Jazz. Une chanteuse de jazz

Samara Joy, un nom prédestiné ?

Samara Joy, 21 ans au moment des faits, octobre 2020, a gagné la compétition de chant qui porte le nom de la plus grande des grandes vocalistes de jazz, Sarah Vaughan International Jazz Vocal. La victoire s’est traduite par l’enregistrement de ce premier album qui porte, en toute modestie, son nom, « Samara Joy », une joie sans contestation possible.
Samara prétend avoir découvert Sarah Vaughan tardivement en étant totalement troublé par l’interprétation d’icelle sur « Lover Man », qu’elle reprend sur cet album en lui donnant une sorte de naïveté que ce thème avait perdu. Sur cette lancée, elle a construit un album tout en mémoires non seulement de Sarah mais aussi de Billie ou de Nat « King » Cole. Mémoires qu’elle triture de sa voix d’une limpidité qui sonne étrangement en redonnant à ces « standards » une jeunesse, une promesse toujours réalisée. Continuer la lecture

Jazz. Un BBB, Big Band Britannique.


Un Big Band joue la carte Jacquard

Fallait-il être grand-breton pour avoir l’idée de consacrer une suite à la carte Jacquard ? Sans doute. La Grande-Bretagne est le berceau de la révolution industrielle et la carte Jacquard est la première forme d’automatisation du métier à tisser, une carte perforée.
Julian Siegel, saxophoniste, clarinettiste basse et compositeur, a été inspiré par les informations nombreuses, étranges et imaginatives qu’elle contient. Commissionné par le Derby, un festival de jazz, il a réuni quasiment toute la fine fleur du jazz britannique pour former un grand orchestre et perpétrer son forfait, une longue suite en trois parties donnée en 2017 – enregistrée pour l’album – « Tales from Jacquard », des contes issus du Jacquard, un titre qui décrit la musique concrète qu’il a voulue. La pochette même de l’album vient à l’appui en dessinant le titre avec les perforations de la carte. La première partie commence par évoquer le bruit du métier à tisser dans ces usines du 19e siècle. Une idée originale bien servie par l’ensemble. Continuer la lecture

Jazz : Musiques de nos temps, entre toutes les cultures et générations, Emmanuel Bex et Michael Olatuja

Le jazz sonne comme… la musique de sauvages qu’il est aussi.
Emmanuel Bex a construit un nouveau « Bex’tet », un trio qui se veut au carrefour de ses mémoires et de ses influences pour transmettre l’héritage à la génération d’aujourd’hui. « Round Rock » fait penser à Bill Haley pour une génération précédente à celle d’Emmanuel et signe la volonté de faire bouger les corps pour faire monter le sang de la révolte à la tête. L’organiste se fait ici un peu accordéoniste, un appel à d’autres souvenirs, d’autres liens qui se manifestent pour une « Marseillaise » de clôture de cet album qui s’est ouvert avec une autre « Marseillaise » pour évoquer les mannes de Django et de Stéphane Grappelli pour leurs retrouvailles après la deuxième guerre mondiale. Continuer la lecture

Jazz : du côté de chez Whirlwind (2)

Musique spirituelle

Tableau de la mère de la saophoniste

Josephine Davies, ténor et soprano saxophones, avec son trio – James Maddren, batterie, David Whitford, basse – propose une méditation à partir de la démarche Zen bien située dans le titre « Satori », l’éveil spirituel renforcé par « How Can We Wake ? », comment pouvons nous nous éveiller ? Un appel à la méditation bien dans l’air de notre temps coviné. Continuer la lecture

Whirlwind introduit le jazz au présent

Un label nécessaire : Whirlwind

Un label britannique qui veut se tourner vers les musiques actuelles un terme fourre tout -, qu’elles soient qualifiées de jazz ou non. Les frontières sont devenues très floues depuis que la musique contemporaine – Berio, Stockhausen notamment – s’est inspirée directement du jazz – du free jazz en particulier – et que le jazz, comme il était logique, s’est à son tour plongé dans la musique de notre temps. Le jazz devient un concept qui se vide d’un sens qu’il n’avait jamais défini.
Whirlwind est le label à la fois de ces rencontres mais aussi de ces interrogations. La question n’est pas de construire des cases, le jazz s’est toujours refusé à y entrer mais de comprendre les devenirs des musiques en considérant leurs racines différentes pour alimenter la création. Le jazz a longtemps été la musique de la révolution permanente. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il vit, comme toutes les autres disciplines artistiques, sur le mode de l’éclatement. Une curiosité en ce présent fortement structuré par les identités.
Le label qui tourbillonne, déstructure le hard bop, pour avancer vers une musique du présent, pour aller vers la redéfinition d’une culture encore à venir. Si l’osait, il serait question de monde d’après. Mais il faudra en juger plus tard…
Un des musiciens importants du label, un guitariste indien, Rez Abbasi, donne une nouvelle vision de la guitare électrique. Son dernier album, « Django-Shift » est, comme l’indique le titre, un hommage à Django Reinhardt mais transformé (shift) soit par le tempo, la métrique ou d’autres composantes. Django surnage, résiste au traitement et laisse encore percevoir des possibles de ses compositions. Un travail à la fois intellectuel et émotionnel, une grande réussite grâce aussi à ses deux compagnons de fortune, Neil Alexander, organ, electronics and synthesizers
Michael Sarin, drums.
Rick Simpson, pianiste, a été influencé par Radiohead et a conservé une prédilection pour la musique qui pulse sans oublier le jazz lui-même pour créer d’autres atmosphères. A l’aide d’un quintet, il revisite la musique de ce groupe : « Everything all of time : Kid revisited ». En bonne compagnie de Tori Freestone, ténor saxophone & violon, Allsopp, baritone saxophone, Dave Whitford, contrebasse et Will Glaser, drums
Plus aventureuse, plus liée aux formes du jazz des années 1960 est la musique proposée par le saxophoniste ténor Jure Pukl, un musicien qui enregistre beaucoup pour le label. Sa dernière production, « Broken Circles », cercles brisés, dit bien sa préoccupation de se référer à Coltrane tout en bridant les cycles habituels. Son quintet fait la part belle au vibraphone – Joël Ross – pour éviter toute monotonie et solliciter l’attention de l’auditeur. Charles Altura, guitare, Matt Brewer, contrebasse et Kweku Sumbry, drums font preuve de la cohésion nécessaire à la circulation des idées et donnent un contenu aux cercles brisés.
N.B.
« Django-Shift », Rez Abbasi ; « Everything all of time : Kid revisited », Rick Simpson ; « Broken Circles », Jure Pukl ; Whirlwind Records.

Le jazz interrogé.

Faire tomber les murs.
Le groupe « House of Echo » conduit par le pianiste/claviériste Enzo Carniel se veut une chambre de résonances de toutes les musiques. Le but affirmé pour ce troisième album, « Wallsdown », est de faire tomber les murs au moment où les gouvernements de chaque pays du monde n’ont qu’une seule idée en tête, en construire pour se protéger du reste du monde, des migrants en particulier. Sans comprendre que la culture ne vit que pas la confrontation avec d’autres ou par l’apport de l’Autre. Continuer la lecture

Jazz, d’un orchestre national de la lune à des histoires imaginaires en passant par le dialogue de deux percussionnistes, un menu alléchant.

Du côté des sélénites.

La lune est très visitée ces temps-ci. L’Orchestra Nazionale della Luna, en fait un quintet, fait partie des habitants habituels de notre satellite. Ils ont même la nationalité. L’album vient aussi d’une autre planète produit qu’il est par le Budapest Music Center Records qui sait résister à toutes les ambiances nauséabondes par le jazz. La référence à la « Nation » lune permet l’ouverture à toutes les influences, à toutes les danses à commencer par la musique arabo-andalouse que le quintet sait faire swinguer. Manuel Hermia, saxophoniste, flûtiste et joueur de bansun, Kari Ikonen, pianiste et utilisateur du Moog – on se souvient que cet instrument était utilisé par Sun Ra -, Sébastien Boisseau est à la contrebasse et Teun Verbruggen à la batterie savent créer ensemble sans que l’un d’entre eux prenne la tangente et s’oriente vers Mars. Cette volonté commune de faire surgir d’autres paysages, de s’enfoncer dans un cratère, de respirer un autre air et s’envoler loin de la pesanteur marque toutes les compositions. Continuer la lecture

Jazz, Whirlwind – un label indépendant -,

côté saxophonistes

Tim Armacost et le NYSQ.
Une carrière déjà bien remplie pour Tim Armacost, saxophone ténor et soprano -, né à Los Angeles et qui a créé son quartet, comme les initiales l’indiquent – NYSQ – à New York. Récompenses multiples pour ce musicien qui a commencé à se faire connaître au Japon. Il se situe, pour cet album « Sleight of Hand » – tout de passe-passe -, apparemment dans la lignée de Sonny Rollins et de toute la tradition du bop et du hard bop. Les compositions choisies en témoignent avec trop d’évidence, de « Soul Eyes » à « Lover Man » en passant par « Ask Me Now » et « I Fall In Love To Easily » ou une recréation d’un thème de Hank Mobley. Une seule composition originale due à la plume du pianiste du groupe, David Berkman… « Sleight Of Hand » qui résume la démarche de « NYSQ », faire supporter aux oreilles et au cerveau un semblant de reconnaissance pour mieux tromper la connaissance.
Le groupe est soudé – Daki Yasukagawa à la basse et Gene Jackson à la batterie complètent le quartet – et sait faire s’envoler les notes pour aller au-delà des apparences. Une sorte d’illusion dans l’illusion. Si vous ne connaissez pas, une découverte nécessaire.
Nicolas Béniès
« Sleight of Hand », NYSQ, Whirlwind Continuer la lecture