Hymnes à la liberté, « Mama Africa » est de retour
« Patha Patha », est un titre, une musique que vous devez forcément connaître même si votre souvenir est flou, sans que vous sachiez à qui on doit cet hymne à l’Afrique du Sud, au combat pour la dignité, à la lutte contre l’apartheid qui a marqué profondément l’histoire de cette Afrique du Sud qui a interdit sur son territoire cette chanteuse et compositeure, Miriam Makeba (1932 – 2008). Un thème qui a été souvent pillé sans arriver à la cheville de l’original et sans verser de droits…
Miriam Makeba est née dans ces ghettos de Johannesburg qui sait transmettre la mémoire de toutes les luttes pour construire une musique spécifique qui rencontrera le jazz. Dans ces années cinquante, le jeune garde s’abreuve au bebop pour créer un « jazz » sud africain que les enregistrements Kaz de cette époque de Abdullah Ibrahim Brand – connu comme « Dollar Brand » surnom qu’il devait à Duke Ellington qu’il rejeta plus tard – permettent de découvrir le saxophoniste ténor Basil Coetzee, un solo d’importance dans « Mannenberg », le saxophoniste alto Kippie Moeketsi et tous ces musiciens un ignorés dans notre pays.
Miriam Makeba en action[/caption]« Mama Africa » – le surnom de Miriam Makeba – évolue dans cette atmosphère. Elle adoptera le jazz mais n’oubliera pas les musiques de son enfance ni les autres musiques de ces cultures orales, appelées aujourd’hui « musiques du monde ».
Ce coffret de trois CD, « The indispensable Miriam Makeba, 1955 – 1962 » nous permet de la suivre de Johannesburg à New York où elle s’exilera en 1960. Son intransigeance, son engagement pour les droits civiques, son mariage avec Stockely Carmichael, un des leaders du Black Power de cette époque, se traduira par son rejet par le show biz américain. L’exil se poursuivra…
Elle débute donc en 1955 comme soliste des « Manhattan Brothers », un groupe vocal populaire à cette époque tout en créant un groupe vocal féminin, « The Skylarks » – les alouettes. Elle fait la preuve qu’elle possède à la fois une grande tessiture et une capacité d’émouvoir. Elle poursuivra une carrière de soliste en compagnie de musiciens sud-africains qu’il faut aussi découvrir.
Juste avant son exil et son rejet par le régime raciste d’Afrique du Sud, elle enregistre le 14 août 1959 le fameux « Patha Patha ». Elle en donnera plusieurs versions par la suite… Ce même 14 août, elle dira au revoir à l’Afrique, « Miriam’s good bye to Africa »… elle ne savait pas que cet exil durerait 30 ans. Il faudrait qu’elle attente 1990 avant de pouvoir rentrer dans son pays…
Denis Constant-Martin, spécialiste des Afriques, a présenté ce coffret dans Politis (daté du 2 juillet 2015) en regrettant les approximations « et les erreurs » du livret… Dommage. La musique reste et c’est l’essentiel.
Nicolas Béniès.
« The indispensable Miriam Makeba, 1955 – 1962 », Frémeaux et associés.