Le polar dans ses modes

Polar politique
« Les morts de Beauraing » est en prise avec les réalités déformées qui nous servent d’environnement. Un attentat a eu lieu dans cette agglomération bruxelloise. Il a visé la communauté catholique et le banc des accusé.e.s est rempli de jeunes belges attirés par le djihad. Un choc. Yves Demeulemeester et Leopold Verbist, associés dans une petite agence de presse, décident d’enquêter. Et la vision simpliste d’un ministre de l’intérieur perd de sa netteté. Se mêlent à eux, une militaire d’active, Ingrid Mertens, qui veut venger la mort de son fils adoptif pour faire imploser toutes les données et faire jaillir d’autres pistes, d’autres intérêts de groupes qui n’ont aucun respect pour la vie humaine et veulent servir Dieu, le grand diviseur de notre temps. Les responsables ne sont pas là où tout le monde regarde.
Une inversion des données rationnelles est le grand mérite de cette enquête. François Weerts, l’auteur – lui-même journaliste – nous oblige à nous interroger sur la pertinence de nos logiques face à des sociétés de plus en plus irrationnelles qui ne pensent que par la violence et la dictature pour imposer des visions rétrogrades et dangereuses.
Une réussite malgré quelques sauts non justifiés dans l’intrigue. Il arrive à faire froid dans le dos tellement la réalité semble épouser cette fiction.
Nicolas Béniès
« Les morts de Beauraing », François Weerts, Rouergue Noir

Polar poétique
Catherine Day – c’est son nom au début – se décide à sortir de sa dépression, de sa léthargie pour… aller en Gaspésie, un coin de pêcheurs paumé et délaissé dans ce Québec étrange où le français coule à flots quand il ne coule pas. Elle est partie à la recherche de sa mère, Marie Garant, qui l’a abandonnée lorsqu’elle était bébé. Elle la retrouvera morte et lui faudra trouver les réponses seule en compagnie des pêcheurs de la Baie-des-Chaleurs. Un enquêteur, nouveau venu de la police de Montréal, Joachim Morales, se butera sur les mémoires fermées, les morts par noyade, les affrontements pour devenir le mari de Marie, les accidents de la mer pour, finalement, résoudre l’affaire à l’aide de Cyrille, un amoureux de Marie, en train de mourir du cancer. « Nous étions le sel de la mer » est un titre qui cache un jeu étrange entre les pêcheurs, la terre et les rêves.
Le tout rythmé par la mer synthétisant le désir de liberté, de partir ailleurs et revenir pour régler ses comptes et disparaître dans l’horizon en emportant ses fantômes flottant au-dessus de la mer. Un rêve, l’attente sans fin du retour, aimé sans être aimé, un endroit où la raison s’emporte pour laisser la place à des émotions profondes. Vivre loin de ce monde, Roxanne Bouchard nous propose une issue : la poésie qui seule résout les contradictions du temps. Un ange ou deux sont passés et les humains ne sont plus pareils.
« Nous étions le sel de la mer », Roxanne Bouchard, Mikros/éditions de l’Aube.