Un vent qui nous vient d’Allemagne, un vent frais…
Un titre mystère pour qui ne connaît pas la Bavière : « Finsterau », un petit village pris dans la tourmente de cette bizarre fin de deuxième guerre mondiale où rien n’apparaît possible, où le meurtre gratuit s’inscrit dans la configuration d’un pays écroulé, sans référence.
Une jeune femme, Afra, revient chez ses parents avec son fils de deux ans né des amours malheureuses avec un Français. On en a tondu pour moins que ça. Elle est au bout d’un rouleau qui se dévide pourtant encore un peu. Comme en sursis. L’avenir se dérobe. Pour elle comme pour la Nation.
Reste son fils qu’elle veut élever et défendre à tout prix.
Le père d’Afra est une « grenouille de bénitier », pour employer une expression française. Il croit en un Dieu bizarre malgré toute la barbarie accumulée dans le pays par les hordes nazies. Il est muré dans un silence qui a quelque chose à voir avec la répression nazie qui frappait au hasard pour conserver la main mise sur les populations.
En veut-il à sa fille ou à lui-même ? Pas un jour ne se passe, en cette année 1947, sans engueulades entre le père et la fille. Alzheimer le menace – le nom n’existe pas encore – sans qu’il en prenne vraiment conscience.
La fille et le petit garçon sont assassinés. On enferme le père. 18 ans après, l’enquête est rouverte…
Sur cette trame, Andrea Maria Schenkel, avait un art subtil et intelligent, nous fait pénétrer dans cette Allemagne profonde, dans cette forêt étrange des émotions et des caractères, dans cette fusion entre les êtres humains et leur environnement. Elle mène l’enquête pour comprendre – le mystère reste entier – le sens de cette tuerie, de ce déchaînement de haine. Derrière se profile un essai de compréhension de l’adhésion d’une majorité de la population à l’idéologie nazie.
En 109 pages, elle nous bouleverse, nous interroge pour nous faire apercevoir les contradictions qui nous agitent. Un livre actuel qui force à regarder les événements dramatiques que nous vivons d’un autre œil. Qui ne diminue pas notre angoisse, bien au contraire…
Un grand livre.
Nicolas Béniès.
« Finsterau », Andrea Maria Schenkel, traduit par Stéphanie Lux, Actes Noirs/Actes Sud.