James Lee Burke raconte une adolescence dans le Texas du début des années 1950

Histoire et mémoire mêlées en une fiction réelle

James Lee Burke fait une nouvelle fois la preuve qu’il est un des grands écrivains du Sud des États-Unis, un Faulkner contaminé par le polar pour faire éclater la réalité du monde. « Les jaloux » pose un adolescent, Aaron Holland Broussard, dans l’environnement du boom du pétrole – le film « Geant » avec James Dean et Rock Hudson le décrit aussi – qui a généré d’énormes fortunes, de la mafia toute puissante, la surexploitation des Mexicains et une police qui semble impuissante comme un racisme endémique. Les souvenirs des deux guerres sont encore présents pour le père du jeune homme qui noie sa mélancolie dans l’alcool alors que la mère se réfugie dans une dépression endémique. Continuer la lecture

Vider vos poches (4), James Lee Burke


Robicheaux au milieu de nul part, perdu dans le temps

James Lee Burke aime les fantômes. Ils arrivent à être plus vrais que les vivant.e.s souvent proches des morts. En Louisiane, le vaudou reste présent et sait invoquer les morts-vivants. « Une cathédrale à soi » est une peinture quasi intemporelle – jamais n’apparaît une date pour se repérer dans le temps – du Bayou et des errances de Dave Robicheaux associé à Cletus, l’ami de toujours, réceptacle de toutes les violences, de toutes les violences face aux néo-nazis en train de peupler les États-Unis bien après la chasse aux sorcières, comme si le maccarthysme avait marqué de son empreinte terrifiante la terre comme les villes américaines.
L’intrigue vient, comme souvent, de Shakespeare, de Roméo et Juliette qui prend l’apparence d’un couple de jeunes gens, Isolde Balangie et Johnny Shondell issues comme il se doit de deux familles de gangsters ennemis, qui ont fait fortune dans le trafic d’esclaves pour l’origine de leurs fortunes.
Un bourreau venant du fond des âges, 1600 en l’occurrence, veut se faire pardonner tous ses sévices – il était aux côtés de Mussolini – pour retrouver la paix de son cercueil et cesser d’encombrer les humains dans leur lutte pour le mal. Shondell semble être une incarnation de Trump ou l’inverse, on ne sait plus. Le fil se casse de temps en temps mais l’auteur sait d’un seul coup retrouver la grâce ou le malheur de son histoire.
Le brouillard du bayou sait cacher tous les trésors, toutes les turpitudes tout en dévoilant aux esprits fous les réalités enfouies au fin fond de nos cerveaux. « Les morts s’accrochent aux vivants » avait écrit Javier Cercas, James Lee Burke en fait une nouvelle démonstration.
Pourtant rien n’est jamais définitif surtout l’amour des jeunes gens mêmes s’ils savent chanter notre nostalgie, nos souvenirs.
N.B.
« Une cathédrale à soi », James Lee Burke, traduit par Christophe Mercier, Rivages/Noir

Le coin du polar

Spécial James Lee Burke.

Dave Robicheaux, flic de Louisiane, est le personnage clé de l’œuvre de James Lee Burke, son double plus sans doute que ses autres personnages. Robicheaux c’est la Nouvelle-Orléans, sa corruption, ses ouragans – Katrina a laissé des traces durables – aussi sa musique bien sur, le jazz, le blues particulier de la Ville et sa générosité dans la violence et la sauvagerie. Burke a construit un personnage représentatif de la Ville, Clete Purcell. Trop pur, trop violent, alcoolique, remplit du sentiment naïf, évident de la fraternité. Un personnage entier qui ne fait la part de rien, loin de tout compromis. On aimerait le rencontrer. Il est possible de réaliser ce rêve entre les pages de ces romans de James Lee Burke. Continuer la lecture

Le coin du polar. Spécial James Lee Burke

En route pour le Texas entre présent et passé.

James Lee Burke fait partie des grands romanciers américains, de ceux du « South Side ». La référence la plus souvent citée est celle de Faulkner à qui ses personnages faisaient peur. Burke a choisi pour exprimer sa rage, sa colère, ses indignations, le polar. Deux personnages récurrents, doubles de lui-même, hantent ses histoires. Dave Robicheaux pour la Louisiane, Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge et Hackberry Holland, un Texas Ranger pour décrire cet État. James Lee Burke est un écrivain violent qui manie toutes les références à la fois des Etats-Unis, du Texas allant des mythes – celui de « La frontière » notamment – jusqu’au Gospel et les Blues en passant par le racisme et le Ku-Klux-Klan qui alimente les hain es. Sous sa plume la société américaine implose. Il permet, dans ce mouvement qui englobe toute cette société, d’appréhender les ruptures et même de comprendre l’avènement de Trump. un auteur de polar comme il faut les aimer. A plus de 80 ans il reste présent dans la littérature américaine et mondiale. Continuer la lecture

Le coin du polar.

En direct des États-Unis.

Violences du Sud…

James Lee Burke, on ne le dira jamais assez, est l’écrivain le plus important du Sud des États-Unis. Malgré son âge avancé – son expérience de la guerre en est restée au Viêt-Nam, depuis les États-Unis se sont engagés dans des multitudes de guerre -, il sait toujours raconter des histoires tristes et curieuses comme celles des Blues qui marquent profondément cet environnement. Comme le « Old man River », le Mississippi qui structure tous ces territoires
Pour cette nouvelle aventure Dave Robicheaux, son double qu’il n’arrive pas à faire mourir, policier de cette Louisiane remplie de fantômes et de racismes comme d’assassins en série qui ont pourtant pignon sur le Mississippi. Continuer la lecture

Polar et grande littérature.

Le cas James Lee Burke

Où classer James Lee Burke ? Dans les auteurs de polars avec un héros récurrent, Dave Robicheaux, avec comme toile de fonds l’histoire au présent de la Nouvelle-Orléans et de la Louisiane ? Ou dans cette littérature américaine du Sud des États-Unis qui prend sa source dans Faulkner et un peu dans Hemingway ? Dans les deux vraisemblablement tellement le polar est devenu une des sources principales de la dite grande littérature, plus encore aux États-Unis qu’en France.
Il faut reconnaître que Dave Robicheaux au fil des temps est devenu une des figures de l’auteur. James Lee pourrait tout aussi bien changer de nom. Ce n’est pas son seul double, il en est d’autres pour raconter d’autres contrées, le Texas par exemple. Mais il n’est jamais plus à l’aise que dans ce coin du Mississippi où Trenet voyait les enfants « faire pipi », pour une rime riche même si elle est facile.
Il en est, comme Laurent Chalumeau, tout à sa défense de Elmore Leonard – qui situe ses intrigues à Detroit, une autre ville du jazz, dont il fait aussi la chronique -, qui prétende que James Lee a pris la grosse tête et qu’il n’est guère capable de se renouveler. Une critique supplémentaire pourrait lui être faite, Dave Robicheaux n’arrive pas à vieillir malgré le temps qui passe, malgré sa fille qui grandit et veut devenir une écrivaine. Il n’empêche, le pays qu’il décrit est un condensé de violences, d’injustices, d’inégalités, de corruptions qui structurent ces USA, pour parler comme là-bas. James Lee n’est, sans doute, pas étonné que la police blanche tire sur des jeunes noirs sans armes. Le racisme est installé dans cette société même si les changements sont perceptibles (voir ma chronique de la thèse de Sylvain Cypel) et commencent par les femmes comme souvent. Elles sont la plaque sensible qui permet de situer les évolutions structurelles. Il sait se faire le porte-parole de cette ville, du jazz et du blues, soumise au réchauffement climatique via ces tsunamis – Katrina a été le plus ravageur, en 2005 – réguliers, à l’image d’un monde en continuelle révolution.
Les ombres du passé ne savent pas disparaître. La mémoire, patrimoine essentiel, doit faire l’objet d’un travail permanent. Dans tous ses livres, le passé fait partie intégrante du présent.
Dans le dernier opus publié en poche – Rivages/Noir -, « L’arc-en-ciel de verre », un titre en forme de slogan pour cette ville sinistrée, il met en scène une vieille famille de ce Sud profond qui a participé à tous les trafics, fasciste et raciste, accusé de meurtres de jeunes femmes. Alafair, la fille adoptée de Robicheaux, est cette fois actrice directe. Le conflit de générations semble véritablement vécue. Continuer la lecture

Le coin du polar

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James Lee Burke au Texas

Burke, dieux de la pluieUn tueur au Texas ne pouvait s’appeler que « Prêcheur » pour représenter notre monde pétri de contradictions, tourmenté entre barbarie et réparations, le tout couronné, surtout aux Etats-Unis, par une référence continuelle à la Bible, au « Good Book » comme on dit dans ce pays étrange qui, comme le jazz, n’a pas de nom. James Lee Burke, écrivain du Sud dans la lignée de Faulkner, sait dessiner ce type de personnage inoubliable. Il vole la vedette aux « Bons », eux aussi ballottés entre cauchemars des guerres passées et la guerre d’aujourd’hui. Des rencontres étranges entre des survivants de la guerre de Corée et celle d’Afghanistan, traumatisés par ces expériences qui sabotent leur raison de vivre et d’aimer. « Dieux de la pluie » est un roman dur et âpre sur ce monde qui part de tous les côtés. Un grand roman comme souvent avec cet auteur, sans doute le plus important de sa génération.
NB
« Dieux de la pluie », James Lee Burke, traduit par Christophe Mercier, Rivages/Thriller.