliger à rester dans ce monde étrange et qui devrait nous être étranger. Ce n’est pas le cas et le talent de l’auteur y est pour beaucoup. Non seulement on y croit mais on marche, on veut savoir à quel moment et dans quelles conditions le coup de grâce sera donné. Et personne ne sera déçu.
Nicolas Béniès
« Le coup de grâce », Stefan Ahnhem traduit du suédois par Caroline Berg, Albin Michel

Elémentaire mon cher Watson : Agatha Christie ressuscitée

Policier classique

Katy Watson, pour son premier roman policier – à qui il manque tous les attributs du polar -, a choisi de rendre un hommage appuyé à Agatha Christie. C’est vrai que tout y est : une vieille demeure anglaise aux charmes désuets, une vieille famille secouée, comme il se doit, de secrets, des amants vieillis sous le harnais de l’adultère. Le brin de modernité vient d’une équipe de cinéma venue pour la promotion de son prochain film qui se passera dans le château dit « Aldermere House », héritage de l’autrice Lettice Davenport, dont un des romans est à l’origine du scénario du film. « Meurtres à Aldermere House » semble être le début d’une série. Continuer la lecture

Polar : la sage-femme enquête


Metz, 1812

Victoire Montfort, sage-femme, continue son travail pour révéler les difficultés des femmes en butte à la fois aux archaïsmes et aux pouvoirs des vieilles qui se veulent savantes sous prétexte de leur âge tout en se lançant dans des enquêtes en compagnie ou contre son mari le le commissaire . Une enquête aux résonances actuelles. Comment répandre des « fake news avant les réseaux sociaux » ? En diffusant un mensonge porté par plusieurs personnes obligeant le commissaire à considérer comme suspect un innocent du crime commis sur un auxiliaire du juge pour faire éclater un trafic de contrebande dans le contexte du blocus du commerce avec la Grande-Bretagne décidé par Napoléon. Continuer la lecture

Du réel habillé en fiction ou l’inverse…

Un faux-vrai roman, un vrai-faux documentaire

« Les paralysés », de Richard Krawiec, se situe dans les années 1980, années de récession profonde aux États-Unis. Les fermetures d’usine se succèdent, le chômage enfle, les subsides se raréfient – Reagan remet en cause tous les chèques de subsistance pour les plus démunis – et les quartiers populaires se dégradent. La drogue, l’alcool veulent faire oublier la réalité. Pire encore quand on est amputé des deux jambes, comme c’est le cas de Donjie, le héros de cette histoire.
Une description clinique des laissés pour compte avec leurs contradictions. Faut-il pour survivre s’attaquer aux plus faible ? Continuer la lecture

Polar. Mémoires coupables

L’hérédité enchaînée
« La théorie des ondes » souffre d’une construction curieuse, des allers-retours dans le temps pas toujours maîtrisés pour obliger le lecteur à perser le poids de l’hérédité sans pourtant, heureusement, convaincre. Une affaire de représentation et de culpabilité conjuguées au présent. Le point de départ, le viol et le meurtre de femmes répondant aux même caractéristiques. Catherine Gauthier est une enquêtrice, ex flic de la Ferroviaire, au service d’un avocat, Pierson. Elle veut se punir d’avoir tué un adolescent.
Le cadre, la ville de Chalon-sur-Saône où tout le monde a l’air de se connaître, joue aussi un rôle dans la construction de l’enquête qui aura de multiples ramifications. La fermeture de l’usine Kodak, laissant des centaines de salarié.e.s sans avenir et des cadres dépossédés de leur qualification se réunissant pour se souvenir, se saouler et s’engueuler. Le désespoir noyé dans l’alcool est un facteur de suicide. Continuer la lecture

Polars historiques, 1360, 326 les années 1960 ou plus tard…


Le Royaume de France en 1360

Les livres d’Histoire ont longtemps parlé de la « guerre de 100 ans », manière d’écrire a posteriori pour des guerres continuelles de formation des royaumes, de dessin des frontières et de la création d’États centralisés que seront les monarchies absolues. En 1360, la désorganisation est totale. Les luttes internes, les intrigues, les alliances se nouent et se dénouent à la vitesse des tempêtes. L’absence d’armées officielles ouvre grand les portes aux mercenaires qui, faute d’engagements, se livrent à des destructions organisées ou sauvages au détriment de l’ensemble des populations. Continuer la lecture

Une société sans repères


Noir c’est noir !

Pour son premier roman Nathalie Gauthereau – assistante juridique dans le civil – n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Elle a rassemblé la plupart des thèmes de notre actualité, notamment persécutions commises à l’École contre certains élèves et ses conséquences sur l’adulte. Le harcèlement n’est pas poursuivi en justice, il ne reste que la vengeance… tardive, forcément.
« Dans l’œil de la vengeance » victimes et tortionnaires dansent un étrange ballet aux rôles interchangeables. Avocat.e.s, policier.e.s ne sont que des révélateurs des tares de la société inégalitaire qui rejette tous les laissés pour compte, ne cherchant qu’à diminuer les coûts sociaux, ne laissant d’autre issue que l’économie informelle – la surexploitation des sans papiers – ou le trafic de drogue. Les trajectoires sont logiques, trop logiques nous arrachant l’âme. Les responsables, les vrais, ne sont jamais poursuivis et même n’apparaissent quasiment jamais. Les sous fifres sont là pour payer tous les pots cassés. Terrible constat dont l
Qu’un espoir de fraternité vienne d’un sans papier est un peu christique et rassurant et, malgré tout, vraisemblable. Aucun autre personnage n’est empathique, sauf les femmes amoureuses en butte à l’incompréhension des environnements, qu’ils soient familiaux, amicaux ou professionnelles. Un premier roman qui laisse augurer d’une glorieuse descendance à venir.
NB
« Dans l’œil de la vengeance », Nathalie Gauthereau, Rouergue/Noir

Le polar espagnol, original et moderne, Marto Pariente

Idiot, idiot à demi

Marto Pariente, pour son premier roman paru dans la Série noire, renouvelle l’art du polar à l’heure des gadgets électroniques, de l’ADN qui parle trop et d’autres expédients pour tuer toute intrigue, objets qui ont du mal à pénétrer dans des petites bourgades apparemment bien tranquilles comme Ascuas. Tony Trinitad – référence sans doute aux westerns spaghettis de la grande époque de Cinecitta – est l’unique policier municipal dont l’emploi est périodiquement remis en cause par le maire ou un de ses adjoints et semble un peu limité, bas de plafond pour tout dire. Mais il faut se méfier et prendre le titre au pied de la lettre : « La sagesse de l’idiot » pour s’interroger. Tout est là. Les thèmes sont traditionnels dans notre monde étrange ou seul compte la richesse accumulée et peu importe les moyens, trafic de drogue, blanchiment, chantage, assassinats pour assurer son pouvoir. Les meurtres peuvent avoir d’autres causes, l’amour par exemple, la vengeance, les traumatismes d’une enfance volée… Habilement, l’auteur entremêle thèmes et raisons pour développer une histoire qui tient en haleine jusque la dernière ligne même si le retournement final a été préparé. La surprise est émoussée.
Il est conseillé de dépasser l’ennui qui sourd des premières pages dans la mise en scène de l’environnement et du personnage principal. Il est présenté comme il est vu par ses concitoyen.ne.s, et l’image est celle d’un incapable qui est là uniquement grâce à sa famille d’accueil, le style reflète cette vision. L’auteur sait faire évoluer son style en fonction des changements successifs d’images qui se succèdent dans l’esprit du lecteur.
Un portrait intelligent d’un idiot incarnant la sagesse d’un monde qui l’a totalement perdue. Une réussite.
Nicolas Béniès
« La sagesse de l’idiot », Marto Pariente, traduit par Sébastien Rutés, Série noire/Gallimard

Vrai ? Faux ? Faux-vrai ? Vrai-faux?

Idiot, idiot à demi

Marto Pariente, pour son premier roman paru dans la Série noire, renouvelle l’art du polar à l’heure des gadgets électroniques, de l’ADN qui parle trop et d’autres expédients pour tuer toute intrigue, objets qui ont du mal à pénétrer dans des petites bourgades apparemment bien tranquilles comme Ascuas. Tony Trinitad – référence sans doute aux westerns spaghettis de la grande époque de Cinecitta – est l’unique policier municipal dont l’emploi est périodiquement remis en cause par le maire ou un de ses adjoints et semble un peu limité, bas de plafond pour tout dire. Mais il faut se méfier et prendre le titre au pied de la lettre : « La sagesse de l’idiot » pour s’interroger. Tout est là. Les thèmes sont traditionnels dans notre monde étrange ou seul compte la richesse accumulée et peu importe les moyens, trafic de drogue, blanchiment, chantage, assassinats pour assurer son pouvoir. Les meurtres peuvent avoir d’autres causes, l’amour par exemple, la vengeance, les traumatismes d’une enfance volée… Habilement, l’auteur entremêle thèmes et raisons pour développer une histoire qui tient en haleine jusque la dernière ligne même si le retournement final a été préparé. La surprise est émoussée.
Il est conseillé de dépasser l’ennui qui sourd des premières pages dans la mise en scène de l’environnement et du personnage principal. Il est présenté comme il est vu par ses concitoyen.ne.s, et l’image est celle d’un incapable qui est là uniquement grâce à sa famille d’accueil, le style reflète cette vision. L’auteur sait faire évoluer son style en fonction des changements successifs d’images qui se succèdent dans l’esprit du lecteur.
Un portrait intelligent d’un idiot incarnant la sagesse d’un monde qui l’a totalement perdue. Une réussite.
Nicolas Béniès
« La sagesse de l’idiot », Marto Pariente, traduit par Sébastien Rutés, Série noire/Gallimard