Jazz : les nouveautés de l’été


Hommage libre à Teddy Wilson

Le titre de l’album ne laisse planer aucun doute : « La suite Wilson ». La référence à Teddy Wilson, à ses combos – petits groupes – est explicite. Il est possible de déceler une signification implicite : l’absence de copie de l’original mais des arrangements différents ou des compositions originales pour évoquer l’ombre du pianiste, compositeur, spécialiste des accords de dixième et membre des groupes de Benny Goodman. Longtemps décrié le clarinettiste/chef d’orchestre avait pourtant révolutionné la scène du jazz en constituant des groupes mixtes, Noirs et Blancs mélangés. Dans les années 30, un sacrilège pour tous les conservateurs pré trumpistes. Continuer la lecture

Jazz, Bousculer la tradition pour la faire vivre : de la Suisse à Chet Baker

La musique de la Suisse dans l »œil du jazz

Florian Favre, pianiste et Suisse de Fribourg, veut, dans cet album au titre plein de passé qui pourrait le faire passer pour un nostalgique, « Idantitâ », rendre actuelle la tradition musicale de son pays tout en proposant, aussi au piano préparé comme à la voix, des portraits. Dans le nom du label – Traumton – figure le rêve d’un avenir fraternel qui retrouverait ses racines pour dialoguer avec l’autre échanger et créer. Continuer la lecture

Jazz. Ceci n’est pas Armstrong

Échos de Louis Armstrong.
Louis Armstrong, Satchmo pour ses intimes dont le monde entier fait partie, incarne le génie tutélaire du jazz. Il reste le pourvoyeur des « plans » – des structures dont les musicien.ne.s se servent pour leurs improvisations – et de mélodies. Beaucoup de ces thèmes, de ses trouvailles restent encore à creuser. Continuer la lecture

Clarinette et jazz manouche

Version du jazz manouche
Evan Christopher a décidé un jour de mettre sa clarinette au service du jazz manouche pour lui donner une nouvelle jeunesse et éviter la répétition des motifs forgés par Django Reinhardt qui reste, malgré tout, la référence essentielle. Il faut rendre au créateur ce qui lui revient, d’autant que Django avait utilisé la clarinette dans le quintet qu’il avait créé pendant la guerre. Fapy Lafertin, guitare, avec qui le clarinettiste partage l’affiche de l’album intitulé en toute modestie « A Summit in Paris », sait se servir des leçons du maître pour créer des ambiances spécifiques. Un sommet qui réunit aussi Dave Kelbie, deuxième guitare, et Sébastien Girardot, contrebassiste, deux autres habitués de l’univers de Django.
Le quartet dessine l’environnement de Django en reprenant des classiques comme « Wild Man Blues », repris par Louis Armstrong à la fin des années 1920, qui ouvre l’album ou « Bechet’s Fantasy » que Sidney avait enregistré seul, s’enregistrant sur tous les instruments pour mêlées les compositions de Django, compositions personnelles et construire un album sans fausse note…d’ambiance. Une musique irrésistible dans sa manière d’agencer les instruments et les souvenirs pour dessiner le présent de cette musique.
Nicolas Béniès
« A Summit in Paris », Evan Christopher/Fapy Lafertin, Camille Productions/Socadisc

Jazz, Pierre Christophe live à New York

Melting-pot musical

Pierre Christophe, pianiste, sait se souvenir de tous les styles comme son maître Jacki Byard – un peu trop oublié – pour faire ronfler le piano, lui redonner sa capacité d’épuiser tous les univers du jazz, du boogie jusqu’aux groupes de Charles Mingus sans oublier les musiques d’aujourd’hui. Une manière d’entremêler toutes les mémoires, toutes les époques pour le plaisir de se retrouver, pour la nécessité de ne pas rompre tous les liens avec le passé.
Il n’a pas choisi la facilité. Le trio qu’il a constitué n’est pas traditionnel. Une basse, Joe Martin, à qui est dévolu le rôle de gardien du temps tout en lui conservant une place de soliste à égalité avec les deux autres, une performance et un saxophone ténor, Joël Frahm, un jeune musicien qui perce sur le scène new-yorkaise très encombrée comme toujours, capable d’évoquer les mânes de tous les grands ancêtres et de laisser percer sa propre sonorité, sa propre capacité à exister.
Le trio se fait volontiers quartet pour rendre vivante la musique composée par Jacki Byard. Une musique qui ne se donne pas l’air mais sait provoquer et titiller le corps et l’âme. Enregistré en public, comme le dit le titre de l’album : « Live at Smalls », un club de New York qui obligé les trois compères à se surpasser pour convaincre l’auditoire américain. Et ça marche…
« Live at Smalls », Pierre Christophe, Camille Productions distribué par Socadisc.

Jazz, le passé dans le présent.

Petit voyage dans les temps du jazz via les nouveautés

La musique sur le Net est en perte de vitesse. Le streaming ne fait plus recette. Le retour du Vinyle est un indice. La musique compressée est-elle encore de la musique ?
Les parutions de CD restent multiples. Certains prétendent qu’elles sont trop nombreuses. Il faut, pourtant, répondre à tous les goûts. A travers ses âges, le jazz s’est démultiplié. Sous ce vocable se dissimulent plusieurs époques, plusieurs styles, plusieurs références. Faut-il, pour autant, le mettre au pluriel ? Je ne le crois pas. Il reste une musique issue de la déportation des Africains sur le sol américain, du brassage en résultant de la fusion entre les cultures africaines, européennes et amérindiennes. Le tout procédant d’un processus d’acculturation. Depuis, les affluents se sont multipliés pour dessiner un paysage plus coloré, plus touffus dans un environnement idéologique – le dit libéralisme ou le post modernisme – qui fait s’évanouir le collectif. L’impression du pluriel vient de l’éclatement des formes du jazz, comme dans toutes les disciplines artistiques. La décomposition n’est pas visible seulement sur le terrain politique, elle est aussi à l’œuvre culturellement. Le jazz est, de ce point, de vue, un bon révélateur.

Il n’empêche que tout n’est pas à jeter. Le processus de décomposition se traduit par des enregistrements qui valent le détour. Le 21e siècle n’est pas vide mais la révolution esthétique se fait attendre. Continuer la lecture

JAZZ, un trio

Plénitude.

Un trio, rien qu’un trio pour s’approprier les compositions de Billy Strayhorn, compagnon et alter ego du Duke à son entrée dans l’orchestre en 1938. Billy Strayhorn est un maître du spleen, une sorte de Baudelaire du jazz. Ses compositions mélancoliques, quel que soit le tempo, parlent d’un monde jamais trouvé, de ce monde qui se perd dans la ligne de l’infini.
Un trio, disais-je, alors qu’à l’origine, la plume de Strayhorn est au service de l’orchestre et de sa palette faite de musiciens spécifiques, autant de prima donna. Continuer la lecture

JAZZ, De quelques parutions récentes (1)

Du trio au duo, de l’auto production à la création d’un nouveau label.

Un drôle de trio pour une musique de l’ailleurs.
Un trio ? Un trombone, Gueorgui Kornazov, une trompette, Geoffroy Tamisier et une guitare pour lier le tout, tout en s’opposant aux deux autres, Manu Codjia pour une musique faite de nostalgie et de mélancolie slave en référence à la fois aux grands compositeurs français – Ravel particulièrement – et de l’Europe de l’Est Stravinski et Bartók tout en conservant, un peu, de la pulsation du jazz. Une musique qui fait penser à la fois aux sonnets de Shakespeare mâtiné de Pouchkine et de Maïakovski pour exprimer une sorte de mal être dû à l’exil extérieur et intérieur, un sentiment de mise à l’écart, une difficulté de trouver sa place dans cette société. Soudain, le rire sait triompher en emportant toute cette mélancolie pour donner place à la vie et à ses bonheurs, aux retrouvailles de vieux amis qui ont voyage, un temps, ensemble et savent qu’ils devront se séparer. « Le gris du vent » est un titre qui pourrait servir d’exergue au monde d’aujourd’hui. Ce gris qui tend à devenir la couleur dominante et quand le vent est au gris… Continuer la lecture