Les polars

De quelques nouveautés

Michael Connelly : La lune était noire, Seuil/Policiers.
Disons le sans ambages, Michael Connelly est non seulement un grand auteur de romans noirs, mais un romancier tout court. Son dernier opus ne vient pas apporte une nouvelle pierre à cet édifice. Il est conçu comme un système d’équations, dont la solution apparaît logiquement dans la première fin. Qui rebondit pour se terminer sur une nouvelle interrogation, une nouvelle inconnue, celle qui prend l’aspect d’une petite fille de 5 ou 6 ans (les enfants ne savent pas très bien). Comme une nouvelle innocence impossible à retrouver. Apparemment, c’est l’histoire d’une femme en liberté conditionnelle, voulant s’enfuir ailleurs, vers d’autres cieux. Le passé se déroule sous les pas du présent répétant le passé pour des raisons mal définies. L’une d’entre elles – Freud n’est pas loin – tient à la famille, mère de toutes les névroses et de toutes les psychoses. Une nouvelle version de « famille, je vous hais »… Le père du psychopathe – une figure obligée, un compagnon des mauvais jours – n’est pas vraiment le père, et le vrai père ignore sa progéniture qui veut sa mort après avoir tué sa mère… Et tout s’enchaîne… Comme si les enfants ne pouvaient répéter que leurs parents… Un constat décrivant l’absurdité de ce monde et de ses lois de fonctionnement. J’oubliais de vous dire, l’action se passe à Las Vegas, l’enfer du jeu !
Nicolas BENIES.

Abdel-Hafed Benotman : Les forcenés, Rivages/Noir.
L’auteur nous écrit de prison. Et ses lettres sous forme de nouvelles font mal. Les rapports récents et les commissions d’enquête parlementaires disent tout hauts ce que tout le monde murmurait. La vie carcérale n’est pas une vie. C’est la dignité des être humains qui est en cause, c’est elle qui est visée. Les personnalités entôlées ont eu, de ce point de vue, un rôle positif. Sans un mot de trop, c’est le message que Benotman fait passer à travers les barreaux. Un message de vie, de haine, de bouffées de meurtres, de vouloir être ailleurs et y rester, de dénonciations du discours sur la réinsertion alors que cette société la refuse… Bref des histoires qui nous concernent. Ce sont les nôtres. La nouvelle se prête à cet exercice. Sans nous y tromper. C’est un roman virtuel. Un roman du désespoir devant la réalité sociale qui ne connaît ni la liberté, ni la fraternité et encore moins l’égalité. Des lettres où l’auteur n’hésite pas à se mettre à nu. Personne n’en sort indemne.
NB.

La revue Polar (Rivages).
Ce numéro 23 est un numéro d’anthologie. A conserver précieusement. Il est entièrement dédié (sauf un au revoir à Jean-Claude Izzo auquel nous nous associons) à André Héléna, forçat de la plume. Il a publié sous différents pseudonymes, auteur de séries, pastiche – San Antonio a aussi commencé comme ça – des américains, mais aussi écrivain, romancier capable de transfigurer n’importe quel « saucisson ». Dans ce dossier figurent aussi ses poèmes, et une nouvelle. De quoi découvrir un univers. Et s’apercevoir qu’il a influencé une grande partie des romanciers de la Série Noire.
NB.

Roseback/Ricardo Montserrat : Ne crie pas, Série Noire (Gallimard).

Un roman noir sur Roubaix. L’espoir s’est fait la malle. Le rêve aussi. Pour toutes et tous. Les habitants mais aussi celles qui viennent d’ailleurs – de l’Algérie, de la Bosnie – connaissent les mêmes morts. La vie n’est pas toujours la plus forte… Les 18 écrivains qui constituent cette association – Roseback – ont à la fois réalisé une enquête sociologique sur la ville sonnant le glas de toutes les politiques de la Ville, une descente dans les psychologies des «privés d’emploi », un cri d’alerte fait de colère et d’abandon et, last but not least, un vrai roman avec une unité de style. Ce n’était pas évident au départ de transformer un atelier d’écriture en un laboratoire de roman. Une réussite.
NB