Polars et livres noirs de février 2015(1)

Un vent qui nous vient d’Allemagne, un vent frais…

finsterauUn titre mystère pour qui ne connaît pas la Bavière : « Finsterau », un petit village pris dans la tourmente de cette bizarre fin de deuxième guerre mondiale où rien n’apparaît possible, où le meurtre gratuit s’inscrit dans la configuration d’un pays écroulé, sans référence.
Une jeune femme, Afra, revient chez ses parents avec son fils de deux ans né des amours malheureuses avec un Français. On en a tondu pour moins que ça. Elle est au bout d’un rouleau qui se dévide pourtant encore un peu. Comme en sursis. L’avenir se dérobe. Pour elle comme pour la Nation.
Reste son fils qu’elle veut élever et défendre à tout prix.
Le père d’Afra est une « grenouille de bénitier », pour employer une expression française. Il croit en un Dieu bizarre malgré toute la barbarie accumulée dans le pays par les hordes nazies. Il est muré dans un silence qui a quelque chose à voir avec la répression nazie qui frappait au hasard pour conserver la main mise sur les populations.
En veut-il à sa fille ou à lui-même ? Pas un jour ne se passe, en cette année 1947, sans engueulades entre le père et la fille. Alzheimer le menace – le nom n’existe pas encore – sans qu’il en prenne vraiment conscience.
La fille et le petit garçon sont assassinés. On enferme le père. 18 ans après, l’enquête est rouverte… Continuer la lecture

Rencontres-collages de cultures.

Musiques et paroles

Hubert Dupont est bassiste pour ceux et celles qui l’ignoraient encore. Mais aussi compositeur et architecte d’univers sonores. Le jazz n’est, pour lui, qu’un des affluents de la musique en train de se faire. On sait bien, depuis « Tintin » au moins, qu’il ne faut pas confondre tous les Dupont… Il faut mettre celui-là à part…
Dans ce nouvel album, enregistré en public, il confronte deux types de poésies, de slams. Celui de Mike Ladd, un Étasunien parisien, et celui de Ibrahima Diassé venant de la tradition sénégalaise, le tassou « un slam traditionnel en wolof » – pour citer la présentation -, le wolof étant une des langues importante de nations africaines. Hervé Samb est à la guitare, Naïssam Jalal est à la flûte et Maxime Zampieri à la batterie – un long solo lui est dévolu sur « Baisse la clim », une manière de rendre compte des mutations climatiques – pour construire les murs de cette maison non terminée. Le toit est inexistant par volonté. Pour ne pas s’enfermer. Continuer la lecture

Hommage vivant à un compositeur vivant

Souvenirs, souvenirs

meecoVoici un curieux album. « Souvenirs of love » est un titre qui n’a pas besoin d’être traduit. Meeco – Michael Maier pour l’état civil – marie ses compositions et ses interprètes pour faire la démonstration de son talent éclectique. Un compositeur respecté si j’en crois la présentation, mais resté – j’en témoigne – largement inconnu. Il n’en faut pas plus pour entendre ces souvenirs d’amour passés, présents et, pourquoi pas, futurs.
L’œil de l’amateur de jazz est attiré par la présence de John Scofield, un des guitaristes qui comptent, et par celle du batteur Victor Lewis. Il faut y ajouter Richard Bona, bassiste et chanteur, aux confins du jazz et de la variété mâtiné de ces « musiques du monde » qui doivent beaucoup au continent africain.
Pour le reste la soul music et le jazz se retrouvent dans ces évocations d’amours perdues et retrouvées. La pochette – ou l’équivalent pour le CD – ressemble à une présentation des musicien(ne)s d’aujourd’hui, partie prenante de ce défilé. La liste est longue et s’inscrit sur le côté droit de la page visible. A l’intérieur, photos et commentaires permettent de voyager dans le temps et dans l’espace pour découvrir une sorte de confrérie.
Comme à moi sans doute, le nom de « Meeco » ne vous dit rien. Il serait pourtant dommage de passer à côté de cet album plein de charme, de tendresse et surtout de musique.
Nicolas Béniès.
« Souvenirs of love », Meeco, Double Moon Records distribution New Arts International

Maurice Ravel reste dans les mémoires…

Un Roman ?

Les forêts de RavelMaurice Ravel, compositeur français (1875-1937), est un mystère. Les biographes savent peu de chose sur sa vie hormis sa manière de composer, ses dépressions et sa joie de créer. Sur sa vie sexuelle, le vide complet. On a dit beaucoup de choses, qu’il était « gay », sans qu’aucune preuve ne soit apportée.
En 2006, Jean Echenoz lui avait consacré un « roman » dont le titre brillait par sa brièveté « Ravel » (Éditions de Minuit). Il y racontait les 10 dernières années de la vie du compositeur qui meurt au moment même de l’Exposition universelle et de la création des disques Swing par Charles Delaunay, lui qui aimait se perdre dans les boîtes de jazz. Il a influencé de grands musiciens de jazz comme Bill Evans. Après s’être abreuvé de cette musique sans nom que l’on «écoute très tôt dans ce Paris ouvert à toutes les cultures, à toutes les révolutions. Comme Darius Milhaud, même si, du côté de Ravel c’est dans une moindre mesure, il a reconnu la place fondamentale de cette nouvelle musique. A Gershwin qui venait le voir pour apprendre de lui, il avait répondu « Combien gagnez-vous ? » et la réponse astronomique de l’autre lui avait fait répondre : « C’est à vous de me donner des leçons » !
Fallait-il, pour autant, un autre « roman » pour raconter quasiment la même histoire ? Michel Bernard a répondu positivement. « Les forêts de Ravel » sont une sorte de promenade dans la vie et l’œuvre du compositeur et pianiste virtuose.
Il a voulu partir à la guerre de 14-18. Son faible poids, sa petite taille mais aussi son âge, sa notoriété et sa manière de s’habiller l’ont fait rejeter. Il s’est prévalu de son poids plume pour devenir aviateur… Refus encore. Il deviendra conducteur de camion et, à la fin d’une camionnette. Comme Echenoz, Michel Bernard suit les pérégrinations du conducteur Ravel traversant les forêts et les lignes de front. Le tout avec une légèreté de l’écriture qui semble vouloir répondre à la légèreté apparente du moins des compositions raveliennes.
Pourquoi Michel Bernard a-t-il voulu une fois encore revenir sur ce parcours ? Pour faire partager son amour de quelques compositions de Ravel ? Pour le faire, une fois encore redécouvrir, Pour souligner sa modernité ? Je ne sais.
Étrangement pourtant, le lecteur se laisse envahir par cette vie étrange, un peu fantomatique. Le roman donne l’impression de fréquenter un pur esprit capable non pas de vivre mais de composer. Seulement de composer. Une fois le livre renfermé, on s’interroge. Ravel n’a-t-il pas ici disparu au profit de sa musique ? Le personnage s’est évanoui, l’homme n’existe plus…
C’est peut-être là que gît la volonté de l’auteur. Où est la vie ? Dans la forêt ? Dans la solitude ? Pour créer faut-il être associable ?
La lecture est un plaisir pervers. Plus encore pour ce livre…
Nicolas Béniès.
« Les forêts de Ravel », Michel Bernard, La Table Ronde.

Renouveau du débat sur les alternatives.

Quelles réponses à la crise systémique du capitalisme ?

La crise systémique du capitalisme ouverte en août 2007 s’inscrit dans le contexte d’une onde longue à tendance récessive – ou phase B du Kondratieff – qui débute en 1974-75. L’idéologie libérale est en train de s’évanouir comme référence. La vision du monde des politiques aurait dû fondamentalement changer pour répondre à l’impératif de ce basculement. Pour l’instant, cet impératif s’est heurté à l’inertie des politiques qui restent enfermées dans le libéralisme malgré toutes les dénégations de la réalité.
« Le capitalisme a-t-il un avenir ? » – titre de ce livre collectif de « macro-historiens », ceux et celles qui considèrent les évolutions des systèmes ou des interactions à l’échelle de plusieurs siècles – est une question clé qui provient directement de l’analyse de « l’économie-monde » pour parler comme Braudel et Wallerstein. Le capitalisme a atteint ses limites en termes d’accumulation du Capital, de l’exploitation de ce bien gratuit qui est la terre. La crise écologique et la mutation climatique obligent à des réponses fondamentales pour permettre de donner un avenir aux générations futures. Continuer la lecture

La poésie comme nécessité pour approcher l’indicible

Comment dire la barbarie, l’amitié et l’amour, la disparition ?

Les assassinats des caricaturistes comme ceux de l’hyper casher ont suscité de l’émotion. Et des réactions de restriction des libertés malgré tous les beaux discours. Mais seuls les poètes savent se mettre à distance pour éviter tout esprit de vengeance tout en faisant œuvre de mémoire. Juan Gelman, poète argentin mort en 2014, écrit pour ses amis, ses amours morts sous les coups de la dictature. Ces poèmes s’adressent aussi à nous. Ils nous parlent de ces meurtres qui laissent un goût de barbarie, une senteur d’un monde en train de se décomposer. Plongez-vous dans ce recueil « Vers le sud et autres poèmes », allez voir la postface de Julio Cortazar. Elle dit l’essentiel pour s’introduire dans les mondes de cet auteur qui vous deviendra essentiel.
N.B.
« Vers le sud et autres poèmes », Juan Gelman, présenté et traduit par Jacques Ancet, Poésie/Gallimard.

Le coin du polar de janvier 2015


Le polar dans ses états

La Série noire fait peau neuve. Une fois encore. Pour fêter son 70e anniversaire. Fondée en 1945 par Marcel Duhamel, de retour des États-Unis avec une profusion de ces livres bon marché, des « Pulp fictions » – du nom du mauvais papier sur lequel ils sont imprimés – qu’il va faire traduire en un format immuable et au langage qui fait la part belle à l’argot parisien. Une sorte de trahison pour rendre hommage à la collection. Jacques Prévert sollicité pour le titre trouvera, avec sa simplicité coutumière, « Série noire ». La collection évoluera au fil du temps. 70 ans après, elle fera la part belle à la nouvelle génération d’écrivains français à commencer par Elsa Marpeau qui détourne le souvenir des 70 ans en mettant en scène un meurtre en 2015 lié à cette année 1945. « Et ils oublieront » est un titre tout en sous-entendus…
Restons chez les écrivains français de romans avec Jean Chaumeil qui commet là son « premier crime ». Il est dans la mode actuelle faite d’un personnage qui se raconte, là un tueur à gages qui n’a pas de nom. Il se trouve embringué dans une histoire qu’il ne comprend pas – nous non plus quelque fois – entre milices d’espions proches du fascisme en Italie, la CIA et autres fractions plus ou moins légales dans le contexte des attentats du 11 septembre 2001. La destruction des tours – le titre « Ground zéro y fait explicitement référence – lui permet des retours en arrière pour saisir l’enfance d’un tueur à gages et son acceptation de toutes les compromissions. Pas toujours convaincant. Il doit exister des limites en chaque individu. L’appât du gain ne suffit pas… Un peu trop téléphoné mais cet essai laisse présager un futur auteur…
Passons le Channel et remontons le temps pour suivre les aventures de Giordano Bruno exilé en Grande-Bretagne et poursuivi par l’Inquisition pour cause de théorie hérétique. Il prétendait que la terre tournait autour du soleil ! Il sera brûlé vif en 1600 et aura une grande descendance. La mémoire collective l’avait oublié. On ne sait pas grand chose de ce philosophe et savant, même sa date de naissance… Pour ce quatrième opus, S.J. Parris nous projette en août 1585, à Plymouth pour le départ de la grande expédition que prépare Francis Drake contre les navires espagnols alors que la guerre n’est pas déclarée. Elizabeth – Première du nom – se sert des corsaires pour pratiquer une sorte de guerre froide. La flotte est bloquée, un meurtre a été commis. S.J. Parris dresse un portrait du corsaire, de ses origines et de ses relations avec la Cour. « Trahison » pourrait ici s’écrire au pluriel tant les hérétiques se succèdent autour d’un Évangile non reconnu par le Vatican, celui de Judas l’Iscariote. Des remises en cause multiple qui marque ce 16e siècle, siècle de basculement. Une série qui à la fois permet de réviser son histoire et de lire un « Thriller ».
Nicolas Béniès.
« Et ils oublieront », Elsa Marpeau, Série noire/Gallimard ; « Ground zéro », Jean-Paul Chaumeil, Rouergue Noir ; « Trahison », S.J. Parris, traduit par Hélène Prouteau, 10/18.

Le réseau FOCUS JAZZ présente : 1 MOIS DE JAZZ EN BASSE-NORMANDIE MARS 2015

Un programme en folie…

Le jazz près de chez vous. Plus aucune excuse de rater un concert et il en sera de faramineux si l’on lit le communiqué ci-après annonçant cette manifestation. Ce sera, de plus, la dernière manifestation du CDJN en tant que tel. L’année prochaine est grosse de dangers. Comment poursuivre ? Vous remarquerez dans le communiqué annonçant la chose, la répétition de « Basse-Normandie », sans doute pour exorciser les démons de la mutualisation qui pourraient se traduire par la disparition de cette manifestation culturelle importante parce qu’elle permet de faire connaître les musicien(ne)s de jazz et le jazz lui-même, en allant au plus près du public.

Voici le communiqué :
La Basse-Normandie possède une scène jazz et musiques improvisées très riche ; elle dispose d’un important vivier de musiciens et d’un nombre croissant de structures et de lieux de diffusion.
Avec « 1 mois de jazz en Basse-Normandie », le réseau Focus Jazz veut souligner la vitalité du jazz en Basse-Normandie et mettre en lumière aussi bien les musiciens qui y vivent que les structures qui les programment.
Porté par le Collectif Jazz de Basse-Normandie et coordonné par un comité de pilotage associant Le FAR et acteurs du jazz régional, le réseau et son événement phare sont l’occasion de créer des liens entre les musiciens, les diffuseurs, les écoles de musique, les écoles,… Pour cette 9e édition, 34 structures associées proposent près de 35 dates de concerts, 1 exposition, 9 actions culturelles dont 1 stage, 2 ateliers, 2 résidences, 3 conférences-concerts, 1 répétition commentée. 29 événements programment des artistes bas-normands, professionnels et amateurs.
Retrouvez le détail de la programmation s/ www.focusjazz.fr
Un aperçu : Das Kaff à Orbec, Ana Kap à Valognes et Trio 1901 à Caen le 6 mars, Samy Thiébault 4tet à Caen et Gominachar à Hérouville St-Clair le 7 mars, LFC à Caen le 11 mars, Antiloops à Alençon et LFC à Caen le 12 mars, Knoonk & atelier jazz de Coutances avec Airelle Besson à Coutances, Renza Bô à Alençon et Doré/Marthouret 4tet et Ancient Ritual à Caen le 13 mars, Nicolas Folmer à Louvigny et Ana Kap à Avranches le 14 mars, Pascal Vigier
4tet à Louvigny et Rouen/Caen 4tet à Caen le 19 mars, Japanese Songs à Mathieu et Jazz dans les prés à Esquay s/Seulles le 20 mars, Trio Cordes à Bretelles à Cherbourg, LFC à Fermanville, Faada Freddy à Alençon et Jazz dans les prés à Putot en Auge le 21 mars, OMEDOC & Olivier Benoit à Flers le 22 mars, « 1 soirée, 2 compagnies » à Colombelles le 24 mars, concert des ateliers de Caen Jazz Action à Caen le 25 mars, Jardin/Gaudin/Culot à Caen et Doré/Marthouret 4tet à Alençon le 26 mars, Chassol et Florent Gac Trio à Caen et Isabelle Carpentier 4tet à Louvigny le 27 mars, journée électro expérimetale avec Aude Romary et Jérôme Noetinger, nuit expérimetale avec OMEDOC, Olivier Benoit et les élèves du conservatoire de Caen et jam session du stage de jazz vocal à Caen, Youn Sun Nah à Touques et Combo Trio à Esquay s/Seulles le 28 mars, Duo Jérôme Noetinger/Aude Romary à St Germain d’Ectot le 29 mars, 1 exposition à Flers, 9 actions culturelles à Caen, Colombelles, Falaise, Flers, Fleury s/Orne et Tilly s/Seulles.

Le plan grec irréaliste ?

Chronique économique du vendredi 30 janvier 2015 (radio Racailles)

La Grèce est sur le devant de l’actualité. En moins d’une semaine le gouvernement de Siriza et de son Premier ministre Alexis Tsipras ont multiplié les déclarations et les annonces. Les autres pays de l’UE ont mis en œuvre des contre-feux pour paralyser l’« effet Siriza ». Contre vérités, menaces à peine voilée, demandes contradictoires tout y est passé. Ce dimanche (1er février, moment d’écriture de cette chronique enregistrée en direct vendredi)) les bombes ont fait pschitt… pour le moment.
La mobilisation de « Podemos » en Espagne y est, peut-être, pour quelque chose. L’Eire, le Portugal, l’Espagne espèrent que le nouveau gouvernement grec pourrait obtenir des avancées qui pourraient permettre la renégociation de cette dette qui étouffe toute possibilité de croissance. Pour ces pays pré cités, il serait vital – comme le montre le documentaire canadien « Le prix à payer » – de revoir leur système fiscal. Les grandes entreprises, les plus riches échappent trop facilement à l’impôt. La réforme fiscale devrait permettre, en partie, de combattre ce système inégalitaire qui exerce des effets catastrophiques sur l’ensemble des sociétés. Lorsque 89 personnes possèdent 49% de la richesse produite, aucune société démocratique ne peut continuer à exister dans ces conditions. Même l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économique qui réunit les pays les plus riches du monde – a reconnu qu’il fallait combattre les inégalités.

Contre vérités et chantage
Dés l’annonce de la formation du nouveau gouvernement, le matraquage a commencé. L’annulation de la dette grecque coûterait 700 euros à chaque Français. Par quel tour de passe-passe ? On ne le saura pas. Sinon que l’Etat français possède des parts (des obligations) de la dette souveraine grecque. A quelle hauteur ? On ne sait trop.
Pour répondre signalons d’abord un oubli. Le gouvernement grec a payé les intérêts de sa dette. Tout le temps. Les propriétaires de ces obligations, qu’ils soient publics ou privés, ont reçu des sommes importantes d’autant que les taux d’intérêt étaient très élevés. Le budget français, comme celui des 16 autres pays de la zone euro, ont bénéficié de cette manne. N’était-ce pas immoral ? Ne faudrait-il pas considérer que la Grèce a déjà remboursé une grande partie de sa dette si elle avait été à taux zéro comme les avances aux entreprises ?
L’interrogation porte sur les causes de cette augmentation de la dette souveraine. Même si cet indicateur est sujet à caution, il donne une image de cette hausse. En 2007, la dette totale rapportée au PIB (l’indicateur de la création de richesses) était de 107%, en mars 2010, au moment du déclenchement de la crise de la dette grecque, de 129%, aujourd’hui de 177% soit 320 milliards d’euros. Ce rapport révèle dans le même temps la récession profonde qui touche la Grèce depuis 2008 et qui explique les difficultés de financement.
La politique d’austérité drastique imposée à la Grèce par la troïka – BCE, UE, FMI – est un échec lamentable. Il a réussi à appauvrir le pays et ses habitant(e)s. C’est le seul résultat tangible. Il a servi de laboratoire à l’ensemble des autres pays de la zone euro pour savoir jusqu’où pouvait aller cette politique. Même les économistes du FMI ont reconnu – bien tardivement c’est vrai – que la politique d’austérité avait été une erreur… Il faut ajouter que l’augmentation de la dette souveraine grecque – comme pour tous les Etats des pays capitalistes développés – était due à la nécessité de sauver le système financier en finançant les banques pour leur éviter la faillite.
Comme le titrait le journal Les Echos du jeudi 22 janvier, « Grèce : le bilan social calamiteux du plan de sauvetage ». « Chômage, caisses de retraite, système de santé, pauvreté : tous les indicateurs sont au rouge », que dire de plus ? Que l’endettement existe toujours. Non seulement cette politique a creusé les inégalités, augmenter chômage et pauvreté mais n’a pas en rien résolu la question de l’endettement, pourtant le but avoué de toute cette panoplie de mesures imbéciles sur le terrain économique. La troïka a voulu faire taire le peuple grec et avec lui tous les mouvements de contestation du libéralisme. Ils ont provoqué un processus de solidarité interne, sous des formes diverses, qui a permis la victoire de Siriza.
Michel Sapin, en réponse à la demande du nouveau gouvernement grec de renégocier la dette, s’est fait remarquer pour sa remarquable analyse. Il est possible, a-t-il dit en substance, de renégocier la dette si le gouvernement grec s’engage dans les « réformes structurelle ». Remarquable langue de bois dont est coutumier ce ministre des finances. Décryptons. La dette pourrait être rééchelonnés – être reportée dans le temps, donc la Grèce paierait plus d’intérêt – ou le taux d’intérêt pourrait baisser pour tenir compte de la conjoncture actuelle qui fait baisser globalement les taux de l’intérêt et, en contrepartie, le gouvernement grec suivrait les traces de la future loi Macron en flexibilisant le marché du travail et en supprimant le droit du travail. Beau programme qui s’oppose frontalement aux annonces du nouveau gouvernement grec qui a promis d’augmenter le SMIC pour le faire revenir à son niveau de 2010 – il a baissé depuis cette date de plus de 20% à un montant actuel inférieur au seuil de pauvreté -, de revenir sur les privatisations notamment celle du Pirée au grand dam du gouvernement chinois déjà propriétaire de la moitié du port.

Un programme irréaliste ?
Le programme de Siriza pourrait être qualifié de « social-démocrate » si ce avait encore un sens. Il n’est pas question de sortir de la zone euro. A juste raison. La solidarité européenne devrait faire partie de la panoplie de la construction de l’Europe. Elle fait partie de la solution politique pour construire l’Europe, lui redonner une légitimité. Au lieu de pratiquer dumping social et fiscal, la mise en œuvre de politiques communes pourrait éviter une nouvelle crise de l’euro qui pointe à l’horizon malgré les mesures prises par la BCE qui ne visent qu’à aider les banques et les institutions financières (vois mon article « La BCE aux avant-postes sur mon site/blog www.soufflebleu.fr). La crise systémique du capitalisme est loin d’être terminée.
Annuler une partie de la dette pour financer les mesures sociales et renouer avec la croissance est non seulement possible mais vitale. Pour l’avenir de la Grèce et pour celui de l’Europe.
Le gouvernement allemand, Angela Merkel, se posent en fossoyeurs de l’Europe en refusant toute concession sur les politiques d’austérité, sur la dette et sur les mesures sociales. Ils sont en train de tuer l’idée même de la construction européenne. Et les autres gouvernements – dont le Français – n’osent pas s’opposer. Parce qu’ils partagent fondamentalement la même idéologie libérale. Pourtant, cette vision du monde est entrée en crise et en crise profonde.
Cette annulation ne coûtera rien aux contribuables. Elle peut passer par la BCE déjà propriétaire d’une grande partie de la dette passée qu’elle a racheté juste avant la décision d’annuler 70% de la dette. La BCE a ainsi pris à sa charge, en partie ou totalité, les pertes possibles des banques allemandes, françaises et grecques. Aujourd’hui 70% de la dette souverain grecque sont aux mains soit des États, soit de la BCE, soit du FESE, Fonds Européen de Stabilité Financière, fondée en 2010 pour prêter à la Grèce des capitaux lui permettant de payer le service de sa dette.
Qu’est ce qui empêche la BCE, dans son programme de rachat de titres, d’augmenter son portefeuille d’obligations de la dette souveraine grecque ? Rien a priori, sauf le refus du gouvernement allemand et de la Bundesbank mais ce peut-être contourné… Une fois en possession de ces obligations, la BCE peut les annuler. Cette destruction d’obligations déjà émises est l’équivalent d’une création monétaire puisque les BCE les a achetées donc créer de la monnaie pour ce faire. Cette annulation s’inscrit parfaitement dans son plan actuel de lutte contre la déflation.
Ensuite, le gouvernement grec demande un moratoire et pas une annulation. Il ne s’appuie même pas sur le droit international qui définit des dettes odieuse, lorsque cette dette s’est traduite par des attaques répétées contre les populations, ou illégitime lorsque cette dette à servi à financer les déficits précédents… Les raisons d’annuler la dette sont nombreuses.
Le gouvernement grec propose, de plus, d’indexer le taux d’intérêt de la dette future sur le taux de croissance… On ne voit pas ce que pourrait invoquer Angela Merkel ou les autres gouvernements de la zone euro pour exiger la sortie de la Grèce, comme on l’entend sur les ondes ces derniers temps. Continuer la lecture