Un plan de relance ? Un budget qui ne l’est pas ? Où est la stratégie ?

Relancer, relancer … Qu’en restera-t-il ?

Jean Casteix, le Premier ministre et non pas Macron, a annoncé un plan de relance de 100 milliards financé en partie par l’Union Européenne, 36 milliards environ, sur deux ans. Du jamais vu depuis les années 1980 qui avait vu triompher les dogmes des économistes néo-classiques, notamment l’équilibre des finances publiques passant par les politiques d’austérité de baisse des dépenses publiques tout en diminuant les impôts pour les plus riches et les entreprises. Du jamais vu non plus du côté de la construction européenne. Mais rien n’est encore fait. L’emprunt européen, avec le soutien de la BCE, n’est pas encore véritablement lancé. Depuis la crise de l’euro de 2010 qui avait marqué la faillite de la construction européenne telle qu’elle s’était mise en place dans les années 2000, les taux d’intérêt de la dette publique des différents pays européens se sont rapprochés tout en conservant un « spread » – un écart – important dû à la crise elle-même- Pour le moment – octobre 2020 – les marchés financiers donnent l’impression d’accepter cet emprunt européen. Les taux d’intérêt, pour souligner le problème, restent négatifs pour l’Allemagne et la France mais très largement positifs pour les autres pays, à commencer par la Grèce.
Il a fallu un virus et la pandémie pour commencer à changer la donne. La pandémie a révélé, accéléré et approfondi toutes les failles de nos sociétés capitalistes. La crise économique est apparue au grand jour. L’INSEE prévoit pour l’année 2020, une baisse du PIB – l’indicateur de la création de richesses – de 9%, un résultat qui pourrait être revu du côté des moins 10. C’est une dépression plus importante, par les chiffres publiés ,que celle de 1929.

A la lumière du projet de budget, la relance apparaît étrange. En premier lieu parce que les 100 milliards se rétrécissent à… 27 milliards pour 2021, le gouvernement additionnant toutes les dépenses réalisées depuis le début de la pandémie comme le soulignent les journaux du jeudi 1er octobre 2020. Ensuite, et plus important – les 27 milliards représentent un changement idéologique par rapport à la dépense publique et à la dette publique – le gouvernement poursuit contre vents et marées dans la voie des baisses d’impôt pour les entreprises – Alter Eco d’octobre par le de « 20 milliards de cadeau aux entreprises » – qui devrait permettre l’augmentation du profit et, sur cette lancée la hausse de l’investissement et de la production et, à terme, créer des emplois et relancer la demande. Vieilles lunes des économistes néo-classiques et des économistes de l’offre qui ne jurent que par la baisse du coût du travail et la libération des entreprises du joug des cotisations sociales et des impôts. En ces temps de crises, une imbécillité. Non seulement par l’absence de conditions de versement de ces aides multiples – on a vu avec le CICE que les patrons empochent sans créer d’emplois – mais aussi et surtout la diminution des impôts et cotisations sociales sera vite mangée par les effets mêmes de la crise économique, le risque de faillite qui menace toutes les entreprises. Comment, avec ces mesures, s’étonner du déficit « abyssal » – Le Monde dixit) de la Sécurité sociale. D’autant que le gouvernement fait supporter à l’assurance maladie les dépenses liées à la pandémie, notamment le coût des tests. Les services publics, la sa nté, l’école… – restent les parents pauvres de ce budget.
Le chômage explose. Les faillites notamment des petites et moyennes entreprises sont quasiment programmées. Les restructurations des secteurs clés de l’économie française comme l’aéronautique ou l’automobile et bien d’autres qui profitent de l’effet d’aubaine – comme Bridgestone à Béthune – avivent encore les suppressions d’emploi. La crise sociale menace.
Le gouvernement français a décidé d’une forte allocation de chômage partiel pour limiter cette montée. Pour combien de temps ? Avec son plan, il table sur la création de 160000 emplois. Rapporté aux sommes mises en jeu c’est peu et sûrement pas suffisant pour faire face à l’arrivée sur le marché du travail des jeunes. L’INSEE fait état de la suppression de prés de 715000 emplois pour le premier semestre de cette année.
Dans le même mouvement, les précaires, les travailleurs « au noir » se voient abandonner sans possibilité de se faire entendre, véritables invisibles de cette société qui a besoin de ces premiers de corvée. La pauvreté, la misère progressera si les gouvernements ne sont pas capables de créer les emplois de demain.
Plan de relance ? Les mesures du gouvernement prennent trop en compte les demandes du Medef qui fait preuve d’un aveuglement total sur le changement de contexte. La crise économique, doublée bientôt d’une crise financière – l’endettement des entreprises a atteint des sommets – suppose d’imaginer un nouveau monde. Le patronat français reste bloqué sur l’ancien monde. Il veut une diminution des impôts, des subventions de l’État sans condition tout en augmentant le temps de travail de ceux et celles qui ont un emploi.
La crise sanitaire renforce au-delà de tout l’incertitude. Le terrain est glissant et fait de plaques tectoniques qui interdissent toute prévision – elle repose souvent sur le passé. Cette absence de visibilité, Keynes l’avait analysé pendant la crise des années 1930, renforce le mimétisme. Comme on ne sait plus à quel saint se vouer et que Dieu est silencieux, il ne reste que les autres professionnels. Une explication qui permet de comprendre pourquoi les Bourses ont augmenté après le confinement et les risques de krach financier par le seul fil possible, l’évolution de la pandémie.
Un monde s’écroule et les gouvernements font comme si les capitalismes n’étaient pas en train de changer. La planification, dont on parle un peu mais Bayrou est flou dans le moment présent, est une nécessité vitale pour transformer la donne. Il faut de l’imagination pour créer un autre monde.
La relance, supposerait d’abord d’augmenter les salaires. Le « choc de la demande » est vital pour donner un coup de fouet à la production. La création d’emplois dans les services publics est l’autre nécessité que la pandémie a révélée comme celle de rompre avec les critères du privé. Sortir du marché, de la marchandisation fait partie d’une véritable de relance reposant sur les intérêts du plus grand nombre. La santé, l’école notamment ont besoin d’investissement pour aussi protéger de la pandémie. Les mutations climatiques, la crise écologique qui exercent leurs effets de manière de plus en plus visibles conduisent à l’urgence de dépenses publiques importantes, planifiées, pour commencer à répondre à ces impératifs.
Le plan de relance du gouvernement montre qu’il est resté dans un entre-deux. L’austérité, la hantise de l’augmentation de la dette publique ont quasi – momentanément ? – disparues. Reste la volonté non démentie de baisser le coût du travail pour augmenter les profits alors que la crise économique sévit. Une politique suicidaire qui ne permettra pas de sortir des crises – il faudrait ajouter la crise politique.
Les explosions sociales risquent de marquer de leur sceau les mois qui viennent…
Nicolas Béniès.