Jazz. Michel Portal dansant, Jean-Pierre Jullian gréant

Musique de la vie et de joie de jouer ensemble.

Michel Portal, 85 ans au moment des faits, affirme l’âge d’artères qui se refusent au vieillissement, « MP85 » a été le titre évident de cet album plein de sève. Dans les notes de pochette, il dit s’être précipité dans le studio lors, sans doute, du premier déconfinement. Si l’on ose s’en souvenir, le premier confinement nous a enfermés dans un « chez nous » devenu comme une prison. La libération est venue de la musique et de la formation de son groupe qui réunit plusieurs générations pour une musique qui puise dans toutes les musiques populaires dansantes, à commencer – c’est pourtant le dernier thème – par un chant basque, « Euskal Kantua », un duo.
Bojan Z, au piano et claviers, m’avait raconté que Portal lui avait fait découvrir les mélodies serbo-croates, de son père, qu’il avait oubliées dans le rock et le jazz. Ensemble, ils les évoquent tout en faisant la part belle à d’autres cultures pour danser sous la lune, pour faire la nique au virus, pour démontrer que la vie ni simple ni tranquille mais là simplement.
Nils Wogram sait, au trombone, avoir cette sonorité des origines du jazz pour agiter les notes, titiller ses complices et susciter des réponses. Bruno Chevillon, à la contrebasse, brasse les soubassements rythmiques tout en mélangeant ses improvisations avec les autres et en dialoguant avec le batteur/percussionniste Lander Gyselinck. Le tout sera l’album des vacances. Une grande réussite.
Nicolas Béniès
« MP85 », Michel Portal, Label Bleu/Amiens distribué par L’autre distribution

Un navire nommé Espérance
Jean-Pierre Jullian est batteur et il veut battre le cœur de l’Humanité pour construire une nouvelle route maritime, de celles qui disparaissent dans le sillage des bateaux, pour voyager dans un autre monde. Le confinement avait forcé la voie vers un monde d’après qui ne soit plus celui d’avant. Le compositeur Jean-Pierre Julian ne l’a pas oublié. Puisant aux sources des poètes, en l’occurrence le sous-Commandant Marcos – souvenez-vous du Chiapas – et d’Alvaro Mutis, poète né à Bogotá, Il alimente le navire de tous ces chants profonds enracinés dans une terre puissante pour voguer vers le ciel.
Il a constitué un sextet qu’il fait sonner quelque fois comme un orchestre symphonique, Tom Pablo Gareil au vibraphone sait évoquer les souvenirs de son instrument, de Lionel Hampton jusqu’aux percussions de Strasbourg, Lionel Garcia au saxophone alto qui sait exprimer la colère comme la mémoire du free jazz, Adrien Dennefeld au violoncelle pour explorer les possibilités de la voix et de la musique dite classique, Aurélien Besnard clarinette basse, un instrument qui sait tout faire, Guillaume Séguron à la contrebasse pour l’évocation de la rencontre du jazz et du classique, une énumération qui indique que la musique ici ne choisit pas mais intègre toutes les nuances et écoles. Le jazz est l’un de ses affluents comme d’autres.
Une suite en trois parties intitulée « Ma y Ma » – deux mamans à l’origine de cette composition puissante -, « El Sub », « Le chant des dunes » et « El Gaviero », référence directe à Mutis comme l’indique le dernier titre « Marcos et Maqroll, guetteurs d’espérance », une promesse qu’il nous faudra tenir pour aller au-delà de cet embarquement.
Larguez donc les amarres…
N.B.
« Ma y Ma », Jean-Pierre Jullian sextet, Mazeto Square