En route pour le Texas entre présent et passé.
James Lee Burke fait partie des grands romanciers américains, de ceux du « South Side ». La référence la plus souvent citée est celle de Faulkner à qui ses personnages faisaient peur. Burke a choisi pour exprimer sa rage, sa colère, ses indignations, le polar. Deux personnages récurrents, doubles de lui-même, hantent ses histoires. Dave Robicheaux pour la Louisiane, Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge et Hackberry Holland, un Texas Ranger pour décrire cet État. James Lee Burke est un écrivain violent qui manie toutes les références à la fois des Etats-Unis, du Texas allant des mythes – celui de « La frontière » notamment – jusqu’au Gospel et les Blues en passant par le racisme et le Ku-Klux-Klan qui alimente les hain es. Sous sa plume la société américaine implose. Il permet, dans ce mouvement qui englobe toute cette société, d’appréhender les ruptures et même de comprendre l’avènement de Trump. un auteur de polar comme il faut les aimer. A plus de 80 ans il reste présent dans la littérature américaine et mondiale.
Rivages qui édite depuis le début, grâce à François Guérif, Burke, propose, pour cet été – et après si affinité – trois rééditions et une nouveauté. « Déposer glaive et bouclier » – issu d’un gospel « Down By The Riverside », il faut conseiller d’écouter les thèmes musicaux qu’il cite, ils éclairent l’écriture, Burke est aussi une sorte de griot du blues – est la première rencontre avec Hack, diminutif de Hackberry, qui pourrait devenir une vedette de la vie politique texane. Sauf qu’il a fait la guerre de Corée et il répond à l’appel d’un de ses anciens compagnons. Le vernis saute. La lutte pour les droits civiques est le centre de cette intrigue qui verra la fin de la carrière prometteuse du Texas Ranger. La première édition de ce roman remonte à 1971. il donne pourtant l’impression d’avoir été écrit hier.
« Dieux de la pluie », sorti aux Etats-Unis en 2009, traite des migrations, thème on ne peut plus dans l’actualité. Les cadavres de 9 femmes mexicaines sont retrouvées par Hack qui est saisi par le dégoût, la colère et la volonté de les venger. Burke en profite pour superpose les souvenirs indélébiles de la guerre de Corée pour Hack et les souffrances des vétérans de la guerre d’Irak pour un réquisitoire contre la société américaine qui ne veut pas de cette mémoire. Ni Trump des migrants…
« La fête des fous », paru en 2011, porte bien son titre. Toutes les strates de cette société sont saisies à travers des personnages fantastiques, fantasmes, horribles, terrifiants. Cette série de portraits : un révérend comme on les imagine, un mercenaire et une femme qui représente l’Amérique que nous aimons, celle qui aide les immigrés – la scène se passe à la frontière mexicaine – et se bat pour la défense des valeurs pas aussi familières qu’il le semble pour la France, la liberté, l’égalité et la fraternité, donne une image contradictoire, violente, sauvage de ce pays curieux, le Texas en train de perdre son accent.
Enfin, comme c’est la mode, « La maison du soleil levant » se situe en 1916, dans le Mexique secoué de révolutions, pour, en écho au prologue de « Déposer Glaive et bouclier », reprendre l’histoire du grand-père de Hack. Une évocation nécessaire pour comprendre les mémoires du Texas ranger et, sans doute, celles de James Lee Burke. Une conclusion en forme d’introduction à une nouvelle lecture des premières œuvres.
Nicolas Béniès.
« « Déposer glaive et bouclier », James Lee Burke, traduit par Olivier Deparis, Rivages/Noir ; « Dieux de la pluie », « La fête des fous », James Lee Burke traduit par Christophe Mercier, Rivages/Noir et « La maison du soleil levant », James Lee Burke, traduit par Christophe Mercier, Rivages Noir