Regards sur les États-Unis, autobiographie de Maya Angelou et le reste

Vivre ! Libre !

Maya Angelou, née Marguerite Johnson dans une bourgade du Sud des États-Unis, vit, dans ce troisième tome de son autobiographie romancée – les souvenirs sont un roman -, dans la grande ville de la Côte Ouest San Francisco. Le titre, traduction littérale de l’original, fait défiler le programme de cette jeune femme, mère célibataire, dans le début des années cinquante – elle a moins de trente ans à la fin du périple – « Chanter, swinguer, faire la bringue comme à Noël ». Un un laps de temps raccourci, elle se marie, se sépare d’un conjoint qui veut la confiner au statut de ménagère, devient disquaire, chanteuse, danseuse et, pour finir, est engagée dans l’opéra « Porgy and Bess » pour une tournée mondiale qui l’éloigne de son fils malade de l’absence de sa mère. Elle culpabilise forcément… . Toutes ces aventures, ces rencontres baignent dans Ia tonalité de la jeunesse, bien rendu par la traductrice Sika Fakambi. Continuer la lecture

Idées cadeaux Musique. Le Patrimoine revisité.

Qui se souvient de Christian Chevallier ?
Arrangeur, compositeur, chef d’orchestre. Salué par l’Académie du Jazz le coffret Frémeaux et Associés qui lui est consacré décoiffe. D’abord parce qu’il reprend la musique du film de Melville, « Deux hommes dans Manhattan » – mystique des films noirs, comme ont uniquement en Français -, avec Martial Solal au piano, ensuite parce qu’il présente les orchestres qu’il a dirigés, enfin parce qu’il donne à Christian la place qui est la sienne. Indispensable.
N.B.
« « Deux hommes dans Manhattan », suivi de l’intégrale Christian Chevallier, le prince du jazz français 1955-1962 », coffret de trois CD, livret de Olivier Julien, Frémeaux et associés

Tout le monde connaît Quincy Jones !
Il fallait bien à la fois se souvenir qu’il fut un chef d’orchestre de jazz, arrangeur, compositeur, qu’il étudia avec Nadia Boulanger et forma un orchestre avec Eddie Barclay. Frémeaux propose de reprendre ses premiers albums sous son nom de 1957 à 1962 en 4 CD – soit l’équivalent de 8 albums et quelques reprises de ses années suédoises en 1953 – pour s’alimenter de ce temps où tout semblait possible. Il faut découvrir aussi les musiciens, musiciennes – la tromboniste Melba Liston, la pianiste Patti Bown – qui forment une cohorte joyeuse et soudée.
N.B.
« Intégrale Quincy Jones, 1957-1962, Soul Bossa Nova », coffret de 4 CD, livret de Olivier Julien, Frémeaux et associés.

Musiques, Pierre Schaeffer et une fantaisie de toutes les musiques

Passages du sonore au musical

Musique concrète ou musique acousmatique – emprunté à Pythagore pour perception auditive – a été marquée par le travail de Pierre Schaeffer au sein de la Radiodiffusion française qui invente cette nouvelle forme d’expression artistique. Un travail sur l’enregistrement puis sur toutes les techniques comme sur les bruits « naturels », une porte qui grince par exemple. Il sera rejoint par Pierre Henry et s’ouvrira à d’autres compositeurs comme Xenakis. Un double CD pour rendre compte de ces recherches qui ont permis de faire surgir d’autres manières de jouer avec les bruits et l’électronique.
NB
« Pierre Schaeffer & Pierre Henry Musique concrète 1956-1962 », livret de Olivier Julien, Frémeaux et associés

Fantaisie jules vernienne
Un groupe qui manie l’oxymore, « Free Human Zoo » – soit le Zoo des humains libres -, a quelque chose à dire de notre monde qui a tendance à délaisser la liberté tout comme l’égalité et la fraternité. Inspirée de Jules Verne et de « Vendredi » de Michel Fournier se déploie une nouvelle île mystérieuse – « The Mysterious Island. Gilles Le Rest, batterie, percu, compositeur et parolier associe musique et contes, références et hommages, toutes les cultures, tous les sons pour construire un récit d’un monde qui naît, vit et s’écroule. Une fable sur la crise climatique, sur un monde en train de disparaître.
NB
« The Mysterious Island », Free Human Zoo, ODUSSEIA/ L’Autre Distribution

Le temps des coffrets.

Les festivals s’essaient à vivre. Le variant actuel devrait, de nouveau, provoquer des règles quelques fois mortelles pour des manifestations en reconquête d’un public. Les clubs de jazz parisiens, le Sunset, le Sunside, envisagent des initiatives mais pour l’instant c’est plutôt l’attente. Il nous faut donc puiser dans d’autres ressources, (re)découvrir notre passé à l’occasion des anniversaires par exemple. Continuer la lecture

Pour Claude Bolling

Prince des alliances et du jazz français.

Claude Bolling s’est fait connaître – comme Michel Legrand – par ses musiques de film à commencer par Borsalino en dosant les souvenirs des années 1920-1930 avec la musique dite classique et les jazz plus modernes. Portrait d’un coloriste et arrangeur.
Il gardait les oreilles grandes ouvertes tout en servant le propos du réalisateur. Il avait été aussi sollicité pour illustrer les séries télévisées françaises comme, la plus connue, Les Brigades du tigre. Condensées d’évocations diverses pour retrouver un climat qui donne au public la sensation d’être transporté dans un ailleurs connu sans être reconnu. Le paysage sonore est un élément essentiel pour donner aux images sonores la profondeur qui s’impose. La leçon de Gershwin n’avait pas été oubliée : le spectateur doit pouvoir siffler la mélodie, condition essentielle du succès. Continuer la lecture

PATRIMOINE : Dario Moreno

La chanson française à l’heure des rythmes latins

Les années 1950, en France et aux États-Unis notamment se verront submerger par les rythmes afro-cubains et par les danses comme la rhumba, le cha-cha, le calypso, la samba… Il sera question d’orchestres typiques pour qualifier cette vogue en France. Un chanteur personnifie la folie de ère : Dario Moreno. La chanson qui fera de lui une star, « Si tu vas à Rio » reste à jamais l’emblème de l’époque. De temps en temps, la mémoire de ces musiques, de ces danses refait surface et c’est reparti pour la grande fête du corps. Continuer la lecture

Patrimoine : le fêtard à gros cigare

Barclay et la révolution technologique de l’après seconde guerre mondiale.

Paris et la France découvrent, en même temps quasiment que les États-Unis par l’effet d’une grève des enregistrements de 1942 à 1944 – le « Petrillo ban » – la nouvelle révolution du jazz, le be-bop. Charles Delaunay qui reçoit au siège de Jazz Hot les premiers enregistrements de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker sur le label « Guild » sait que le jazz d’aujourd’hui (1945) est là. La controverse sur le be-bop sera une des origines de la scission du Hot Club de France.
Il fallait trouver les moyens de diffuser cette révolution. Delaunay le fera via son label, « Swing » – puis Vogue pour éviter les procès avec Hugues Panassié – mais il ne sera pas le seul.
Un pianiste de bar, Édouard Ruault bouleversé par le jazz, se lance dans la reprise d’enregistrements venant des États-Unis, sous le label « Blue Star ». Pas toujours de grande qualité , ces disques mettent à la disposition du public français les parutions américaines. A l’époque, les relations commerciales entre la France et les États-Unis sont encore marquées pat la guerre et, pour l’industrie phonographique par la grève. Comme disait Boris Vian pour signifier la qualité médiocre des reproductions et l’absence de concurrence « Mieux vaut Blue Star que jamais ».
Comme souvent en cette période – le film de Jacques Becker, « Rendez-vous de juillet », le montre bien – le Édouard livre les disquaire à vélo. Ce sera le début d’une aventure qui durera jusqu’à sa mort. Des débuts de la fortune à la ruine. Un itinéraire d’un enfant du siècle, du jazz au yéyé en passant par la grande chanson française. Édouard sera plus connu sous le nom d’Eddie Barclay.
J’en entends qui se récrie. Eddie Barclay, l’homme à femmes, en costume blanc, un verre de whisky à la main, un gros cigare à la bouche, rigolard, conviant toute la jet set à Saint-Trop ferait partie de notre patrimoine ? Que Nenni ! Pourtant… Continuer la lecture

Notre Patrimoine : les cultures créoles

Les années 1930, en France et leur pulsation

Se souvient-on que la culture française s’est alimentée de bien des façons des cultures créoles ? La langue comme le soulignait Aimé Césaire mais, pour le Paris des années 1920-30, la musique avec, notamment, le clarinettiste martiniquais Alexandre Stellio (1885-1939), créateur de la Biguine. S’appeler pour l’état civil Alexandre Fructueux ne pouvait qu’être le prémisse d’une vie orientée vers le don de soi en construisant une musique du bonheur et de la transe.
Le coffret de 4 CD publié par Frémeaux et associés permet de retrouver les filiations des musiques actuelles. L’influence des cultures antillaises a longtemps été sous-estimée dans les affluents du jazz, notamment en France. Pourtant, longtemps « La Cigale » a été le temple de ces musiques. Elle a permis de faire naître un genre particulier qui inondera les années 50 et les débuts de la décennie d’après, les orchestres typiques comme les chanteurs qui utilisent cette veine, comme Dario Moreno par exemple. Aux États-Unis, après la deuxième guerre mondiale, le be-bop fusionnera avec les rythmes afro-cubains.
Stellio est une des grandes voix de la musique antillaise. Quelque chose de son art se retrouve chez Alain Jean-Marie, pianiste étonnant qui ne renie aucune de ses origines, la biguine comme le be-bop.
Stellio a un autre effet. Il fait, encore aujourd’hui, bouger les corps. Danser au son de cette musique éternelle est un des moyens d’écouter le murmure du temps. Il faut se plonger, corps et âme dans ces enregistrements.
Pour faire œuvre de patrimoine, il fallait aussi remettre Stellio dans son époque et rendre compte de sa présence, de son importance. Des témoignages sont donc inclus pour faire revivre le clarinettiste.

NB
« Stellio, l’étoile de la musique créole, 1932-1938 », coffret de 4 CD, Frémeaux et associés.  

Jazz : Deux concerts, « Pour ceux qui aiment le jazz », Olympia, Paris 1961 et 1962

Le 14 mars 1961, Quincy Jones, – « Q » pour la suite, surnom que lui avait donné Frank Sinatra – est à Paris. Un lieu de prédilection et de renouveau pour le jeune chef d’orchestre de 28 ans. En 1960, il avait déjà suscité l’admiration de tous les partisans du Big Band. Il avait créé un grand orchestre dont l’album « Birth Of A Band » témoignait.
A l’Olympia, ce jour là – comme d’habitude à 18 heures et minuit pour laisser la place au programme habituel du lieu -, Quincy tentait d’oublier ses ennuis américains. Il était ruiné, devait beaucoup d’argent et, pour lui, tout allait mal. Il le racontera dans on autobiographie.
L’orchestre formé en 1960, le moment de la naissance de l’orchestre – « The Birth of A Band » était le titre de l’album – avait quelques vedettes déjà confirmées comme Clark Terry, trompettiste, Al Cohn et Zoot Sims aux saxophones. En 1961, les jeunes pousses sont remarquables. A commencer par Freddie Hubbard, 23 ans, trompettiste déjà renommé. Dés son arrivée à New York – il est né à Indianapolis – il fait sensation. Son premier album pour Blue Note, « Open Sesame » est un grand album. Freddie a été choisi par Oliver Nelson, saxophoniste et arrangeur, pour l’enregistrement de « The Blues and the Abstract Truth », un album Impulse, mélange de blues et de musique atonale proche de la dodécaphonie, aux côtés de Bill Evans, Eric Dolphy. Roy Haynes et Paul Chambers. Oliver Nelson sait réaliser ce type de synthèse sans brusquer l’auditeur, par glissements successifs, pour amener l’auditeur à douter de la structure du blues. Un des albums clés du début des années 1960, années révolutionnaires s’il en fût. Le thème d’ouverture de cet album illustre bravement l’orientation contenue dans le titre, le blues et la vérité abstraite, – traduction littérale -, « Stolen Moments », moments volés, superbe élucubration sur le blues mêlé à l’atonalité. Quincy en propose une version personnelle, pleine d’humour lorsqu’on connaît l’original, tout en laissant le champ libre à Hubbard qui n’hésite pas à se citer, un moyen de reconnaissance sans douter pour lui de manière à ne pas se perdre dans l’environnement créé par Quincy. L’improvisation de Eric Dixon – saxophoniste qui fait partie de l’orchestre de Count Basie, que « Q » connaît bien – laisse percer la préférence pour le blues, balancé par le souvenir des études de « Q » avec Nadia Boulanger. Alliance superbe qui permet d’entrevoir d’autres chemins, d’autres moments retrouvés. Continuer la lecture

Spécial Michel Legrand

Histoire de génération(s)

Michel Legrand fait partie de notre paysage musical, à la fois auteur de musiques de films, pianiste de jazz, chanteur, arrangeur, chef d’orchestre, accompagnateur, auteur de succès inaltérables qui restent dans les mémoires de toutes les générations, autant françaises qu’américaines. Il nous a quittés le 26 janvier 2019. Il n’a, sans doute, pas voulu voir la pandémie et la Covid19. Comme on le comprend !
Lui consacrer un coffret de 10 CD, une sorte de tome 1 couvrant les années 1953 – il a 21 ans – à 1962, permet de (se) rendre compte de sa palette mais aussi des changements effectués à la fois dans la musique et dans la société. « Le monde musical de Michel Legrand » est le titre générique de ce travail de mémoire qui reprend, presque chronologiquement, les enregistrements qu’il a signés dans ces années. Continuer la lecture