Faut rigoler….

Henri Salvador, pataphysicien borisien et vianesque.

salvadorDéjà le volume 4, pour cette « Intégrale Henri Salvador », déjà les années 1956-1958 qui voient la collaboration avec Boris Vian prendre réellement son envol. Tous les rythmes vont y passer, rythmes à la mode en ces années de fin de la IVe république, Calypso, jazz, chansons sentimentales et rock pour se terminer par le charleston qui fait un retour de mode. Pour corser ce tout, Henri chante aussi en anglais. Je ne sais si ces 45 tours se sont bien vendus outre atlantique mais le résultat vaut le détour d’oreille. Continuer la lecture

Chanson française.

Une affaire de rencontre.

Patachou, née Henriette Ragon le 18 juin 1918 du côté de la butte Montmartre, et Georges Brassens, né le 22 octobre 1921 à Sète se sont découverts après la seconde guerre mondiale dans ces années cinquante qui voient la création d’une nouvelle chanson française. Elle le chantera avant qu’il ne se chante. Elle lui ouvrira les portes nécessaires pour se faire connaître et investir les music hall. On se souvient que Brassens s’installera à Bobino. Frémeaux et associés nous permet de les entendre par le biais d’une compilation pour la première et d’un concert enregistré à l’Olympia pour l’autre.
Patachou fait le lien entre les générations, chantant Aristide Bruant comme les nouveaux venus qui ont nom, mis à part Georges, Francis Lemarque, Léo Ferré, Charles Aznavour, Mick Micheyl, Guy Béart sans compter les musiques de Michel Legrand et l’accordéon de Joss Baselli pour exprimer un air de Paris fait à la fois de la gouaille du titi et de cette élégance qui fait de la Capitale, en ce temps là, la Ville de référence.
Dany Lallemand rappelle, dans le livret, l’itinéraire de la chanteuse, dactylo, caissière d’une pâtisserie puis un restaurant dont elle est propriétaire qui deviendra un cabaret dans lequel elle chante. Elle saura représenter la chanson française partout dans le monde. Elle instaure un style original, une manière de creuser les mots, de leur faire suer des significations au-delà d’eux-mêmes. A l’époque les chansons circulent. L’exclusivité n’existe pas. Les comparaisons sont possibles. Il faut donc, dans l’arrangement, dans la manière de chanter faire la preuve de sa créativité.
Cette compilation regroupe les enregistrements de Patachou de 1950 – c’est encore les 78 tours – à 1961 sous la forme de 45 tours pour lui rendre un hommage vivant, pour faire revivre cette période, pour renouer les fils de notre mémoire.
Georges Brassens, lorsqu’il se produit sur scène, ne fait pas vraiment de mise en scène. Un tabouret, sa guitare et un micro. Derrière lui, un contrebassiste – de jazz, il faut le souligner -, Pierre Nicolas. De temps en temps, l’un parle à l’autre pour lutter contre le trac sans doute. Et c’est tout. Le dépouillement intégral. Le public est à l’unisson. Ce 4 novembre 1961, Brassens teste ses nouvelles chansons. Par rapport au disque, des petits changements sont perceptibles. Sur scène, il est plus proche du jazz et même du blues. Il se laisse aller à quelques accords différents. Une sorte d’inquiétante familiarité avec les albums réalisés en studio.
Ce concert fait partie d’une nouvelle collection, « Live in Paris », dirigée par Michel Brillié, ancien assistant de Daniel Filipacchi et Franck Ténot à Europe 1, et Gilles Pétard responsable du label « Body and Soul ».
Le bonus est d’importance. En novembre/décembre 1955, Georges vient à Europe1 tester ses chansons devant un public averti. Entendre cette manière d’interpréter est un cadeau inespéré. Là, il est plus décontracté, plus bluesman pour manier l’humour et l’ironie. Une découverte.
Nicolas Béniès
« Patachou, 1950 – 1961 », présenté par Dany Lallemand, coffret de deux CD ; « Georges Brassens, 3 novembre 1961 », « Live in Paris. La collection des grands concerts parisiens », dirigée par Michel Brillié et Gilles Pétard, Frémeaux et associés.

Essai d’histoire culturelle à travers chanson française et rock

Histoire culturelle française.

Frémeaux et associés nous propose un voyage dans les temps. D’abord en compagnie de l’orchestre de Ray Ventura, en trois CD et trois périodes : « 1928-1934 » soit les prolégomènes, « 1935-1940 », la gloire, l’esprit des temps avec « Tout va très bien Madame la Marquise » un véritable hymne national et « 1946-1956 », une sorte de fin en feu d’artifice avec l’arrivée d’un guitariste plein de jazz, Sacha Distel, le neveu. Une plongée nécessaire, une reconnaissance d’une histoire aussi intéressante que l’histoire officielle. Denis Lallemand nous présente Ray Ventura et quelques-uns des collégiens – c’est le nom de l’orchestre souvenir de jeunesse à Janson De Sailly – ainsi que Paul Misraki, compositeur de génie qui a su saisir les sentiments de la période de ces années 1930. On ne peut comprendre ni le Front Populaire ni la chanson française de l’après guerre comme la force du jazz, son importance dans la culture française sans écouter cette musique à la fois joyeuse et triste comme celle de Trenet qui s’en inspirera. Continuer la lecture

La Luciole, Alençon, transporté en Louisiane une fin de dimanche après midi le 6 octobre 2013

Un concert étrange dans un endroit d’ailleurs.

La Luciole est un drôle d’endroit. Qui a une histoire. Cette salle, avant d’être rénovée, a accueilli la fine fleur de la chanson française à commencer par Bernard Lavilliers pour une « contenance » d’environ 100 personnes.

Aujourd’hui, située un peu en dehors d’Alençon (dans l’Orne), elle en jette. C’est le terme qui convient. Ornée de deux cheminées renversées et unies à leur (fausse) base, elle semble dominer les routes qui, comme à l’accoutumée, se croisent. Continuer la lecture

Histoire culturelle des Etats-Unis, une leçon de dialectique

L’Afrique et l’Amérique, un choc !

Le jazz, musique forgée par les Africain(e)s déporté(e)s aux États-Unis pour devenir esclave, est le résultat dialectique d’un choc de cultures ou plutôt d’un choc d’acculturations. Les Européen(ne)s arrivé(e)s sur le sol américain en quête de liberté exportaient dans le même temps leur propre culture. Ces origines diverses de plusieurs strates d’immigration expliquent les spécificités des villes américaines, des accents qui se retrouvent dans la musique. Boston, pas exemple, fut contaminée par l’accent irlandais. Les Africain(ne)s étaient porteurs de cultures spécifiques, orales celle-là, aussi différentes que celles des Européens. Les nations africaines ont leur existence même si les Etats construits par les colonisateurs ne correspondent pas aux Nations anciennes. Les grands propriétaires terriens, esclavagistes – et pas seulement dans le Sud des États-Unis, dans le Nord aussi – avaient comme politique de séparer les familles, les ethnies pour éviter les révoltes. Du coup, à l’intérieur de ces grandes propriétés fermées, c’est un mouvement d’acculturation qui s’est enclenché. Un mouvement qui a duré. Une des résultante fut le vaudou comme synthèse des grands mythes de cette Afrique mais, du coup, l’Afrique se faisait rêve d’un eldorado, d’un Éden passé. Continuer la lecture

Un rendez-vous exceptionnel, le 6 juin 2013, café mancel

Autour des débarquements du jazz

Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent. la mer est rouge du sang de tous ces jeunes gens venus mourir sur les plages de Normandie. Il faudra attendre le 12 juin pour que les soldats noirs débarquent… Jon Hendriks en faisait partie…

Le jazz débarque en même temps. Le bebop est le nom de la nouvelle révolution esthétique qui bouleversera le monde et la France en particulier. Une bataille d’Hernani partagera la jeune génération d’alors entre les tenants du « vrai » jazz et les partisans du bebop.

La génération précédente, celle de l’entre deux guerres, avait connu la première révolution esthétique, celle de la connaissance du jazz. Les surréalistes, comme les dadaïstes ou Cocteau n’en sortiront pas indemnes. Leur vie en sera changée.

Ce 6 juin, un peu en avance par rapport aux commémorations prévues l’an prochain pour le 70e, je vous propose de revenir sur ces deux débarquements permettant de visiter l’histoire du jazz mêlée à l’histoire tout court, les rapports entre le jazz, la chanson française et la littérature. Pour appréhender l’importance du jazz non seulement comme culture commune du 20e siècle mais aussi dans sa capacité à représenter le monde par l’accumulation de chefs d’œuvre.

Au Café Mancel, jeudi 6 juin, de 15h à 18h pour ce voyage dans le temps, dans l’espace et dans une part de notre histoire.

On ne perdra pas l’occasion de parler radio et de rendre hommage à Sim Copans dont l’histoire personnelle s’est trouvé en phase avec celle du débarquement – comme celle de Louis Guilloux dont on parlera via son roman « OK Joe » – et celle de la radio française par la création des émissions de jazz sur les ondes nationales, la RTF à l’époque.

Nicolas Béniès.

Histoires de chansons françaises.

Le jazz a un tournant, panne d’inspiration de Gainsbourg…

Frédéric Régent poursuit Serge Gainsbourg, dans le volume 2 de cette « Intégrale Serge Gainsbourg et ses interprètes » qui couvre des années étranges 1960 – 1962. Étranges par la nouveauté que représente le « phénomène yé-yé ». Le succès de Johnny Hallyday, des « Chaussettes noires », des « Chats sauvages » éclipsent totalement les chanteurs dits « rive gauche » – à cause de l’emplacement des cabarets où ils et elles se produisent -, la chanson française qui devra, de nouveau, se renouveler. Gainsbourg suivra les rythmes du temps, de ce temps pour faire vivre ses textes. Continuer la lecture

Elvis et nous.

Un pan de notre mémoire.

Bruno Blum, par l’intermédiaire des coffrets publiés par Frémeaux et associés sur Elvis Presley, poursuit son œuvre de salubrité publique mêlant les souvenirs, le travail de mémoire et l’histoire culturelle. Le tout à travers la trajectoire d’Elvis Presley. Le volume 1 s’arrêtait en 1956, au moment où Elvis commence à connaître la gloire. Ce tome 2 ne couvre qu’une année, 1956-1957, mais remplie de bruits et de fureurs, de dénigrements, de calomnie, d’accusations plus imbéciles les unes que les autres de ces « ligues » de défense de la morale, de ces Eglises qui ne savent qu’exclure, excommunier. Peter Guralnick, cité ici, dans sa monumentale biographie d’Elvis (traduite aux éditions du Castor Astral) reprend tous les articles, toutes les déclarations contre Elvis. Bruno Blum rajoute les appréciations de Boris Vian qui – il l’a affirmé à plusieurs reprises – n’aimait pas le rock. Il trouvait – et il n’a pas toujours tort – que c’était une simplification du blues et qu’il était souvent vulgaire faute d’introduire le « double entendre », comme disent les Américains, du blues, cette ironie singulière qui transforme la grossièreté apparente en une poésie étrange. Continuer la lecture

Deux «dictionnaires » (publié dans la revue de l’Ecole Emancipée)

Une ou deux histoires de la culture…

Deux «dictionnaires » viennent illustrer notre histoire et nos histoires. Comme le rappelle Gilles Verlant dans Je me souviens du rock (Actes Sud collection Variétés) – sur le modèle de « Je me souviens » de Perec – le rock a quelque chose à voir avec notre vie. Et L’auteur réussit à parler à chacun d’entre nous. Et chacun d’entre nous, et là l’âge importe peu, pourrait se souvenir d’événements en relation avec cette musique, qu’André Francis dans un petit opuscule sur le Jazz (« Jazz » au Seuil) qualifiait de musique de voyous. C’est le moindre de ses mérites… Si « on » m’en laissait l’occasion, je me souviendrai de 1963, de ce concert gigantesque où j’avais découvert le sens du mot « masse », sans parler des « mouvements de masse », de la révolte de cette jeunesse et de son désir de changer le monde. Verlant n’hésite pas à dire qu’il n’a rien vérifié, montrant par là la différence entre mémoire – un travail, une recherche – et le souvenir qui suppose une part d’oubli comme le notait justement Blanchot. Continuer la lecture