Polar d’hier revu et d’aujourd’hui

Une lecture renouvelée d’un classique
« Rien dans les manches »  de William R. Burnett avait déjà été réédité en Folio, traduction de Jacques-Laurent Bost pour la Série Noire en 1952. Pourquoi une nouvelle édition dans Folio Policier ? Une redondance ? Que Nenni ! Un nouvel éclairage pour apprécier le talent de Burnett. La révision effectuée par Marie-Caroline Aubert donne une plus grande plasticité au texte et rajoute quelques scènes coupées faute de place. Marcel Duhamel imposait le respect des 128 pages maximum. Continuer la lecture

Idées cadeaux Musique. Le Patrimoine revisité.

Qui se souvient de Christian Chevallier ?
Arrangeur, compositeur, chef d’orchestre. Salué par l’Académie du Jazz le coffret Frémeaux et Associés qui lui est consacré décoiffe. D’abord parce qu’il reprend la musique du film de Melville, « Deux hommes dans Manhattan » – mystique des films noirs, comme ont uniquement en Français -, avec Martial Solal au piano, ensuite parce qu’il présente les orchestres qu’il a dirigés, enfin parce qu’il donne à Christian la place qui est la sienne. Indispensable.
N.B.
« « Deux hommes dans Manhattan », suivi de l’intégrale Christian Chevallier, le prince du jazz français 1955-1962 », coffret de trois CD, livret de Olivier Julien, Frémeaux et associés

Tout le monde connaît Quincy Jones !
Il fallait bien à la fois se souvenir qu’il fut un chef d’orchestre de jazz, arrangeur, compositeur, qu’il étudia avec Nadia Boulanger et forma un orchestre avec Eddie Barclay. Frémeaux propose de reprendre ses premiers albums sous son nom de 1957 à 1962 en 4 CD – soit l’équivalent de 8 albums et quelques reprises de ses années suédoises en 1953 – pour s’alimenter de ce temps où tout semblait possible. Il faut découvrir aussi les musiciens, musiciennes – la tromboniste Melba Liston, la pianiste Patti Bown – qui forment une cohorte joyeuse et soudée.
N.B.
« Intégrale Quincy Jones, 1957-1962, Soul Bossa Nova », coffret de 4 CD, livret de Olivier Julien, Frémeaux et associés.

Idées Cadeaux (suite), littérature, Beaux-Livres et une enquête sur la Chine

Comment dit-on brigand au féminin ?
« Brigantessa », en Italien et, par ce roman de Giuseppe Catozzella, en Français. 1848, l’année des Révolutions et du « Manifeste du Parti Communiste » de Marx et Engels – grand texte littéraire secoué par le souffle de la Révolution – qui voit des révoltes surgir de tout côté dans la botte en se répandant derrière l’exigence de Garibaldi de l’indépendance. En contant le destin de cette femme, Maria Oliverio, l’auteur met en scène à la fois l’oppression des femmes obligées – ce ne sera pas la seule – de se déguiser en homme pour prendre son destin en main. Elle sera « Brigantessa », chef de bande et subira le sort de tous les vaincu.e.s. Une histoire « vraie » peut-être, un feuilleton sans nul doute. Idéal pour les longues soir&es d’hiver.
N.B.
« Brigantessa », Giuseppe Catozzella, traduit par Nathalie Bauer, Buchet-Chastel Éditions.

Beaux Livres
« Chagall Politique, le cri de la liberté », le titre du catalogue de l’exposition présentée d’abord au Musée de la Piscine à Roubaix (jusqu’au 7 janvier 2024), ensuite au Musée Marc Chagall de Nice ( du 1er juin au 16 septembre 2024) a de quoi interroger. La démonstration présentée par Ambre Gauthier et son équipe permet de proposer un angle de vue original de l’œuvre de Chagall. Pour mettre en lumière des détails mais aussi des documents inédits retrouvés dans les archives de Marc et Ida Chagall de manière à exprimer son combat humaniste.
N.B.
« Chagall politique », sous la direction de Ambre Gauthier, Gallimard

Et la Chine ?
« La Chine ou le réveil du guerrier économique » représente le fruit de trois années d’enquêtes de Ali Laïdi qui a interrogé, diplomates, chercheurs, responsables d’entreprises pour essayer de déterminer ce qu’il appelle le « modèle d’intelligence économique chinois ». Il date ses débuts de Deng Xiaoping, le moment de la transition vers le capitalisme conduit – mais l’auteur ne s’y arrête pas – par un Parti Communiste marqué du sceau du stalinisme. IL reste un livre très bien conduit, construit qui permet, au-delà d’un modèle vraisemblablement introuvable, de rendre compte de la volonté des dirigeants et des populations d’accéder au rang d’une grande puissance mondiale dont le développement cesse d’être dépendant des grandes puissances – dont les États-Unis – par le biais du commerce mondial pour s’orienter vers un développement autocentré en s’autonomisant des firmes multinationales.
N.B.
« La Chine ou le réveil du guerrier économique », Ali Laïdi, Actes Sud.

Idées cadeaux, Littérature

Au plus près de l’émotion
« Une si longue absence » est un curieux roman. Au sens strict, mis à part le crime de départ, il ne se passe rien à proprement parler. Mais Andre Dubus III arrive à tenir le lecteur en haleine avec des petits riens, un homme atteint d’un cancer, Daniel Ahern, voudrait dire – c’est le nœud du problème – à sa fille, Susan, qu’il l’aime simplement et… il ne peut pas. La mère de son épouse ne lui pardonne pas, une manière de remplir sa vie, les souvenirs prenant le pas sur la mémoire pour que chacune s’enferme dans une tour d’ivoire empêchant de prendre en compte l’autre et son amour éperdu.
Un grand roman qui parle aussi des États-Unis d’aujourd’hui et de leurs déchirements.
N.B.
« Une si longue absence », Andre Dubus III, traduit par France Camus-Pichon, Actes Sud

Un poème épique,
« Manhattan project », avec chœurs et récitants. Stefano Massini utilise l’art antique du chant pour mettre en scène les jeunes et brillants physiciens autour de Robert Oppenheimer, en 1938, qui étudient la mise au point d’une bombe atomique. Les doutes, les avancées se mêlent dans l’avancée des recherches et dans le poème lui-même capable de souligner toutes les dimensions d’un groupe secret forcément et replié sur lui-même, submergé par les découvertes et la compétition avec l’Allemagne nazie, sans le recul nécessaire pour apprécier la dimension barbare de cette arme ultime.
N.B.
« Manhattan project », Stefano Massini, traduit par Nathalie Bauer, Globe éditions

L’art du feuilleton
« Les mystères de Paris », une réédition en 4 tomes. L’art du feuilleton au 19e siècle, ancêtre des séries pour conter les bas quartiers de la capitale par l’intermédiaire d’un justifier, un aristocrate, une classe sociale déclassée face à des marginaux et en alliance avec certain.e.s pour nettoyer la société des malfaisants. Marx avait jugé cette fresque comme factice et dénuée de toute compréhension. Disons que Eugène Sue voulait divertir, y a réussi et est devenu riche. Les lire ces mystères qui en ont beaucoup perdus comme une borne dans notre histoire littéraire.
N.B.
« Les mystères de Paris », 4 tomes, 10/18

Un poème en prose et un conte afghan
« Les cerfs-volants de Kaboul » se veut découverte de l’Afghanistan. Khaled Hosseini, qui vit aux Etats-Unis, présente son pays dans les années 1970, puis l’exil aux États-Unis. Les difficultés du père – Baba dans la langue de l’auteur – à s’intégrer dans cette société dont il ne comprend pas les codes et à peine la langue, est une description qui sonne juste des sentiments de tous les déplacé.e.s. Le cerf-volant représente l’image de liberté, de l’enfance, de l’amitié mais aussi d’une liberté perdue qui se symbolise dans l’ami perdu du narrateur. Le retour aux pays sous le joug des talibans est l’autre intérêt de ce roman quasi autobiographique, qui fait aussi la part belle aux contes de l’enfance.
N.B.
« Les cerfs-volants de Kaboul », Khaled Hosseini, 10/18

Dans la tête de l’Autre

« L’Autre Nom » est un miroir déformé de deux trajectoires possibles. John Fosse, norvégien et prix Nobel de littérature 2023, au style d’écriture proche de James Joyce, pénètre dans l’univers de deux peintres au nom semblable, Asle. L’un vit en reclus, l’autre a les honneurs du public. Deux existences interchangeables. Pourquoi l’un a réussi et l’autre pas, question éternellement posée qui n’a que de lointains rapports avec le talent – une notion difficile à définir. Le Asle qui a réussi se met dans la tête d’aider son Autre lui-même. L’auteur, à l’instar d’un Claude Simon, nous balade dans les mémoires du – des ? – peintre. Il faut découvrir cet auteur étrange, pas encore très connu en France
N.B.
« L’Autre Nom », Jon Fosse, traduit par Jean-Baptiste Coursaud, Christian Bourgois Éditions.

Une découverte à ne pas rater

« Ravages » de Violette Leduc. Gallimard avait déjà publié ce récit – roman ne convient, autobiographie pas totalement – largement amputé de sa première partie désorganisant l’ensemble, comme le soulignent les deux préfacières Camille Froidevaux-Metterie et Mathilde Forget. « Édition augmentée » dit le sous titre, manière de dire que la censure de l’époque a détruit la construction de cde texte. Violette Leduc sait trouver les mots pour faire ressentir l’amour, ici lesbien, et décrire un viol. Se dégage de cette nouvelle version une force littéraire qui provoque un torrent d’émotion. L’équipe réunie autour de Margot Gallimard a réalisé un travail vital pour rendre vivante l’art de Violette Leduc.
N.B.
« Ravages », Violette Leduc, Hors Série l’Imaginaire/Gallimard.

Science… et médecine légale
« Gravé dans l’os », source de polars. Sue Black est une anatomiste et anthropologue médico-légale, une médecin légiste pour parler autrement, qui nous fait visiter les cas qu’elle a eus à traiter. Elle passe en revue les différents parties du corps pour expliquer comment décrypter les lésions sur les os. Le squelette est un révélateur. A chaque fois, l’enquête pourrait fait l’objet d’une intrigue.
N.B.
« Gravé dans l’os. Les enquêtes étonnantes d’une médecin légistes », Sue Black, traduit par Lucie Modde, Actes Sud

Science… et BD
« Mais où est donc le temple du Soleil ? » et Hergé ? Roland Lehoucq et Robert Mochkovitch, deux astrophysiciens, étudient les références scientifiques de Hergé dans toutes les aventures de Tintin. Apparaît que Hergé s’appuie sur les théories de son temps, sans trop inventer. Les auteurs, sur la base de cette appréciation, développent les avancées actuelles. De quoi réaliser, de manière ludique, un traité sans trop le dire. Un beau cadeau pour les grands qui, sans doute, gardent un souvenir ému de Tintin, Milou et, bien sur, le capitaine Haddock.
N.B.
« Mais où est donc le temple du Soleil ?  Une enquête scientifique au pays d’Hergé », Roland Lehoucq, Robert Mochkovitch, Flammarion

Les réalisatrices
« Moteur ! Elles tournent », le féminisme en action. Un coffret qui réunit trois réalisatrices en deux films et une autobiographie. Agnès Varda, « Cléo de 5 à 7 » – Corinne Marchand inoubliable comme le voulait la réalisatrice -, Chantal Ackerman, « Ma mère rit » – pour que sa fille pleure – et Alice Guy, longtemps oubliée qui fait de « La fée cinéma » la réhabilitation nécessaire d’une pionnière essentielle de cet art du 20e siècle. Plus que les frères Lumière, elle est celle qui permet au cinéma d’advenir. Comme dans les autres arts, les femmes ont longtemps été oubliées, ensevelies sous le poids des mâles. Redonner vie à Alice Guy est vitale pour notre mémoire.
Chaque livre est précédé de deux – ou trois pour Alice Guy – préfacières qui mettent expliquent, mettent en lumière les préoccupations des réalisatrices. A chaque fois, elles permettent d’interroger le film en soulignant la prise de position féministe.
Essentiel.
N.B.
« Moteur ! Elles tournent », L’Imaginaire/Gallimard avec Télérama.

Polars historiques, 1871, 1905 et Lyon 1786

Melting pot littéraire
« Geronimo et moi » est un bon titre d’appel mais ne résume en rien l’ambition de l’auteur, Lilian Bathelot qui, dans un même mouvement et à travers l’écriture du journal de Francine Vay dessine une fresque de la fin du 19e siècle. Une petite paysanne, éduquée par les Sœurs, se fait violer par son patron, apprend à accepter son sort jusqu’à rencontrer une libraire qui milite pour la reconnaissance des droits des femmes. Lectures, conférences et elle devient journaliste pour le « Cri du peuple » dirigé par Vallès avant et pendant la Commune. Elle voudrait publier son enquête sur le trafic de femmes dans la Capitale mettant en cause des notables, protégés par Thiers à la tête des Versaillais et des Prussiens pour réprimer dans le sang les révolutionnaires trop près du ciel. Francine croise Louise Michel dont elle fait un portrait laudatif.
Que pouvait-il advenir à la suite de la semaine sanglante qui porte bien son nom ? La fuite est une fuite vers les États-Unis comme beaucoup de membres de l’AIT, l’Association Internationale des Travailleurs, la Première Internationale, avant et après cette période à l’origine du syndicalisme américain d’abord clandestin. Dans la formation de ce mouvement ouvrier, les frontières n’existent pas entre la lutte syndicale et politique. Ce sera à la Deuxième Internationale de le faire…
A partir de cet exil, les deux récits s’entremêlent. Un exercice de mémoire de Francine et sa réalité de « pionnière » dans un chariot comme on le voit dans tous les westerns jusqu’à sa rencontre avec Geronimo qui lui fait prendre une nouvelle nationalité, celle des Apaches puis des Navajos pour vivre en accord avec ses principes. Continuer la lecture

La Régence saisie par Law

Histoire économique et monétaire romancée

L’idée de ce roman, « La monnaie magique », provient de l’air d’un temps qui s’éloigne avec l’augmentation des taux de l’intérêt. Dans la période qui suit 2015, en réponse à la crise systémique de 2007/2008 et à la déflation, la baisse drastique des taux de l’intérêt – des taux d’intérêt négatif, une grande première dans l’histoire du capitalisme – a pu laisser croire à des financements miraculeux. La création monétaire a alimenté à la fois les Etats et la spéculation sur les marchés financiers sans pour autant se traduire par la hausse des investissements productifs. L’endettement s’est généralisé permettant des énormes profits.
Sylvain Bersinger, économiste, membre d’un cabinet de conseil, a voulu comprendre le système mis en place par Law, au moment de la Régence de Philippe d’Orléans, après la mort de Louis XIV en 1715. Comme nous, il a lu « Le Bossu » de Paul Féval – « si tu ne viens pas à Lagardère… » – qui se déroule, pour l’essentiel, rue Quincampoix, haut lieu de la folie spéculative à Paris. Il a donc repris le personnage du Bossu pour offrir un interlocuteur à Law pour expliquer le système qu’il met en place qui associe la monnaie de papier et des actions sur la compagnie de la Louisiane – une colonie – censée générer des profits futurs. La croyance fait le reste. Le futur et la croyance sont les deux fontaines des marchés financiers. Continuer la lecture

Le polar dans ses modes

Polar politique
« Les morts de Beauraing » est en prise avec les réalités déformées qui nous servent d’environnement. Un attentat a eu lieu dans cette agglomération bruxelloise. Il a visé la communauté catholique et le banc des accusé.e.s est rempli de jeunes belges attirés par le djihad. Un choc. Yves Demeulemeester et Leopold Verbist, associés dans une petite agence de presse, décident d’enquêter. Et la vision simpliste d’un ministre de l’intérieur perd de sa netteté. Se mêlent à eux, une militaire d’active, Ingrid Mertens, qui veut venger la mort de son fils adoptif pour faire imploser toutes les données et faire jaillir d’autres pistes, d’autres intérêts de groupes qui n’ont aucun respect pour la vie humaine et veulent servir Dieu, le grand diviseur de notre temps. Les responsables ne sont pas là où tout le monde regarde. Continuer la lecture

Portrait de l’auteur en habits d’historien des idéologies


Science économique ? Vous avez dit « science » ?

« Portrait du pauvre en habit de vaurien » se voulait le premier opus d’un programme de recherche de Michel Husson portant sur les dispositifs de légitimation de la pauvreté (au 19e) puis du chômage aux siècles suivants « en soulignant les similitudes et les inflexions », comme il l’écrivait en 2021. Il s’agit donc de rendre compte de la manière dont l’économie politique traite les questions de « surnuméraire » – pauvre ou chômeur -, en explicitant les soubassements idéologiques pour comprendre les types de réponse proposés.
Le résumé est facile et bien connu : si les pauvres sont pauvres, les chômeurs chômeurs c’est de leur faute, de leur responsabilité individuelle. La politique de l’État doit donc les forcer à travailler en diminuant toutes les dépenses sociales, l’assistanat. Ainsi la politique économique de Macron ne vise pas seulement à diminuer les dépenses publiques mais répond à des considérants idéologiques plus profonds. Continuer la lecture

Un monde inédit

Un monde secoué par les crises

La configuration de l’économie mondiale à de quoi étonner. L’économie chinoise entre en déflation confrontée à une faiblesse de la demande et à une offre excédentaire qui devrait fait chuter les prix alors que l’Argentine est confrontée à une hyper-inflation et à crise de la dette qu’une aide du FMI voudrait combler. Le monde post-Covid est marqué par l’inédit et une incertitude renforcée. La crise climatique est aussi un facteur de dérèglements économiques. Continuer la lecture

Revoir l’histoire du blues et du jazz par les femmes

Ma Rainey mère du blues et du jazz

Les femmes, éternelles oubliées de toutes les histoires, pillées au-delà de toutes les raisons, poussent toutes les ombres pour se situer sur le devant de la scène, juste revanche de siècles d’oppressions et de dénis. Soudain le paysage change, prend d’autres dimensions. Il sort du plan et même du 3D pour figurer de nouvelles couleurs. Une partie du patrimoine culturel se redécouvre pour restructurer nos manières de voir et d’entendre. L’époque en manque pas de piquants et d’énormes remises en cause.
« Ma » Rainey a longtemps été occultée dans toutes les histoires du jazz et du blues. Elle n’était belle que sur scène dans son génie de faire vivre le blues, ces morceaux de vie des populations africaines-américaines. Elle a fait partie, au début du 20e siècle, des « vaudevilles », des spectacles itinérants mêlant cirque, spectacles de danses et… le blues qu’elle a propulsé au rang d’art à part entière avant même le grand succès en 1920 rencontré par « Mamie » Smith ou l’arrivée, dans toute sa splendeur de l’impératrice Bessie Smith, une amie proche qu’elle a influencée. Elle a, la première, donné sa chance à Louis Armstrong qui enregistrera aussi avec Bessie Smith comme un jeune homme timide qu’il était alors, deuxième trompette dans les groupes de King Oliver.
Il fallait un livre, en français, pour redonner à « Ma » Rainey – parce qu’il y a un « Pa » Rainey – toute sa place. « Ma Rainey, le blues est une femme » signé Frédéric Adrian, journaliste à « Soul Bag » – une revue essentielle – veut tenir ce rôle. Il prend la suite du film de 2020 « Ma Rainey’s Black Bottom », et avant de Angela Davis qui lui a redonné vie.
Difficile pourtant de retracer une vie constituée pour l’essentiel de tournées dans le Sud sinon pour faire la démonstration essentielle : sa popularité et ses créations de blues devenus grâce à elle, des airs de répertoire. L’auteur la décrit dans ses habits de scène, essayant de cerner via les articles de journaux de l’époque, sa présence, son génie.
Comme toutes les femmes du blues et du jazz qui lui succéderont, elle sera féministe et bisexuelle une solidarité nécessaire dans ce monde d’hommes étalant leurs prérogatives et leur domination.
Il reste des traces de son passage via les enregistrements qu’elle effectuera souvent avec des musiciens de jazz notamment le grand tromboniste, grande voix du blues lui aussi, Charlie Green. Tous ne sont pas de très grande qualité mais ils permettent de pénétrer dans ce monde où règne « Ma » Rainey ouvrant la porte et les fenêtres à des recherches sur l’histoire de ces musiques. Le fantôme de « Ma » Rainey n’a pas fini d’arpenter nos mémoires.
Nicolas Béniès
« Ma Rainey, le blues est une femme », Frédéric Adrian, Éditions Ampelos.