Jazz (suite) Des influences dominantes

Minimalisme et musique presque mécanique dans le jazz

Voyages

Simon Denizart, pianiste et compositeur, se veut citoyen du monde. Il a recueilli au cours de sa vie de « Nomad » – titre de son album qui peut aussi se lire No Mad », pas fou – a croisé des cultures dont il a recueilli les échos. A notre tour nous voyageons avec lui pour découvrir des paysages étranges faits de morceaux d’un puzzle qui ne sait pas que ses pièces éparses pourraient s’emboîter. Dans quel sens faut-il lire les étapes diverses qu’il propose en compagnie – une idée originale – de Elli Miller Maboungou à la calebasse, un instrument de percussion venu du flamenco. Peut-être le sens n’existe pas que ces étapes ne sont que le fil d’Ariane d’un musicien qui cherche ses racines, sa voie. Il se sert des structures du minimalisme qu’il enferre dans d’autres boucles, d’autres références. Lorsque le duo y arrive, le transport de l’énergie opère mais lorsqu’il se laisse envahir par ces cellules musicales, il perd le contrôle et l’ennui gagne.
Ce duo essaie des combinaisons pour éviter toute répétition. Les suivre ouvre la porte à d’autres imaginaires, d’autres façons d’entendre. Le jazz est bousculé, trituré, sorti de ses certitudes pour, malgré tout, survivre dans le balancement des notes.
Nicolas Béniès
« Nomad », Simon Denizart, Laborie Jazz/Idol/Socadisc

Rêves réels
Un trio classique, piano, Madeleine Cazenave – et composition -, contrebasse, Sylvain Didou et batterie, Boris Louvet pour des paysages sonores qui le sont moins, du moins s’il est question de jazz. « Rouge » est le nom que le trio s’est donné pour une citation de Michel Pastoureau, historien des couleurs, « Le rouge, c’est un océan ». Le sang aussi marque de son sceau notre monde. La mort est en embuscade, partout dans ce monde dominé par la volonté de faire du profit à tout prix. Le rouge est omniprésent. Il est aussi couleur de l’espoir lorsqu’il s’incarne dans un drapeau.
Ces trois là ont voulu distinguer la réalité qui se dissimule « Derrière les paupières », « Eyes Wide Shut » (voir le film de Kubrick) pour voir au-delà des yeux, pour aller vers des imaginaires possibles et impossibles. Les yeux grands fermés pour dessiner des contours nouveaux d’un monde à bout d’un souffle mortel.
Ils s’emparent des comptines, des chansons populaires, du jazz, de Ravel et des autres compositeurs comme Milhaud pour construire une musique originale. Là aussi le minimalisme frappe comme la musique répétitive si ces références étaient les seuls possibles. Contrebattues par une énergie vitale, ils arrivent à donner vie à ces airs étranges structurés comme un film noir.
N.B.
« Derrière les paupières », Rouge, Laborie jazz/Socadisc/Idol

Mélanges
« Cabane perchée », titre de l’album signé par le guitariste Csaba Palotaï et le percussionniste Steve Argüelles, fait d’abord penser à Tarzan et Jane, à leur maison dans les arbres. Pour les deux protagonistes, il s’agit surtout de s’élever pour regarder le monde en face et s’approcher des constellations musicales pour forger une nouvelle voie lactée. Bartok et Moondog sont leurs deux soubassements essentiels. Et la musique répétitive qu’ils habitent d’un « groove » – je ne trouve pas d’autre mot – remarquable. La répétition se perd dans leurs mémoires. Les transcriptions de Bartok deviennent des modèles de construction de rythmes divers.
Le duo évoque des univers qu’il brasse, emmêle de telle manière que la musique qu’il serve apparaît comme venu de nulle part, de partout autrement dit.
Une grande réussite.
N.B.
« Cabane perchée », Csaba Palotaï/Steve Argüelles, BMC distribution Socadisc