L’Amérique latine dans la tourmente

Le Covid, révélateur de l’état du monde.

« Contagion virale, contagion économique, risques politiques en Amérique latine », titre à rallonge dont on avait perdu l’habitude, permet à Pierre Salama, spécialiste de l’Amérique latine, sa « seconde patrie », de situer les enjeux des crises actuelles pour l’ensemble des pays du monde en prenant en compte les spécificités de chacun des pays composant l’Amérique latine, Mexique, Brésil, Argentine en particulier. Au-delà des équations personnelles qu’il est nécessaire d’intégrer des traits communs apparaissent comme la montée du populisme ou la place des dogmes religieux. Jairo Bolsonaro, le président brésilien fait figure de caricature à l’instar de Trump tout en révélant des tendances lourdes, la crise politique fondamentalement qui oblige à trouver une idéologie différente qui repose sur le concept flou de « peuple ».
La pandémie a révélé une hyper-globalisation, une forme de la mondialisation qui s’est traduite par la perte de souveraineté des États au profit des firmes multinationales. La désindustrialisation, conséquence de cette structuration du monde, est sensible dans la grande majorité des pays du monde, à l’exception de la Chine devenu filiale d’atelier qui a fait sa force. Pour les grands pays centro et latino-américain, souligne l’auteur, c’est même souvent un processus de « reprimarisation » qui s’effectue, un retour vers les productions du secteur primaire, agricole, pêche, extraction de minerai… .
Le virus a dévoilé les failles béantes d’un processus de développement entravé, d’une stagnation de longue période. Les explications sont diverses et interrogent tous les modèles.
La nécessité de construire des théories du développement – un peu trop laissées de côté dans nos universités – à la fois pour envisager des sorties des crises, sanitaire, économique, financière via l’endettement, et lutter contre les risques politiques du populisme et de la montée dans les couches populaires des évangélistes.
Pierre Salama se propose d’analyser le contexte pour établir un diagnostic nécessaire, vital pour appréhender les racines de la situation actuelle. Cette connaissance du passé est fondamentale pour se projeter dans l’avenir et construire des propositions de réponse. Ainsi éviter le court-termisme pour participer à l’émergence d’un programme qui permette à tous les pays latino-américains, profondément touchés par la pandémie, de renouer avec l’espoir de sociétés moins corrompues et de politiques en faveur du plus grand nombre en luttant contre la marchandisation. Le développement des services publics, et pas seulement celui de la santé, est primordial pour réduire les inégalités, promouvoir les biens communs et satisfaire les besoins fondamentaux des populations.
Nicolas Béniès
« Contagion virale, contagion économique, risques politiques en Amérique latine », Pierre Salama, Éditions du Croquant, 168 p.

Lutter contre les inégalités ?

Un essai de Walter Scheidel.

Il est de bon ton de rendre hommage, dans la lutte contre les inégalités, à la civilisation ou le sens de l’histoire suivant les idéologies, lesquelles idéologies sonnent un peu ringardes dans un monde qui ne sait plus la signification du concept de progrès. La confusion est grande entre l’idéologie du progrès, sous la forme actuelle de la nécessité du changement sans contenu et le progrès lui même, la notion de révolution, de changement fondamental.
Au-delà des constructions métaphysiques, les luttes sociales, la guerre expliquent largement les avancées sociales de la fin de la seconde guerre mondiale et la construction de l’État-providence. Allégrement et avec une gourmandise qui fait plaisir à lire, Walter Scheidel, historien et spécialiste de la Rome antique, dans « Une histoire des inégalités », bat en brèche tous ces lieux communs. Continuer la lecture

De toutes les crises… Où est le changement ?

Crise financière ?

La forte récession s’installe dans l’ensemble des pays du monde. Elle était déjà présente avant même la pandémie. Le virus, comme les mesures prises par les gouvernements ont à la fois révélé, accéléré, approfondi les failles préexistantes. Les crises sont devant nous. Tant que les gouvernements ne prendront pas conscience de la profondeur des réponses qui visent à transformer le type de capitalisme qui s’est mis en place dans les années 1980 et accélérer dans les années 2000. Continuer la lecture

Un plan de relance ? Un budget qui ne l’est pas ? Où est la stratégie ?

Relancer, relancer … Qu’en restera-t-il ?

Jean Casteix, le Premier ministre et non pas Macron, a annoncé un plan de relance de 100 milliards financé en partie par l’Union Européenne, 36 milliards environ, sur deux ans. Du jamais vu depuis les années 1980 qui avait vu triompher les dogmes des économistes néo-classiques, notamment l’équilibre des finances publiques passant par les politiques d’austérité de baisse des dépenses publiques tout en diminuant les impôts pour les plus riches et les entreprises. Du jamais vu non plus du côté de la construction européenne. Mais rien n’est encore fait. L’emprunt européen, avec le soutien de la BCE, n’est pas encore véritablement lancé. Depuis la crise de l’euro de 2010 qui avait marqué la faillite de la construction européenne telle qu’elle s’était mise en place dans les années 2000, les taux d’intérêt de la dette publique des différents pays européens se sont rapprochés tout en conservant un « spread » – un écart – important dû à la crise elle-même- Pour le moment – octobre 2020 – les marchés financiers donnent l’impression d’accepter cet emprunt européen. Les taux d’intérêt, pour souligner le problème, restent négatifs pour l’Allemagne et la France mais très largement positifs pour les autres pays, à commencer par la Grèce.
Il a fallu un virus et la pandémie pour commencer à changer la donne. La pandémie a révélé, accéléré et approfondi toutes les failles de nos sociétés capitalistes. La crise économique est apparue au grand jour. L’INSEE prévoit pour l’année 2020, une baisse du PIB – l’indicateur de la création de richesses – de 9%, un résultat qui pourrait être revu du côté des moins 10. C’est une dépression plus importante, par les chiffres publiés ,que celle de 1929. Continuer la lecture

Le Covid 19 est aussi un révélateur de l’état du monde.

La pandémie signe l’échec d’une mondialisation

Mondialisation, mondialisation disaient-ils en sautant comme des cabris.
La crise sanitaire, mondiale, révèle la forme de la mondialisation qui s’est forgée depuis ces 20 dernières années. Le pouvoir s’est déplacé des États vers les firmes multinationales. Ces dernières ont opéré une internationalisation de la production reposant sur le seul critère de la baisse des coûts du travail pour maximiser leur profit. Les filiales d’ateliers ont prospéré notamment en Chine avec pour résultat la perte de secteurs stratégiques, la pharmacie en particulier, des économies nationales. Le processus de désindustrialisation qui touche toutes les économies développées s’en est trouvé accéléré pour se traduire par la dépendance des pays vis-à-vis des pays possédant les ateliers du monde. A la seule exception de l’Allemagne qui a connu une très forte industrialisation après l’unification des deux Allemagnes liée à une place prépondérante dans les échanges mondiaux. Là gît l’explication de sa capacité à gérer mieux que les autres pays la crise sanitaire, à dépenses égales – environ 11 % du PIB – avec la France. Continuer la lecture

La crise sanitaire et les autres

La pandémie révèle l’état du monde

Qui aurait pu prévoir qu’un virus allait dévoiler l’état du monde et les crises sous-jacentes ? Il révèle d’abord la forme de la mondialisation. Elle reposait sur les stratégies des firmes multinationales, siège du pouvoir, au détriment des États. Le seul critère de cette internationalisation, la baisse du coût du travail en maximisant le profit. La chaîne de valeur s’en trouvait déstructurée sans vision de moyen terme. L’impératif de la rentabilité à court terme a été renforcé par la financiarisation de l’économie. Continuer la lecture

La France telle qu’elle ne va pas

une analyse du macronisme
Dans « La guerre sociale en France », Romaric Godin propose une analyse à la fois de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et de l’offensive néolibérale pour imposer la déstructuration du « modèle social » français qui a résisté, grâce aux mobilisations sociales, jusqu’en 2008. L’entrée dans la crise systémique a changé la donne. Les deux lois travail, la contre réforme de la sécurité sociale, particulièrement du régime de retraite, montre la stratégie qui se met en place. Le sous titre en forme d’oxymore dit toute la problématique : « Aux sources économiques de la démocratie autoritaire »…
Un premier livre pour ce journaliste à Médiapart qui fait preuve de beaucoup d’optimisme quant aux capacités de résilience des populations. Il n’est que de constater l’absence de réactions face aux remises en cause systématique du gouvernement des plus élémentaires libertés démocratiques dont celle de manifester. La mobilisation des « Gilets jaunes » à la fois vient au secours de la thèse de l’auteur et font la preuve de la confusion idéologique liée à la progression du néolibéralisme dans les esprits et de l’absence d’alternative, de projet de société.
« La guerre sociale en France », Romaric Godin, La Découverte

Comment va le monde ?

Comment être libre ?
La Turquie de Erdogan nous raconterait-elle notre avenir ? Le vide idéologique actuel est comblé par la référence à la religion et au nationalisme le plus éculé pour permettre la mise en place d’un programme qui n’a pas changé et qu’il faut nommer néolibéralisme. Paradoxalement, il s’agit toujours de s’insérer dans le processus de mondialisation actuelle qui fait la part belle à la richesse financière. L’arbitraire policier est une nécessité pour imposer ces politiques.
Particulièrement, depuis le coup d’État avorté de juillet 2016. Le pouvoir a multiplié les arrestations dans tous les milieux, des fonctionnaires aux cadres de l’armée en passant par les journalistes accusés d’être des putschistes. Il fallait faire taire toute opposition. Ahmet Altan, romancier, essayiste et directeur de journal, a fait partie de ceux-là. « Je ne reverrai plus le monde », des « Textes de prison », raconte son arrestation un matin, 45 ans après celle de son père, sans raison officielle. La prison, pour cet homme de 69 ans, a dû être un calvaire. Il conserve son humour et constate les tentatives dérisoires des gardiens.
Poète, il s’évade dans d’autres sphères faisant de l’imagination une des clés de sa liberté. Une grande leçon d’humanité. Il conte aussi sa rencontre avec le juge qui l’accuse, sans preuve, de tentative de putsch. Il est accompagné de ses avocats. La réalité fait bon ménage avec la fiction ^pour provoquer à la fois le rire et la peur. Continuer la lecture

UIA Caen, Economie

Bonjour,
Nouvelle année scolaire, nouveau regard.

Pour les deux premières leçons – les 7 et 14 octobre 2019 – il sera d’abord question du corpus théorique qu’il faut appeler – nous verrons pourquoi – « néolibéralisme ». Pour une première approche, le texte « Stratégie du Capital et réponse du mouvement ouvrier » (publié hier) est une première approche.
Les recherches sociologiques actuelles, surtout aux Etats-Unis, s’orientent dans cette voie.
Sur cette lancée, le 14, il sera question de conjoncture. Comment se dessine le monde dans cette fin d’année 2019 ? Le texte « Les crises sont-elles inéluctables ? » permet de poser quelques jalons.

Il est nécessaire d’expliquer les raisons de la poursuite de politiques à la fois d’austérité et de creusement des inégalités. Comme si augmenter la pauvreté était le nec plus ultra de la politique à mettre en œuvre.
Les retombées en terme de récession et de crash financier sont pourtant évidents. La plupart des économistes mettent en garde contre ces dangers. Leurs voix sont couvertes par les « dangers de l’immigration » (sic), alors qu’elle est plutôt une chance pour les sociétés qui vieillissent comme les nôtres.
Les gouvernements et les institutions restent bloqués sur le néolibéralisme comme si les leçons de l’expérience ne frappaient pas violemment à leurs portes, comme si les oreilles n’étaient pas pleines de bruits et de fureurs de ces crises dans lesquelles ils s’agitent et nous enfoncent.

Pour la suite, je développerai sur l’actualité mais aussi sur des thèmes qui font polémique, comme l’avenir de la Sécurité sociale.
Mais vous pouvez aussi proposer des thèmes. Le prochain, pour janvier 2020 pourrait être « Les relations internationales depuis Donald Trump »…

A ce soir.

Nicolas BENIES

Basculement du monde

Les crises sont-elles inéluctables ?

La crise systémique de 2007-2008 a ouvert une nouvelle période dans l’histoire du capitalisme. Elle appelait à des révolutions pour répondre au basculement du monde. Les gouvernants se sont enlisés dans des politiques néolibérales qui avaient démontré à la fois leur nocivité et leur incapacité de répondre aux enjeux de la nouvelle donne. Il était logique que les répliques – pour employer le langage des tremblements de terre – de plus en plus fortes se manifestent. La fin de cette année 2019 est en train d’en faire la démonstration. Continuer la lecture