Une nouvelle biographie de Miles Davis et ce n’est jamais trop. Miles a vécu dans sa chair le racisme et ses conséquences. Adulé à Paris, il ne perce pas à New York et se drogue. Le drame des musicien.ne.s de jazz – un terme contesté aux États-Unis mais valorisant en Europe, comme il le notait lui-même. Il s’agir de Great Black Music bien entendu.
Jerome Charyn pense qu’il était temps, pour terminer ses aventures, d’installer Isaac Sidel à la Maison Blanche. Que peut faire un ancien flic et ancien maire de New York – Charyn ne s’éloigne pas trop de la réalité – à la Maison Blanche ? Pas grand chose. Depuis, Trump a conduit une sorte de putsch, de coup d’État comme, pour l’instant, une tentative avortée mais une tentative. Charyn n’a pas osé écrire qu’un Président pouvait sauter dans sa voiture pour prendre la tête des manifestants à l’assaut du Capitole et empoigner par un agent de la sécurité pour l’empêcher de commettre ce crime. Trump a testé, un autre ou lui-même pourrait le réaliser. Il a beaucoup fait pour discréditer tout le système de la démocratie américaine sans parler de ses nominations à la Cour Suprême. Lire Charyn, c’est pénétrer dans certaines arcanes de ce monde étrange. Continuer la lecture
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Jazz, François Bernat et Miles
Pérégrinations autour de Miles Davis.
« Hommage à la musique de Miles » est un titre d’album qui suscite d’abord le rejet. Encore Miles, toujours Miles ! Le cordon ombilical est fait d’un bois dont on ne fait pas de flûtes. Même Alexandre Le Grand semblerait incapable de trancher ce nœud gordien avec son glaive. A l’écoute des arrangements de ce quartet – devenant quintet sur trois titres – par le contrebassiste/leader François Bernat, on s’aperçoit d’avoir raté la subtilité que contient le titre non pas « hommage à Miles » mais « à la musique de Miles », glissement distancié qui fait toute la différence. Le groupe erre et nous fait zigzaguer à l’intérieur des compositions marquées par le génie du trompettiste/chef de groupe.
Bernat et ses compagnons, Frédéric Borey au saxophone ténor, Antonino Pino à la guitare, Olivier Robin à la batterie et Yann Loustalot lorsque le quartet s’élargit en quintet, ne copient pas. Ils laissent l’auditeur reconnaître le thème pour le faire entrer dans l’univers de Miles avec cette familiarité qui s’acquière au fur et à mesure des écoutes successives pour le perdre dans d’inquiétants méandres où il ne se reconnaît plus. Sensation délicieuse de s’égarer dans des contrées que l’on croyait connues. Une visite étrange de trois périodes davisiennes : les débuts avec Parker – « Milestones » -, le « Cool » – « Boplicity » -, le quintet avec Wayne Shorter – « Iris » – sans compter la rencontre avec Gil Evans et avec Jacky McLean pour ce « Little Melonae », le prénom de la fille de McLean, une des grandes compositions du saxophoniste alto new-yorkais.
Cet album est un aboutissement de concerts lors desquels les arrangements ont été rodés. Un véritable travail de studio trop rare en ces temps d’accélération forcenés. Prendre le temps est une des conditions de la réussite est une des manières de résister à cet air du temps souvent catastrophique
Prenez le temps de goûter cette musique qui joue avec le temps, contre le temps pour que la mémoire ne disparaisse pas tout en la conjuguant au présent.
Nicolas Béniès.
« Hommage à la musique de Miles », François Bernat quartet, D’Addario, rens : www.francoisbernat.com
Rencontres de cultures
Un projet fraternel, entre passé et futur.
« Petra » est un drôle d’album. Pour plusieurs raisons. La première et non la moindre porte sur le lieu : le site archéologique de Petra, en Jordanie. La deuxième, le trompettiste italien de jazz, Luca Aquino, a voulu jouer sur les résonances de cet environnement. Comme la recherche d’échos du passé pour faire surgir les fantômes, nombreux sur le site, pour opérer une jonction de mondes, pour que le patrimoine redevienne vivant. La troisième, une coproduction UNESCO (à Amman)/Organisation Abu-Ghazaleh (producteur aussi de l’album)/Association de l’Orchestre National Jordanien et les autorités régionales de Petra.
Luca Aquino signe une suite en 9 mouvements dans laquelle figure bizarrement le « Smile » de Charlie Chaplin qui sert de musique de fond du film « Limelight », « Les lumières de la ville ». Pour sourire à la vie, malgré tout et contre tout… Une suite où se mêle et s’entremêle toutes les cultures de cette région, toutes ces danses, toutes les joies et les douleurs d’un monde en train de basculer vers un ailleurs inconnu.
En même surgissent les mânes de Miles Davis à qui le trompettiste fait souvent référence, une référence en osmose avec les compositions, avec les rencontres d’instruments issus d’environnements divers, un collage qui fonctionne. L’accordéon apporte sa touche et l’orchestre sonne soit comme un orchestre symphonique, soit comme un orchestre qui pourrait accompagner Oum Kalthoum. Le blues fait bon ménage avec la musique des Bédouins pour indiquer qu’il est possible de partager et de jouer sur tous les tons.
Un hymne à la fraternité, au dialogue entre les cultures pour s’enrichir mutuellement. Dans le Moyen-Orient d’aujourd’hui, c’est une nécessité sinon toutes les constructions intellectuelles s’écrouleront. Et le site archéologique pourra s’enrichir de nouvelles ruines…
Nicolas Béniès.
« Petra », Luca Aquino & Jordanian National Orchestra, Talal Abu-Ghazaleh International Records, Bonsaï
Jazz. Un souffle de fraternité
L’accumulation du Capital.
« Das Kapital » est un trio, bizarre comme il se doit. Un ténor allemand installé à Reims, Daniel Erdmann, un guitariste danois, Hasse Poulsen et un batteur – je ne suis pas sur que cette dénomination convienne tellement ce musicien est capable de tout, mais il est aussi batteur et il le démontre – français Edward Perraud pour une musique qui ne se refuse rien. Il en est à son troisième album et la volonté de créer des univers ne les a pas abandonnés. Ils font partie de cette scène qu’il faut continuer à appeler « jazz » malgré tout, pour la dynamiter et, ainsi, redonner envie d’écouter cette musique étrange venue d’ailleurs. Leur énergie est communicative. Ils ne s’installent pas dans une routine. Les entendre est toujours une surprise. Ils sollicitent toutes les mémoires et d’abord celles du free jazz – mais pas seulement – pour s’installer dans des structures d’une musique informelle. Ils font tout autant appel au rock, à la country – on peut reconnaître une allusion à « Apache » – mais aussi aux musiques du monde et à leurs propres références. Un collage qui fonctionne. La joie de jouer transperce l’auditeur malgré le filtre de l’enregistrement. Continuer la lecture
Miles, notre contemporain… pour l’éternité !
Miles Davis, tome 2
La collection « Quintessence » dirigée par Alain Gerber propose un deuxième volume pour retracer le parcours de Miles Davis. Né à Saint-Louis dans le Missouri, Miles commence par jouer aux côtés de Charlie Parker et, dans une foulée étrange, de créer un nouveau son, une nouvelle manière de faire vivre la révolution du bebop, parkérienne. Il crée un nonet, en 1948, avec Gil Evans, Gerry Mulligan, John Carisi, John Lewis comme arrangeurs. Plus tard, bien plus tard, Capitol publiera ces faces en LP sous le titre « Birth of The Cool » mais sur le moment cette révolution dans la révolution passera complètement inaperçue.
En 1949, Miles sera salué comme la nouvelle star de la trompette en France lors du troisième festival international du jazz à Paris co-organisé par Charles Delaunay et Boris Vian. L’amitié entre Miles (23 ans) et Boris (28 ans) sera immédiate.
De retour aux États-Unis, c’est la désillusion qui l’attend. OU plutôt personne ne l’attend. Il erre dans cet espace qui ne le reconnaît pas. Comme beaucoup, il sombrera dans la drogue allant de « gig » en « gig », sans orchestre régulier pour payer sa dose. Quelques éclairs malgré tout… Continuer la lecture
Une réédition qui s’impose
L’Oiseau en liberté.
Charlie Parker est, peut-être, l’incarnation du génie toute musique confondue. Ses aventures sont semblables à celles de Mandrake. Je ne sais si la génération d’aujourd’hui lit encore ces bandes dessinées mais ce magicien avait le don de se transformer, de se mettre en danger à chaque fois. Jamais le même tout en conservant la même apparence. Parker avait cette volonté. Ne jamais être le même, surtout ne pas se rejouer, susciter l’inattendu, la surprise. Etre là où on ne doit pas se trouver. Se mettre en danger, pour créer la nouveauté. Ne pas respecter la mesure pour mieux la retrouver, lui donner sa visibilité. Surtout ne pas faire semblant. S’impliquer totalement. Au risque de se perdre. De s’envoler vers des contrées dont on ne revient jamais. Longtemps, il a réussi ce tour de force qui nous apparaît, à l’écoute des enregistrements, comme une évidence. Une évidence qu’il a rendue possible. Avant lui, ces paysages n’existaient pas. Il nous les a fait découvrir comme il a permis à d’autres de les fréquenter. C’est vrai qu’ils donnent l’impression d’être usés. Continuer la lecture