La collection s’enrichit d’un chef d’œuvre étrange, « Méchant garçon » – « Bad Ronald » pour le titre original -, d’un auteur qui n’est pas principalement du monde du polar mais plutôt de la science fiction ou de la « Fantasy », Jack Vance. Publié en 1973, il synthétisait toutes les frustrations engendrées par la dite « société de consommation » qui fait des individus des bêtes à désir qu’ils ne peuvent assouvir sauf à sortir de la morale bourgeoise et devenir des parias. Vance décrit un monde où les ados – les « teens » – semblent avoir pris le pouvoir. Plus exactement, il décrit la démission des adultes incapables d’imposer un ordre autre que celui de la marchandise. Continuer la lecture →
Stan Getz, de retour du royaume des ombres. Faiseur de miracles
Stan Getz (1927 – 1991) est tombé amoureux du saxophone ténor à l’âge de 13 ans semble-t-il après s’être essayé à d’autres instruments avec qui il a eu des relations éphémères. En même temps, ces fréquentations lui ont permis d’habiller la sonorité du saxophone, un instrument qui se prête à toutes les lèvres, à tous les souffles pour construire une relation interactive avec l’utilisateur.
Stan Getz quintessence du saxophone ténor ? L’une d’elles sans nul doute. Un son qui lui fait mériter son surnom, « The Sound », surnom mérité au-delà de toute considération.
Le volume 1, de cette collection « Quintessence » dirigée par Alain Gerber, retraçait le trajet de Stanley ou Stanislas – deuxième prénom qu’il s’était octroyé vers la fin de sa vie dans une interview à Jazz Magazine, peut-être à juste titre mais tout le monde l’avait appelé Stan… – Getz de ses premiers enregistrements en 1945 avec le futur gratin de la West Coast à commencer par Shorty Rogers et Shelly Manne, musiciens nés du côté de New York à cet enregistrement « live » au Storyville de Boston le 28 octobre 1951. Ce club avait été fondé par George Wein futur organisateur du festival de Newport à l’image des festivals dont le point de départ se trouve en France. « Storyville allait accueillir la plupart des grands musiciens du temps dont Charlie Parker. Wein a eu l’idée de permettre de les enregistrer. Ce fut le rôle des labels indépendants dont « Roost » pour les faces gravées par Stan. Elles restent inouïes encore aujourd’hui. Peut-être, c’est l’hypothèse d’Alain Tercinet, parce que le génie de Getz reste balbutiant, et cette hésitation rend l’invention du saxophoniste, en compagnie du guitariste superbe et l’un des premiers beboppers sur cet instrument, Jimmy Raney et du batteur « Tiny » Kahn qui nous quittera à 28 ans. Al Haig au piano et Teddy Kotick à la basse viennent apporter leur science pour faire de ce moment, un moment d’éternité. Aujourd’hui encore, y risquer une oreille c’est tomber sous le charme. Continuer la lecture →
Cette année est une année exceptionnelle. L’année du changement. Celui là est minuscule. Il faut savoir s’en contenter.
J’ai donc prévu une 11e séance pour 2015. Une séance de synthèse de l’année – ou des années, je ne sais pas encore, ce sera la surprise – écoulée, sur les villes du jazz.
Cette année, nous sommes passés de Kansas City (Missouri) à Philadelphie et pour terminer sur l’ancienne ville de l’aciérie, Pittsburgh – avec un « h » pour faire original, les Américains ne pratiquent pas le « h » à la fin, une tradition anglaise par contre – et rencontrer Zeus lui-même personnifié en Art Blakey…
Toutes ces villes se rencontre à New York pour fusionner dans ce creuset superbe.
Revisiter les saxophonistes, les vocalistes, les batteurs, les bassistes, les pianistes… pour entendre un son d’époque et un son de ville…
Pour faire la soudure – curieux terme – avec l’an prochain – je voudrais m’arrêter à Saint Louis, aussi dans le Missouri, pour aborder un de ces grands de la trompette un peu ignoré et qui vient de nous quitter à un âge canonique, Clark Terry. Il faut brièvement un des profs de Miles Davis. Ils sont nés tous les deux dans cette ville…
Clark Terry, ci-après pour un thème de Thelonious Monk, « Well You needn’t » – un beau titre et une histoire (tous les thèmes de Monk ont une histoire ou, mieux, une philosophie). Extrait d’un album, « One foot in the gutter », un pied dans le caniveau – si vous voyez ce qu’il veut dire -, sous la direction du batteur Dave Bailey, enregistré en 1960.
Le personnel et La pochette
Dave Bailey – drums
Clark Terry – trumpet, flugelhorn
Curtis Fuller – trombone
Junior Cook – tenor saxophone
Horace Parlan – piano
Peck Morrison – bass
Une partie d’entre eux nous les avons rencontré au fur et à mesure de nos pérégrinations, Curtis Fuller à Detroit, Horace Parlan…
Je vous donne rendez-vous au Café Mancel, comme d’habitude, de 18h à 19h30
Après une longue période de disette pour les analyses économiques, nous nous retrouvons au Panta Théâtre le mardi 28 avril.
Le thème sera celui traité par toute la presse (économique s’entend), soit « Les signes de reprise de l’économie ». Les patrons ne broient plus du noir, seulement du gris, les consommateurs recommencent à acheter et cette consommation des ménages « tirerait » – pour employer la langue des statisticiens – la croissance.
La dernière Note de Conjoncture de l’INSEE, parue début avril, prévoit 1,1% de croissance pour le premier semestre 2015 – en rythme annuel. Avec des aléas s »importance dont le moindre n’est pas l’avenir de la Grèce dans la zone euro…
Un oubli d’importance parce que cet élément n’entre pas dans les modèles, le système financier et la politique monétaire de la BCE.
L’analyse de la conjoncture a trois outils qui proviennent directement de la comptabilité nationale. Une comptabilité à partie double, d’un côté les ressources – le PIB + les importations, soit le résultat des ventes sur le marché intérieur français -, de l’autre les emplois – la consommation des ménages, l’investissement et particulièrement l’investissement des entreprises, et les exportations. Pour équilibrer le tout on ajoute les variations de stock.
La croissance, soit l’augmentation du PIB, est tirés donc par ces trois emplois. Il faut y ajouter la politique du gouvernement qui est soit contra cyclique soit pro cyclique.
La possibilité de la crise financière et ses conséquences sur la croissance n’est pas envisagée. Elle est rangée dans les aléas…
L’INSEE prévoit donc une timide augmentation de la consommation des ménages – après une quasi stagnation en 2014 -, une hausse des exportations due à la baisse importante de l’euro (qui a tendance à renchérir les importations) et à la chute des cours du pétrole de l’ordre de 60%, avec une difficulté, la définition du prix dit d’équilibre – une invention des économistes néo-classiques -, autrement un prix stable. Les auteurs de la note n’avaient pas tort. le prix du baril remonte ces derniers temps, limitant la chute du prix.
Petite parenthèse. la remonté du cours de baril du pétrole permet à la Russie de connaitre une moindre récession…
Cette baisse du prix du pétrole, comme les auteurs de la Note le soulignent, favorise plus l’augmentation des profits. Ces profits ne servent pas à financer des investissements productifs mais à hausser les dividendes des actionnaires – des fonds de pension, des fonds d’investissement présents au capital des grandes entreprises françaises, celles du CAC 40 notamment – et à racheter les actions de sa propre entreprise. Une sorte de destruction de capital. Une marque ce capitalisme en fin de course. Une action totalement improductive qui ne sert qu’à rendre plus riches les déjà riches. Cependant que la baisse du coût du travail reste toujours la seule variable d’ajustement.
Sans la hausse des investissements productifs, la croissance ne sera pas pérenne.
Dans le même temps, la BCE a décidé de créer 60 milliards d’euros par mois pour intervenir sur les marchés financiers. Les liquidités vont affluer dans les institutions financières. Pour permettre, par la hausse des crédits à l’économie, de financer de nouveaux investissements ? Que nenni! L’effet sera de « booster » la spéculation qui bat déjà son plein…
Il faut lire la démonstration de Steve Keen dans « L’imposture économique » (Éditions de l’Atelier) à propos de la politique de Q/E – Quantitative Easing – de Ben Bernanke lorsqu’il était à la tête de la FED. Cette politique a favorisé les banques mais pas la croissance. Le plus simple dit Keen, dans son modèle d’économie monétaire, donner directement cette création monétaire aux ménages pour augmenter le marché final…
La politique de la BCE est pire encore puisqu’elle rachète sur le marché secondaire. Aucun effet sur la croissance…
Les « signes de reprise » ne sont que des signes…
L’effervescence des marchés financiers – boursiers en particulier – doit être appréciée comme les prémisses d’une future crise financière…
L’incertitude règne en maîtresse d’un monde qui ne pense que par le biais des théories néo classique (libérales) et des politiques d’austérité. Une absurdité en fonction du contexte. Qui ne rebute pas les patrons. L’organisation patronale allemande réclame que Merkel arrête de favoriser mes salariés… Les patrons allemands valent bien les patrons français…
Nous avons comme toujours du pain sur la planche.
Elmore Leonard (1925 – 2013) est l’un des grands auteurs de ces romans « noirs » ou « polars » qui marquent le 20e siècle de leurs pointes acérées. Il a trouvé son style, – et ce ne fut pas en un un jour – et il est devenu Elmore Leonard, « Dutch » pour tout le monde. Il a fallu qu’il comprenne l’art de l’épuration, de la simplicité pour accéder au rang de « maître à écrire ». Il fait avancer l’histoire par des dialogues qui dressent la silhouette des personnages. Il donne l’impression du langage parlé, particulièrement celui de sa ville d’origine, Detroit, soumise aux restructurations dues à la crise de l’automobile. Dés la récession de 1980-82, elle se délite par les fermetures d’entreprises, le chômage massif, l’appauvrissement de ces citadins. Dans le même temps, des quartiers entiers sont laissés pour compte où la nature « reprend ses droits ». Pour résister la ville s’endette…pour arriver à la faillite d’aujourd’hui et une volonté de re construction en détruisant les anciens quartiers. Dommage que « Dutch » nous ait quitté, il aurait trouvé là, avec son compère essentiel Gregg Sutter, qualifié de documentaliste, de quoi nourrir ses intrigues. Continuer la lecture →
Pour les non initié(e)s au jazz – il paraît qu’il en existe encore, j’ai du mal à le croire – une section rythmique sonne bizarrement. Pourquoi nommer « section » ce qui se réduit à un trio ou à un quartet, soit guitare (g)/basse (b)/batterie (dr) – le piano peut remplacer la guitare quelques fois – ou piano/basse/guitare/batterie ? Pour une raison historique pour conserver la mémoire d’un moment du jazz, le temps où les big bands régnaient en maîtres, soit les années 1930, seule période où le jazz était populaire.
Fletcher Henderson – dit « Smack », ancien ingénieur chimiste -, présenté comme le créateur du big band de jazz, avait pensé, dans ses arrangements et ce dés 1924-25 avec l’arrivée de Louis Armstrong dans son orchestre basé à New York (Harlem serait plus juste), l’ensemble de 13 musicien(ne)s comme composé de sous-ensembles qui devaient réagir les uns par rapport aux autres pour faire vivre les Questions/Réponses (Call/Response) hérités de la tradition du gospel et du blues. Il a donc construit les sections : Trompettes (3 en général conduit par le leader du sous-ensemble, un premier trompette), Trombones (1 ou 2), saxes (2 altos ou clarinette, 2 ténors, 1 baryton) et, par extension et par analogie la section rythmique. Une construction qui tient du concept, d’une sorte de philosophie du grand orchestre et de ses déterminations. Une dénomination qui vient de loin et laisse des traces. Aujourd’hui, tout trio ou quartet qui accompagne chanteurs, chanteuses, musiciens accède au statut de section rythmique… Continuer la lecture →
Je vous rappelle que avons rendez-vous le mercredi 22 avril à 18h pour une présentation de JSP, Jazz Sous les Pommiers, qui cette années commencera le vendredi 8 mai – un jour férié – et se terminera le samedi 16 mai. De quoi parcourir une partie des jazz (et de quelques autres musiques comme dans beaucoup de festivals désormais).
Comme tous les ans, je donnerai une conférence vendredi 15 mai à 15h30 aux Unelles, salle de conférence avec comme thème les 70 ans de la Libération de Paris et l’arrivée du bebop en France en même temps que celui qui allait devenir une grande vedette de la variété française, Sidney Bechet. Avec ce dernier, « on » avait déjà cassé l’Olympia… Malheureusement, ça ne sera pas la dernière fois…
Voir aussi l’article sur ce même site sur JSP. Pour commencer…
Au Café Mancel d’abord ce mercredi à 18 heures comme d’habitude.
Nicolas.
La légende de 74 ans sera Pharoah Sanders, né à Little Rock et qui a commencé comme saxophoniste dans les orchestres de R n’ B pour rejoindre Sun Ra qui lui donnera son surnom « Pharoah » et ensuite participer aux dernières envolées de John Coltrane. Carrière de leader de groupes ensuite dont un album avec Kenny Garrett, saxo alto lui aussi présent à JSP…
C’est toujours une bonne nouvelle une vocaliste qui veut, à son tour, marquer le paysage. C’est le cas avec Indra – un nom qui signifie, paraît-il, guerrier venu du ciel dans la mythologie hindoue -, fille du bassiste Donald Moore,1résidant au Danemark. Une sorte de trait d’union entre les continents. Une carte de visite.
Indra a décidé de se servir de toute les traditions, de toutes les cultures, du gospel, du blues et du jazz et d’autres pour tenter de se frayer une route dans ce monde encombré par ses passés recomposés comme autant de conformismes et de dogmes. La marchandise exerce ses effets, reproduire à l’identique ce qui a déjà été fait. Pour les hommes de marketing, c’est une sûreté.
Indra possède une touche de toutes ces grandes musiciennes capables d’émouvoir, de transformer des vies, de donner ce goût formidable – terrifiant et étonnant – de l’amour fou, absolu dans des mondes qui ne manque tant. C’est le drame de Billie Holiday, au-delà de sa biographie. Trop d’amour tue le monde qui se venge par ses flics et sa répression. Une femme libre, pensez donc… Continuer la lecture →
Un album qui se titre « Something close to Something », quelque chose prés de quelque chose, se veut clin d’œil. Les notes de pochette lèvent un coin du mystère. En 1991, André Jaume, saxophoniste français et créateur du label CELP, avait produit un album intitulé « Something » avec Bill Stewart à la batterie, Anthony Cox à la contrebasse, Clyde Criner au piano et le très sous estimé Joe McPhee, saxo soprano et trombone à pistons. Un album joyeux, joyeusement classé dans le « free jazz » faute d’autre case. Continuer la lecture →
Leila Olivesi, pianiste, compositeure et, un peu, chanteuse a voulu, pour cet album « Utopia », rendre hommage à Cyrano de Bergerac. Pas celui de la tirade du nez – « un pic, que dis-je un pic, une péninsule » et « les trois lettres du mot sot » – mais l’écrivain de cette science-fiction avant la lettre des Etats de l’empire du soleil et de ceux de l’empire de la lune, publiés après sa mort en 1655.
Reprendre à son compte ces mondes d’ailleurs, ces utopies – celle de Thomas More était passée par-là un siècle plus tôt – c’est faire preuve d’un sens du futur paradoxal. Elles ont beaucoup reculé ces temps-ci sous les coups de butoir du libéralisme qui fait du marché – donc de la marchandise, cette bête qui se reproduit à l’identique – le nec plus ultra de toute vision du monde. Cyrano apparaît comme un contemporain critique d’un monde qui ne sait plus où il va mais a décidé, contre toute mesure, d’y aller et vite. Peut-on représenter un gouffre ? Continuer la lecture →