Polars historiques, 1302 et 1941, un pas de géant

Le monde en 1302

« La tour maudite des Templiers » de l’autrice italienne Barbara Frale est un étrange roman. Etrange par l’érudition supposée par la caution de Umberto Eco, « C’est le livre que j’attendais, il est passionnant et d’une érudition sans faille », mort en 2016 pour ce livre paru en 2020… Petite entourloupe sans doute, Eco parle de son livre précédent « Les Templiers » permettant de s’interroger sur la place des fantômes qui prennent de la place surtout quand il s’agit de faire surgir un monde disparu.
Elle nous fait pénétrer dans la cour de Philippe IV dit le Bel – décrit comme tel – jouant de sa parenté avec Louis IX canonisé devenu Saint Louis lui permettant de s’opposer au pape, dans le Vatican de Boniface VIII et Dante en émissaire de Florence voulant éviter que sa Cité ne tombe aux mains des Français. Crescenzio et Madalena, frère et sœur, neveu et nièce du pape, mènent l’enquête pour percer le secret de Arnaud de Villanova, alchimiste – un chimiste pour employer le terme adéquat – qui a été au service du Roi de France mais ne veut plus avoir de contact avec lui. Une énigme leur est proposée, une sorte de rébus, pour pénétrer dans ce monde étrange. Les Templiers sont décrits comme partagés entre le grand maître Jacques de Molay obnubilé par la croisade pour reprendre Jérusalem et le reste plutôt attaché au roi de France mais qui s’interdit de remettre en cause le grand maître. « Abraxas » ici est le rébus à résoudre.

Toute l’affaire tourne autour de l’agnel d’or, création de Philippe Le Bel pour spolier les Nobles et faire sortir l’or contenu dans leurs coffres. Belle manœuvre pour renflouer les caisses vides de l’Etat – en formation – qui a fait, les souvenirs anciens de nos livres d’école refont surface, du Roi un faux monnayeur.
Barbara Frale ne craint pas même d’évoquer les relations internationales en train de se transformer. La Reine, Jeanne, accueille la délégation venant de Tunis qui marque la fin des croisades et par-là même celle des Templiers, ombres d’un monde qui disparaît.
Un roman magnifique qui redonne tout son lustre à une période un peu oubliée. L’autrice sait nous embarquer en nous perdant dans cette toile d’araignée où la poésie de Dante comme les mines du Roi Salomon ont toute leur place.
Nicolas Béniès
« La tour maudite des Templiers », Barbara Frale, traduit de l’Italien par Michel Musolino, 10/18

Le cinéma comme arme de propagande.
En 1941 Roosevelt se prépare à la guerre contre les puissances de l’Axe – Allemagne, Italie et Japon – mais l’opinion publique n’est pas prête. L’isolationniste est au sommet via le Ku-Ku-Klan et « America First » – qui rappelle quelque chose – aussi antisémites que racistes. Le Président demande à Hollywood de préparer un film au casting impressionnant pour transformer l’état d’esprit de la population. C’est sur cette trame que Olivier Barde-Cabuçon a construit son roman « Hollywood s’en va en guerre ». Il met en scène une détective privée lesbienne, Vicky Mallone, qui s’exprime comme Marlowe – le privé de Chandler – et se fait blouser comme lui.
L’Histoire prend toute sa place à travers des personnages fictifs qui ont le bon goût de ressembler à d’autres personnages fictifs appelant nos souvenirs de lecture en évoquant les auteurs de polar et de cinéma par la référence aux films.
Les tentatives de Roosevelt font partie de la réalité. Il faudra Pearl-Harbor, en décembre de cette même année 1941, pour convaincre les populations étatsuniennes de faire la guerre. Une évocation documentée de cette moment clé dans la seconde guerre mondiale.
Nicolas Béniès
« Hollywood s’en va en guerre », Olivier Barde-Cabuçon, Série Noire/Gallimard