En passant par Chicago… Université populaire sur le jazz 2012 – 2013

Le projet de départ… qui s’étendra sur plusieurs années…

pour démarrer et vous mettre dans l’ambiance, Robert Johnson (voir plus loin pour des explications complémentaires) « Sweet Home Chicago » (1936)

Le même thème repris par les Blue Brothers dans le film éponyme de John Landis

Au départ, ce projet se proposait d’offrir une autre image du jazz en lien avec l’urbanisation spécifique des États-Unis et la place des ghettos. De plusieurs types ces ghettos. New York possédait le ghetto noir, juif, italien et quelques autres, tous des Américains à trait d’union. Chaque nationalité se regroupait pour résister, sans parler des gangs créés dans « street corner ». Chaque quartier avait sa musique. Ce qui est valable pour New York l’était pour les autres villes dans une moindre mesure.
Ces musiques circulaient d’un quartier à l’autre. George Gershwin se souvenait, et voyait là l’origine de sa musique hautement représentative de ces États-Unis des années d’entre deux guerres, que chaque quartier diffusait sa musique via les chansons entendues dans la rue – une des origines du jazz, la rue. A l’époque, peu de postes de radio, peu de moyen de lire les disques, la technique des « rouleaux » inventés par Edison coûtaient chers. La consommation de masse en était à ses balbutiements.
Gershwin parlait des débuts de ce 20e siècle et des quartiers de New York qui avait chacun leurs spécificités culturelles. Le « melting pot » ressemblait à un mauvais collage. Le terme, issu du théâtre yiddish était, au départ, péjorativement ironique. Il est désormais chargé de positivité exprimant l’idéologie de l’intégration chère aux Étasuniens. Idéologie, l’intégration des Africains-Américains, malgré un président noir, n’est toujours pas réalisée. Celle des Juifs et des Italiens est passée par les gangs et le jazz…

Plus largement, je voulais explorer les villes du jazz. Je n’avais pas vu l’ampleur de la tâche, ni les nécessités de faire entendre musique et musicien(ne)s, parler de ces romanciers qui ont su illustrer leur ville et parler du jazz.

il s’agissait donc de visiter les villes du jazz, aux États-Unis pour laisser la place, plus tard, aux autres villes. Paris, en particulier… En cours de route, le projet a évolué…

Si j’ai voulu commencer par Chicago, c’est parce que j’en Chicagorevenais au début de cette année. Un motif certes légitime mais pas suffisant. Au fur et à mesure des séminaires, je me suis aperçu que Chicago, plus que New York, était la Ville du jazz et du blues « typiquement » américain. Je risque l’hypothèse que c’est une des villes-creuset de la formation de la culture américaine, étatsunienne, une ville clé. Ses créations architecturales en font une des villes références en cette matière. Les gratte ciels – skyscrapers – comme autant de pénis survoltés ont projeté leur semence dans tout le pays et au-delà.

Il n’est pas étonnant que le blues électrique de la fin de la seconde guerre mondiale ait trouvé là, dans ses ghettos, son aliment principal comme le bruit de ses usines ou de son train – difficile de parler d’un métro surtout lorsque l’image que nous avons est celle du métro parisien… Ci-après Buddy Guy, un des grands bluesman de Chicago qui narre la première fois qu’il a rencontré le blues…

Il faut voir le film de John Landis, « Blue Brothers », pour avoir une idée de la ville. La chambre qu’ils habitent est située juste à côté du métro, le Chicago Transit Authority – CTA – qui sera approprié par le groupe de rock, comme un hommage à la Ville mais aussi à ses bruits industriels. In avait oublié que tout un pan de la musique des débuts du 20e siècle reproduisait les sons de l’usine, avec que qu’ils ont de stridence. Le blues, sans référence à cette musique, s’est servi lui aussi de ses sons pour construire un blues plus électrique, dés le début des années 1940 et… à Chicago.

Cette année, en conséquence, je nous ai fait rester à Chicago, sans épuiser toutes ses réalisations et possibilités .Elle dévoile la perte de puissance des États-Unis. Son industrie est chancelante, les services publics sont déliquescents, ses infrastructures à revoir, chômage et pauvreté sont visibles et, last but not least, l’Église de scientologie possède un bel immeuble avec pignon sur rue, juste à côté de la rivière. Sur le terrain de l’architecture, Chicago fut une ville pionnière avec Franck Lloyd Wright notamment. Elle a influencé tous les architectes du monde entier. Ses gratte ciels, ceux de Louis Sullivan en particulier ont été copiés. Aujourd’hui, beaucoup – trop ! – d’hommages sont rendus à ces pionniers sans présenter une relève. Le champ des possibles semble se conjuguer au passé. Ce n’est pas spécifique à Chicago, mais…

Difficile tout de même de sortir de cette ville spécifiquement américaine et qui joue un grand rôle dans le développement du blues et du jazz. Chaque fois que je me suis posé la question de l’abandonner pour redescendre vers le Sud (vers la Louisiane et la Nouvelle-Orléans et ce n’était pas l’envie qui m’en manquait pour parler de ces écrivains du Sud qui structurent la mémoire de ces États-Unis à commencer par Faulkner) ou remonter vers le Nord (New York, cette ville qui n’est américaine mais véritablement cosmopolite, une Ville qui n’appartient qu’à elle-même, une Ville où forcément chacun(e) se sent chez soi, sensation bizarre qui vous envahit dés la première visite, ville où le jazz allait grandir, partant du ghetto noir de Harlem) ou l’ouest (pour figurer les États-Unis via les deux Kansas City séparé par la rivière Kansas, l’un au Kansas, l’autre au Missouri devenue, cette dernière, la ville de tous les trafics dans les années 30 lui permettant d’échapper à la dépression, attirant de ce fait tous les musiciens en quête d’engagements, une ville creuset qui verra naître, en 1920, Charlie Parker), un(e) musicien-ne m’empêchait de partir comme la nécessité de parler d’un romancier, d’un auteur de polar ou d’autre chose, de sociologie par exemple.

En 1937, Benny Goodman, un enfant de la ville, lui rendait hommage, « Chicago », la raconte. Les paroles (« lyrics ») racontent la naissance de la ville, ses prédicateurs dont un ancien joueur de base-ball, ses constructions.

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Deux premiers polars.

Le polar, chronique de notre temps.

Deux premiers romans qui font date. Attica1 Locke, dans « Marée noire », raconte le racisme ordinaire de Houston (Texas) et les désillusions de toute une génération qui s’était battue pour le « Black Power », terme qui faisait peur à Martin Luther King – lire la biographie que lui consacre Alain Foix, Folio biographies, même s’il rajoute un peu trop de pathos pour une biographie – comme pour les droits civiques. Noirs et Blancs ensemble pour une même cause. La révolution pouvait venir de là. Un nouveau monde pouvait naître. Continuer la lecture

Polar versus policier

Un polar nécessaire.

Houston (Texas) et son univers impitoyable est la toile de fonds de ce polar plus sociologique et politique que ne le donne à lire ce titre, « Marée noire », un peu trop en référence à nos plages polluées par les déversements des immondices des pétroliers ou par les naufrages de tankers.

Houston, tout comme Dallas, est une ville organisée autour du pétrole et des magnats de cette industrie qui font la pluie et le beau temps. Une ville qui, comme la Nouvelle-Orléans, a des bayous navigables et, comme toutes les autres villes de ces États-Unis, un ghetto noir. Continuer la lecture

Polar, Avant-première

Cavale, le vieux monde te rattrapera…

L’intrigue n’est pas nouvelle. Elle est même éculée. Un homme de main est envoyé par son patron chez un syndicaliste pour lui faire peur. Sans arme a-t-il dit. Méfiant, Roy Cady – c’est son nom – prend ses précautions. Bien lui en prend. Il trouve là une jeune prostituée à l’histoire compliquée et qui ment pour se sauver. La cavale commence qui va de la Nouvelle-Orléans au Texas. « Galveston », une bourgade de cet Etat, sert de titre à Nic Pizzolatto pour situer son propos : des histoires de famille dans ces petites villes où divorces et remariages créent des groupes étranges dans lesquels sexe, violence et haines vont bon train. Continuer la lecture

Quand les cultures se heurtent

Rencontres étranges, polar, vaudou et… Miami.

Nick Stone tient à la fois de son père, historien, et de sa mère, descendante d’une des plus anciennes familles d’Haïti. Dans ce mouvement d’appropriation de traditions pour les rendre vivantes, pour les faire siennes, Miami, la ville de Floride, tient un rôle central. Ville de corruption, de réfugiés cubains et haïtiens, à quelques 150 kilomètres de Cuba, est un centre du trafic de drogues. Le dollar corrompt tout et absolument. Une ville qui se trouve aussi dans « Ils vivent la nuit » de Dennis Lehane. Continuer la lecture

Le coin du polar, mars 2013

Un sauvage qui ne l’est pas…

Comment s’appeler « Sauvage » lorsque le but est de glander le plus possible loin des enquêtes de terrain ? Élisa Vix a voulu jouer de l’oxymore pour faire sourire tout en construisant une intrigue qui oblige le lecteur(e) à poursuivre les investigations malgré cette figure de « détective » qui repousse au loin toute possibilité d’identification. Un peu « macho », un peu fainéant, un peu « mauvais père », un peu compassionnel et pas plus sympathique pour autant. Un inspecteur « normal », un peu trop. Continuer la lecture

Un polar saissisant

Quand un roman noir d’anticipation percute l’actualité de la guerre.

Le titre, « Un escalier de sable », m’avait laissé rêveur. C’est sans doute pour cette (mauvaise) raison que je l’avais laissé de côté. Par hasard, je l’ai retrouvé. Il était enfoui sous une masse d’autres livres plus récents et se trouvait abandonné. Marché sur une pile de livres ressemble à un escalier de sable impossible à franchir. Un escalier en forme de mirage… Continuer la lecture

Le coin du polar (2)

Lyon, 1920.

La première guerre mondiale a laissé des traces. La grippe espagnole aussi qui aurait autant de morts que la Grande Boucherie. La France se réveille du cauchemar. Un cauchemar qui n’en finit pas de renaître sous des cendres chaudes. La guerre a permis aussi des découvertes médicales et scientifiques.

A Lyon, dans ces années 20, une série de crimes visent des femmes âgées atrocement violentées par un objet non déterminé. Les vieilles familles lyonnaises du textile gardent jalousement leurs secrets à l’image des vieilles familles britanniques ou américaines qui font le bonheur de toutes les histoires de roman à clés.

Odile Bouhier, dans ce climat d’après guerre lyonnais présente une double figure de « détectives privés », un commissaire, Victor Kolvair et un scientifique, Hugo Salacan, créateur de cette « police scientifique » qui prendra le relais des fameuses « brigades du Tigre » – créées bien sur par Clemenceau – pour alimenter des enquêtes reposant sur des constations objectives pour éviter les aveux obtenus par des procédés plus ou moins légaux. Il fallait un troisième personnage, incarnation des cauchemars de la guerre, pour parfaire les intrigues. Continuer la lecture

Le coin du polar.

 

Une (re)lecture réjouissante.

Tous et toutes les amateur(e)s de polar connaissent Dashiell Hammett (1894 – 1961), les autres ont sûrement vus « Le faucon maltais », de John Huston, dans lequel Humphrey Bogart donne un visage – en forme de « v », c’est de cette façon que le décrit allusivement Hammett – à Sam Spade, un nom étrange pour un détective privé qui ne l’est pas moins. Dashiell – ce nom lui vient de sa mère et de ses ancêtres français, son premier prénom fut… Sam – a une place de premier plan dans la littérature américaine et mondiale. Il a créé un genre, dans les années 1920-30, le polar « hard-boiled », « dur à cuire » pour des intrigues qui refusent toute solution provenant de la seule logique. Refus d’un roman policier type Agatha Christie et de son détective belge, Hercule Poirot qui pense pouvoir résoudre tous les meurtres « en chambre » armé de « ses petites cellules grises ». La littérature descend dans la rue, elle se heurte à toutes les réalités des forces sociales en présence, des intérêts politiques, économiques et au pouvoir. Continuer la lecture