Lutter contre les inégalités ?

Un essai de Walter Scheidel.

Il est de bon ton de rendre hommage, dans la lutte contre les inégalités, à la civilisation ou le sens de l’histoire suivant les idéologies, lesquelles idéologies sonnent un peu ringardes dans un monde qui ne sait plus la signification du concept de progrès. La confusion est grande entre l’idéologie du progrès, sous la forme actuelle de la nécessité du changement sans contenu et le progrès lui même, la notion de révolution, de changement fondamental.
Au-delà des constructions métaphysiques, les luttes sociales, la guerre expliquent largement les avancées sociales de la fin de la seconde guerre mondiale et la construction de l’État-providence. Allégrement et avec une gourmandise qui fait plaisir à lire, Walter Scheidel, historien et spécialiste de la Rome antique, dans « Une histoire des inégalités », bat en brèche tous ces lieux communs. Continuer la lecture

Un éléphant, ça trompe ? A propos de la « courbe de l’éléphant » de Milanovic

Réflexion sur les inégalités et la mondialisation

Branko Milanovic, économiste en chef de la Banque mondiale de 1993 à 2001, a voulu interpréter, comprendre la montée des inégalités à l’intérieur de chaque pays comme entre les pays et les conséquences politiques qui en résultent. Dans « Inégalités mondiales », sous-titré, tout un programme, « Le destin des classes moyennes, les ultra-riches et l’égalité des chances », il a construit la « courbe de l’éléphant » – reproduite sur la page de couverture de l’ouvrage – devenue une référence. Sa force : résumer en un seul graphique la distribution mondiale des revenus entre 1988 et 2008, années de « mondialisation intense », dixit l’auteur. Le constat porte sur l’essor de la « classe moyenne » mondiale, la stagnation des revenus de la classe moyenne des pays développés et la hausse impétueuse des revenus des « top percentiles », soit les 1% de la population mondiale, et même les 0,1%.
Pour éviter les erreurs d’interprétations, il faut souligner que l’essor des classes moyennes surtout dans les pays d’Asie – la Chine et l’Inde en particulier – est la traduction de la sortie de la pauvreté due, le plus souvent, à la croissance économique. Là gît une ambiguïté. Le concept de « classe moyenne » se définit uniquement par le revenu. Dés que ce revenu est supérieur à celui de la pauvreté absolue – le minimum de subsistance -, soit le début de la courbe de l’éléphant, on entre dans la classe moyenne inférieure. Tout en gardant à l’esprit que le raisonnement se fait, comme le soulignent Pascal Combemale et Maxime Gueuder en une postface nécessaire, en gains relatifs de revenus au niveau mondial. Continuer la lecture