Quand le jazz est là sous les pommiers
Jazz Sous les Pommiers a lieu, comme chaque année, autour du jeudi de l’Ascension. Un jeudi changeant dans ce mois de mai souvent superbe à Coutances (Manche). Cette année l’ascension vers les mondes du jazz se fera début mai. Le festival déroulera ses fastes du 4 au 11 mai.Un festival avec des à-côtés nécessaires, des spectacles pour le jeune public dont « La sieste musicale » – une invitation au rêve -, aux spectacles de rue, à la scène aux amateurs, gratuits, pour découvrir des groupes, des troupes, des orchestres, des musiciennes et des musiciens en devenir, d’autres restés amateurs. Des surprises de derrière la cathédrale qu’il ne faudrait pas bouder.
Les bénévoles, armature vitale pour le fonctionnement de la semaine, brillent par leur gentillesse et disponibilité. Il faut savoir les remercier, techniciens, chauffeurs, présents dans les salles, toujours de bon conseil, comme le personnel de la Mairie. En ces temps de réduction des crédits à la culture, il faut savoir compter avec le public qui n’a jamais fait défaut.
Le cadre est à découvrir d’autant que le mercredi 8 mai sera aussi férié. Un week-end prolongé pour, loin des tourbillons de la préparation des Jeux Olympiques – et pas seulement à Paris – trouver un havre musical chargé d’histoires.
Le festival lui-même verra défiler des stars du jazz et une légende, au sens strict. Bill Frisell, guitariste, fait partie de cette cohorte. Il sera présent le dernier samedi. Deux pianistes illustrent un jazz d’aujourd’hui avec toutes ses composantes, ses mémoires : Brad Mehldau et Fred Hersch. Jan Garbarek, saxophoniste phare de ECM – le label de Manfred Eicher -, alliant héritage de Coltrane et les traditions de l’Europe du Nord retrouvera un de ses vieux complices Trilok Gurtu et son instrument alliant caisse claire, cymbales de batterie avec les percussions indiennes, comme une rencontre de cultures bien de notre temps qui devrait être capable de conjurer tous les risques d’enfermement actuels.
Deux hommages marqueront cette 43e édition. A Claude Nougaro – une création – avec rien de moins de 20 musiciens dont André Minvielle, Thomas de Pourquery qui fut en résidence à Coutances et Marion Rampal en résidence pour trois ans. Elle propose sa propre création « Oizel + Invités ». A Nina Simone, qui vint à Coutances, par la vocaliste Kareen Guiock-Thuram qui revendique Sarah Vaughan – dont on fête le centenaire – et George Benson notamment comme influences.
Comme à l’habitude la soirée blues du mardi en concurrence sérieuse avec la création du tromboniste Robinson Khoury, deuxième artiste en résidence, qui propose de rechercher nouvelles directions dans la rencontre entre ses racines libanaises, les musiques arabes et l’électronique. Une affaire à suivre. Dimanche, le 5 mai, jour des fanfares – et des jeux – pour, en famille ou pas, venir se déhancher en rythme pour retrouver une des origines du jazz en redonnant à la rue son aura de convivialité.
Le festival n’oublie pas ses découvertes dont le saxophoniste Baptiste Herbin ici en compagnie de Nicolas Gardel ou la saxophoniste Céline Bonacina. Leila Olivesi, pianiste, Vincent Courtois violoncelliste et beaucoup d’autres permettront de forger des images dont certaines feront partie des souvenirs.
Il aura commencé le samedi 4 mai avec Addis Abeba Surf Club, un groupe français qui rappelle que le jazz éthiopien existe incarné notamment par Mulatu Astatke, saxophoniste ; André Manoukian, Harold Lopez-Nussa, le batteur Makaya McCraven à découvrir, Un panorama des musiques d’aujourd’hui avec toutes ses composantes, arméniennes et cubaines.
Nicolas Béniès
Jazz sous les Pommiers du 4 au 11 mai, jazzsouslespommiers.com
Mention spéciale
Pour le 80e anniversaire du débarquement
Le dernier samedi, le 11, une conférence, gratuite, aux Unelles à 17h30, que j’animerai, sur « 1944, le jazz débarque » en deux temps. Le jazz débarque dans nos souvenirs en forme de fête folle que fut la Libération avec la musique de Glenn Miller – « In The Mood » comme indicatif, dans l’ambiance – et les V-discs – les disques de la Victoire – transportés par les GIs, d’un jazz qui s’évanouit dans les brumes d’une époque qui s’achève. Le souvenir disait Blanchot suppose une part d’oubli. C’est le cas. L’oubli, une réaction logique des populations face à un énorme traumatisme, a jeté hors de la mémoire la période de l’Occupation. Elle fut pourtant porteuse de nouveau pour le jazz en France. Ce sera le deuxième temps : le jazz débarqué de nos mémoires… Avec illustrations musicales.
Juste avant, un orchestre de jeunes musicien.ne.s aura rendu hommage à Duke Ellington qui, pendant toute la durée de la guerre s’était produit au Carnegie Hall créant une suite, « Black, Brown and Beige », restée sans suite sauf la première partie.
Nicolas Béniès
« Le souffle de la liberté, 1944 le jazz débarque », Nicolas Béniès, réédité en poche, C&F éditions.