La pandémie signe l’échec d’une mondialisation
Mondialisation, mondialisation disaient-ils en sautant comme des cabris.
La crise sanitaire, mondiale, révèle la forme de la mondialisation qui s’est forgée depuis ces 20 dernières années. Le pouvoir s’est déplacé des États vers les firmes multinationales. Ces dernières ont opéré une internationalisation de la production reposant sur le seul critère de la baisse des coûts du travail pour maximiser leur profit. Les filiales d’ateliers ont prospéré notamment en Chine avec pour résultat la perte de secteurs stratégiques, la pharmacie en particulier, des économies nationales. Le processus de désindustrialisation qui touche toutes les économies développées s’en est trouvé accéléré pour se traduire par la dépendance des pays vis-à-vis des pays possédant les ateliers du monde. A la seule exception de l’Allemagne qui a connu une très forte industrialisation après l’unification des deux Allemagnes liée à une place prépondérante dans les échanges mondiaux. Là gît l’explication de sa capacité à gérer mieux que les autres pays la crise sanitaire, à dépenses égales – environ 11 % du PIB – avec la France.
La financiarisation de l’économie avec dans son sillage les critères de profit à court terme a eu comme conséquence la baisse des investissements productifs et la création de nouveaux rentiers, riches de la spéculation sur les marchés financiers.
Le virus signe l’échec total de cette « globalisation ». Les interrogations sur sa validité existaient avant la pandémie. Le terme de « démondialisation », utilisé à tort, mettait l’accent sur les dangers de la perte de souveraineté des États. Les poussées « nationalistes » aux États-Unis, en Hongrie mais aussi dans la plupart des autres pays avec le retour du concept de « Nation » reflétait une réaction démagogique face à ce monde devenu indéchiffrable.
Le virus donne une nouvelle légitimité aux services publics et à leur nécessité pour le bien être des populations. La domination de l’idéologie de la privatisation – le privé est plus efficace et plus efficient pour satisfaire les besoins des populations – et la volonté politique de baisser les dépenses publiques ont déstructuré les services publics. Le retour du non-marchand est ainsi devenu la priorité dans l’esprit du plus grand nombre.
Retour de L’État/Nation
Désormais, dans ce nouveau contexte, il est question de « relocalisations » et de retour de L’État/Nation. D’abord pour les secteurs stratégiques : la prise de conscience est brutale de la nécessité pour chacune des économies nationales de les conserver. Leur champ est mouvant. Chaque pays devra les définir. Ce mouvement se fera au détriment de la Chine vidée de ses ateliers sauf si le gouvernement accélère la transformation de se modèle de développement vers la construction d’un marché intérieur. Pour l’instant, la baisse de la croissance sera profonde comme partout dans le monde. Les nationalisations deviennent actuelles pour permettre cette configuration, pour s’opposer aux multinationales.
La révolution du numérique en cours, « l’intelligence artificielle », rendra compétitive la réindustrialisation en augmentant la productivité et en baissant le coût du travail. Le protectionnisme fait son retour. Le dogme du libre échange s’écroule.
L’échec de cette construction internationale peut ouvrir la voie à des États forts, « illibéraux ». La tentation est grande de conserver les « états d’urgence », autant de remise en cause des libertés démocratiques, pour restructurer plus facilement. La fermeture des frontières présentée comme une conséquence de la pandémie pourrait aussi se traduire par le repli sur soi. L’Union Européenne doit faire la preuve qu’elle est capable de mettre en œuvre des politiques communes pour faire face aux crises – économique, financière, sociale – et, ainsi, trouver une nouvelle crédibilité. Le monde se trouve à la croisée de ses chemins. Le futur n’est pas écrit et aucune tendance n’est inéluctable dans sa réalisation. Le champ des possibles est immense.
Nicolas Béniès