Faire tomber les murs.
Le groupe « House of Echo » conduit par le pianiste/claviériste Enzo Carniel se veut une chambre de résonances de toutes les musiques. Le but affirmé pour ce troisième album, « Wallsdown », est de faire tomber les murs au moment où les gouvernements de chaque pays du monde n’ont qu’une seule idée en tête, en construire pour se protéger du reste du monde, des migrants en particulier. Sans comprendre que la culture ne vit que pas la confrontation avec d’autres ou par l’apport de l’Autre.
Pour l’avenir de la musique, les murs et les frontières ne sont pas un obstacle. Pour construire de nouvelles pistes, pour faire surgir la musique de notre temps, il faut soulever toutes les chapes de plomb qui pèsent sur les possibilités de créer.
Pour Enzo Carniel et ses compagnons de voyage : Marc Antoine Perrio, guitare, Ariel Tessier, batterie et sons de pierres, Simon Tailleu, contrebasse et Bruce Sherfield voix, l’ouverture apparaît comme une nécessité vitale. Chez eux, le jazz reste la matrice – disons plutôt, le balancement et la diction – à laquelle se rajoutent les musiques électroniques et des références à la musique contemporaine. Un collage qui fonctionne. Le groupe conduit le cerveau vers des zones peu explorées pour laisser la place à l’imaginaire. L’album est un tout qu’il faut écouter comme tel.
Nicolas Béniès
« Wallsdown », Enzo Carniel – House of Echo, Jazz&People.
Ouvert à tous les vents.
Un trio bizarre : une trompette, Kenny Warren, aussi le compositeur des thèmes de l’album, « In the Heat », dans la fournaise newyorkaise l’été, une basse, Matthias Pichler qui joue un rôle essentiel de soubassement rythmique et un batteur, Nathan Ellman-Bell déployant toutes les ressources de l’instrument pour dialoguer avec l’un ou l’autre tout en prenant sa place. Les références sont multiples bien que les titres des thèmes racontent une histoire pour donner à la musique une plus grande consistance. Ornette Coleman, l’AACM – une association créée à Chicago longtemps présidée par Muhal Richard Abrams -, en particulier Roscoe Mitchell, la musique des Balkans et la musique contemporaine. La pulsation du jazz est présente, surtout véhiculée par le bassiste, mais pour le reste le travail du trio s’éloigne des canons habituels du jazz, même du free.
Le parcours du trompettiste, Kenny Warren, lui-même est révélateur de cette nouvelle épopée, du folk au free, du jazz aux musiques américaines. Le trompettiste murmure, feule, crie, rit pour construire un monde qui sort de ce monde. Un périple étrange qu’il faut suivre pour comprendre les interrogations actuelles sur le périmètre du jazz.
Une musique qui sait se suffire à elle-même.
Nicolas Béniès
« In the Heat », Kenny Warren trio, Whirlwind Records.