Enfance(s) du jazz ? Enfants du jazz ?

Renouveler l’art de la comptine.

Tout le monde, les parents surtout, connaît son lot de chansons pour les enfants. Ces comptines permettent à la fois des références communes à des générations et construire un imaginaire spécifique à chacune d’entre elles. Les paroles sont souvent à double sens. Elles dissimulent la grivoiserie sous des paroles apparemment innocentes et des rendez-vous où les enfants ne sont pas invités.
Le stock a évolué au cours du temps. Les flux sont rares. « Nanan » – titre qui vient de l’expression « c’est du nanan » -, un livre-disque voudrait changer la donne pour introduire les enfants au jazz, plus exactement aux rythmes des jazz.
nananLydie Dupuy, batteure, a composé la musique et mis des paroles sur ces airs qui fleurent bon la musique du temps présent. Elle n’a pas voulu faire dans le « simple » pour permettre l’entrée dans un autre monde, un monde complexe. En contre partie les paroles sont, elles, simples et permettent l’échange entre parents et enfants ou entre les enfants. Le simple et le complexe font bon ménage pour que les oreilles et le cerveau s’habituent à ces musiques.
Le livre a l’intérêt de guider l’écoute. Les illustrations de Perrine Arnaud parlent de la manière dont les enfants vivent des situations traumatisantes, comme l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur pour que les paroles s’appuient sur l’image. Continuer la lecture

Histoire à écrire.

Du Rock, du Rhythm and Blues ou du blues ?

Le titre, en ces temps de controverses moraniennes – néologisme qui gagnerait à être utilisé, formé à partir de Nadine Morano, comme équivalent à la bêtise raciste -, fait problème : « Race Records, Black rock music forbidden on US Radio, 1942 – 1955 ». Levons une ambiguïté. Les hommes marketing aux Etats-Unis se sont aperçus dans les années 20, grâce au succès d’un 78 tours de Mamie Smith, « Crazy Blues » en l’occurrence, qu’il existait un marché spécifique, celui des populations noires des ghettos. Ils se sont précipités sur ce filon en créant des sous marques pour gagner ce public. Ils ont ainsi créé les « race series » destinées au public noir.
Après la guerre, période traités surtout par ce coffret de trois CD, en 1946 le terme de « race series » a été abandonné remplacé par celui, plus neutre, de Rhythm n’ Blues. Là encore, il s’agissait de viser la population des ghettos noirs. Se sont créée deux « hit parade » – pour parler en Français -, l’un pour le RnB, l’autre pour le public caucasien, les variétés.
Pour dire que le rhythm n’ Blues n’est pas un genre musical mais une création des industriels de l’entertainment – comme on dit aux États-Unis – pour cibler un créneau du marché.
Dans ces années 1950, le rock envahira toutes les chaînes de radio. A l’exception des DJ des radios en direction des ghettos noirs, les grands musiciens noirs qui font encore danser aujourd’hui seront ignorés, dans une large mesure, du public blanc. Mais pas interdits contrairement à ce que dit le titre de ce coffret.
Ce coffret permet de les redécouvrir. Et se rendre compte que le courant passait entre musiciens. Elvis Presley notamment fut toujours attentif à « Beale Street », le ghetto noir de Memphis où il était né. Ces musiciens noirs seront aussi influencés par les blancs. La musique ne connaît pas ces frontières de « race ». Le terme, soulignons-le en passant, a plutôt une signification sociale aux Etats-Unis. Blessure toujours ouverte de l’esclavage.
Tous les musicien(ne)s réunis sont à citer. Il faut aller les découvrir. Certains d’entre eux sont plus connus que d’autres. C’est le cas de Wyonnie Harris ou de Howlin’ Wolf, Muddy Waters ou Big Maybelle mais tous les autres sont à entendre. Et si vous voulez organiser une soirée dansante, ce coffret vous servira de guide…
Nicolas Béniès.
« Race Records, black rock music forbidden on US Radio, 1942 – 1955 », livret signé par Bruno Blum, Frémeaux et associés.

Miriam Makeba, chanteuse actuelle

Hymnes à la liberté, « Mama Africa » est de retour

« Patha Patha », est un titre, une musique que vous devez forcément connaître même si votre souvenir est flou, sans que vous sachiez à qui on doit cet hymne à l’Afrique du Sud, au combat pour la dignité, à la lutte contre l’apartheid qui a marqué profondément l’histoire de cette Afrique du Sud qui a interdit sur son territoire cette chanteuse et compositeure, Miriam Makeba (1932 – 2008). Un thème qui a été souvent pillé sans arriver à la cheville de l’original et sans verser de droits…
Miriam Makeba est née dans ces ghettos de Johannesburg qui sait transmettre la mémoire de toutes les luttes pour construire une musique spécifique qui rencontrera le jazz. Dans ces années cinquante, le jeune garde s’abreuve au bebop pour créer un « jazz » sud africain que les enregistrements Kaz de cette époque de Abdullah Ibrahim Brand – connu comme « Dollar Brand » surnom qu’il devait à Duke Ellington qu’il rejeta plus tard – permettent de découvrir le saxophoniste ténor Basil Coetzee, un solo d’importance dans « Mannenberg », le saxophoniste alto Kippie Moeketsi et tous ces musiciens un ignorés dans notre pays.
Miriam Makeba en action[/caption]« Mama Africa » – le surnom de Miriam Makeba – évolue dans cette atmosphère. Elle adoptera le jazz mais n’oubliera pas les musiques de son enfance ni les autres musiques de ces cultures orales, appelées aujourd’hui « musiques du monde ». Continuer la lecture

Jazz et chansons

Autour du monde.

Patrice Caratini short songsPatrice Caratini, contrebassiste, chef d’orchestre, compositeur a décidé de rompre son quotidien pour s’orienter vers la chanson, de celle qui borde nos mémoires mais aussi transporte dans d’autres pays d’un globe qui n’est plus ce qu’il était.
La vocaliste qui prête sa voix à ce voyage, Hildegarde – un prénom emprunté à une chanson de Boris Vian, « Je suis snob » en l’occurrence – Wanzlawe sait prendre tous les accents pour nous transporter ailleurs. Une manière de promouvoir la fraternité entre les populations. La chanson est un excellent vecteur. Chanter ensemble est le début d’une compréhension mutuelle. Continuer la lecture

Tête de chien, une insulte ?

Travail ludique de mémoire.

« Les Têtes de Chien », comme son nom ne l’indique pas, est un groupe de chanteurs « a capella » qui veulent faire vivre la tradition, redonne un souffle de vie à des traditions oubliées pour les bousculer et leur faire dire quelque chose de notre présent. Il propose une création étrange et pleine de promesses, « Entre ciel et terre, chants populaires du légendaire chrétien » et intitulée « La Marelle ». Une manière de jouer avec ces chansons venues du fond des âges qui racontent la vie de tous les jours d’ancêtres qui auraient pu être les nôtres. Ils proposent de les détourner pour leur donner une nouvelle actualité. Ils commencent par Paris, à partir du 10 avril et ils seront en tournée avec le spectacle « La grande ville ».
NB
Infos sur www.reverbnation.com/têtesdechien

Relecture des années 1970.

Le cas Bowie et les autres…

Rétrospectivement, les années 1970 apparaissent comme une fin de révolutions commencées au début du 20e siècle. Les années 1960 avaient marqué la renaissance des utopies inspirées par celles du passé, à commencer par la révolution russe débarrassée du stalinisme. La volonté de construire un monde meilleur s’inscrivait dans ces références. La musique, surtout le jazz et le rock, s’inscrivaient dans ce champ des possibles qui semblait infini. La musique pouvait changer le monde. Le free-jazz exprimait cette perspective. Comme tous les rockers de ce temps. Ornette Coleman, Jimi Hendrix – pour n’en citer que deux – savaient que « Tomorrow is the question », demain est la question, et qu’il fallait construire quelque chose d’autre, « Something Else », pour citer les titres des deux premiers albums de Ornette Coleman qui servent quasiment de devise et qui ont été enregistrés à l’orée de ces années 60. De son côté le « modal » de « Kind of Blue », l’album phare de 1959 construit par Miles Davis et son sextet – Bill Evans et John Coltrane en particulier – servait d’introduction pour le jazz et le rock qui allaient suivre.(Voir « Le souffle bleu », Nicolas Béniès, C&F édition) Continuer la lecture

Partir… Loin…

Voyage immobile dans notre mémoire.

Django ? Le surnom suffit. Possible d’ajouter Reinhardt si vous voulez. Guitariste manouche lit-on de temps en temps comme si cette dénomination suffisait à épuiser le génie d’un musicien accompli qui a su révolutionner les mondes du jazz et se révolutionner en permanence. Son surnom, « J’éveille » en français, lui a fourni une feuille de route. Jusqu’à sa mort en 1953, il a montré plusieurs figures n’ignorant en rien la révolution bebop. Un de ses derniers thèmes, « Deccaphonie », est d’une puissance tellurique. Elle laisse sur le carreau un Martial Solal dont c’est la première entrée en studio.
Pourquoi rappeler ces données ? Pourquoi redire une fois encore que Django est un génie qui a su renouveler continuellement son langage, qu’il a même devancé Miles Davis sur le chemin du modal en enregistrant « Flèche d’or » ? Qu’il ne s’est pas contenté de créer le « Jazz Manouche » qu’il faudrait appeler « le jazz Django du quintet du Hot Club de France » ?
le voyage de DjangoPour présenter un album signé par Dominic Cravic et ses amis qui nous invitent à un voyage dans nos souvenirs, souvenirs de ce 20e siècle, souvenirs aussi des Paris disparus. Continuer la lecture

Fête aux Antilles et à Paris

Mémoire, modernité et danses.

Antilles en fêteLes musiques populaires, les vraies celles qui ne sont pas lancées comme des savonnettes échappent au domaine de la marchandise, de la reproduction. Elles possèdent un charme magique : la mémoire du temps, ce souffle nécessaire constitutif de notre patrimoine culturel en même temps qu’elles savent se prêter à toutes les modes qu’elles transcendent. Le passé ne peut pas être conservé dans le formol ou alors c’est un passé mort et inintéressant pour les générations suivantes. La répétition est nécessaire à la formation mais est contraire à la création.
Il faut savoir se servir du passé pour entrer dans la modernité.
Les musiques antillaises font partie de notre histoire. Elles sont très tôt entrées dans notre monde. Les musicien(ne)s antillais, de la Guadeloupe et de la Martinique, ont très tôt envahi la Capitale. Paris était – l’imparfait est tout un programme de régression culturelle passant par la fermeture des frontières – une ville de toutes les cultures. Elles s’y donnaient rendez-vous pour magnifier la Ville-Lumière plus encore et lui donner cette « aura » qu’elle a su diffuser. Continuer la lecture

Du tango à la poésie

La poésie de Gardel.

Placer MachadoChanter des chansons d’amour, est-ce ringard ? Gardel, ce chanteur toulousain qui a fait carrière en Argentine en chantant des tangos, des blues à la sauce milonga reste présent pour des générations successives alimentées au lait de ses enregistrements. C’est le cas pour Antonio Placer qui sait leur redonner une nouvelle vie en ajoutant quelques poésies de son cru de Jean-Marie Machado qui n’a rien oublié du fado et sait arranger quelques airs pour leur donner une familiarité inquiète. Un duo c’est difficile, un troisième est nécessaire pour arbitrer. Le violoncelliste Anthony Leroy est venu prêter son concours à ce jeu de miroirs.
Pour faire bonne mesure, ils ont adjoint Brel pour parfaire « Un jardin pour Gardel ».
La traduction permet de se rendre compte que ces chansons transportent une poésie amère, un pessimisme adroit sur la nature humaine et sur les sociétés. L’amour est un révélateur. Osez est difficile. La passion éclabousse tout, ne laisse rien debout.
Et c’est l’amour passion qui est le thème récurrent de toutes ces chansons. Une manière de se réapproprier une partie de notre mémoire. Antonio n’hésite pas à chanter en français. Sans être toujours convainquant. Mais il sait être persuasif.
Il faut dire qu’il est désormais directeur artistique du théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas – un nom en forme de programme – de Grenoble et vient de sortir un recueil de poèmes, « Correspondencia indecible » – Correspondance indicible » – à la Maison de la Poésie Rhône-Alpes.
Nicolas Béniès
« Un jardin pour Gardel », Antonio Placer, Jean-Marie Machado, Anthony Leroy, S’ard Music, distribué par l’Autre Distribution.

Proust en musique

Des « madeleines », à chacun(e) la sienne…

rock instrumentalsLes surpat’ ont un peu disparu au profit des raves. Chaque génération forge ses souvenirs à l’aune de son temps. Il doit arriver qu’on danse encore le rock. Il est sur qu’il s’apprend. Certains en font même une profession… Une danse un peu ringarde mais le slow – un rock très lent – reste quand même le meilleur moyen de rapprocher les garçons et les filles.
Bruno Blum, dans ce triple album « Rock instrumentals story », joue avec nos émotions. C’est le terrain de la musique sans paroles, de cette musique qui sûrement nous a fait danser en mettant quelques pièces dans le juke box ou en venant chez des copains avec le dernier 45 tours. Continuer la lecture